Editorial de la feuille d’annonce hebdomadaire de la Paroisse Saint Léon à Paris (15e), parue ce dimanche 20 janvier 2008.
Rainer Maria Rilke écrivait, en 1898 : « Dieu est la plus ancienne oeuvre d’art. Il est très mal conservé. » On travaille avec acharnement, dans la plupart des pays occidentaux à la conservation et à la restauration du patrimoine. Il n’en était pas ainsi, en France, pour cette « oeuvre d’art » dont parlait Rilke, puisque le mot Dieu avait été évincé du discours public au profit de celui de religions, ou valeurs ou aspirations ou croyances. C’est pourquoi les dernières interventions du Chef de l’État ont provoqué tant de réactions : pour l’intelligentsia médiatico-parisienne, il s’agit d’un manque d’éducation, ou d’une intolérable intrusion dans la conscience individuelle, ou du signe d’une dérive totalitaire, ou même, pour certains de ces nouveaux clercs, plus qu’un crime, d’une faute.
Et cela est bien singulier pour un observateur. Il y a, de la part de ces directeurs auto-proclamés de la conscience publique, une incroyable sensibilité à ce mot : « Dieu ». On peut comprendre que ceux qui ont travaillé à extirper Dieu de leur vocabulaire, de leur (mauvaise) conscience, de leurs références, de leurs choix, de leur vie et de la culture ne veuillent pas voir revenir par la fenêtre celui qu’ils ont chassé par la porte. Mais de deux choses l’une : soit Dieu n’existe pas, et alors il faut entendre qu’ils ont une hypersensibilité à ce qui n’existe pas, et ça se soigne ; soit Dieu existe, et alors ils s’érigent en maîtres du discours, et ça se soigne aussi.
C’est une façon de dire aussi que notre monde franco-français est bien malade. Mais c’est aussi pour nous l’occasion de nous ressaisir d’un travail nécessaire : la question de Dieu, la question de l’existence de Dieu, doit être posée à tout homme, car il en va de l’intelligence humaine, de son étendue, de son aptitude à saisir le réel, de sa capacité à rendre compte de ce qui existe, de la légitimité de sa prétention à gouverner le monde. Car le Dieu dont nous parlons, ce n’est pas un dieu de la mythologie qui n’est bien souvent que la personnification d’une passion humaine. Le Dieu dont nous parlons, c’est le seul être nécessaire qui rend compte des êtres contingents, c’est l’infini qui contient le fini, c’est le Créateur Intelligent qui donne l’existence à un univers intelligible. Si lui n’existe pas, alors rien ne peut exister, car du néant rien ne peut sortir ; si tout était contingent (c’est-à-dire non nécessaire), alors rien ne pourrait exister ; si à l’origine de tout le réel il n’y avait pas un Créateur, alors rien ne recevrait l’existence ; si ce Créateur n’était pas intelligence, alors tout ne serait que chaos et l’esprit humain ne pourrait saisir cet ordre universel qui lui permet de formuler des lois, de reconnaître des régularités, de rendre compte d’une rationalité dans les choses.
Ce Dieu perçu par la raison, c’est lui qui s’est révélé en plénitude en Jésus. Nous en sommes tous témoins.
Père Olivier Rolland
Vicaire
© Paroisse Saint Léon