Suite de notre discussion avec Claude sur la question du péché origine. Je précise que Claude n’est pas catholique, mais qu’il réfléchit à le devenir. D’où ses positions très hétérodoxes qui témoignent d’une intelligence en recherche – en dépit des certitudes affichées.
Claude : Mon cher ami, j'ai bien lu, j'ai bien cherché, en long et en large. Je crois être arrivé à une vérité fulgurante et définitive. Je t'annonce que je vais te répondre très clairement sur le sujet du péché originel dans quelque temps, dans la plus grande clarté possible.
Matthieu : Tu me fais peur....... Mais bon, je suis curieux (et impatient malgré tout!) de voir où ta réflexion t'a menée !
Claude : C'est parti ! Si l'on considère que la perfection était au début, il n'y aurait jamais eu de Christ car sa vocation de rédempteur telle que la conçoit Saint Augustin (mais aussi Luther, les jansénistes), n'avait plus lieu d'être. Il s'agit donc d'une aberration. Avec la connaissance du Bon et du Mauvais, l'homme a besoin d'un médiateur. Et nous n'étions pas non plus des Christ puisque, sinon, nous aurions repoussé Satan – et Eve n'était pas une figura Mariam puisqu'elle a été tentée.
Saint Irénée de Lyon, IIe siècle, dans son grand traité contre les gnostiques, développe la pensée de Paul : le premier homme a été inachevé. La plénitude, la perfection, n'est pas au commencement (comme le disaient les deux frères de ta vidéo), à l'origine, mais au terme, à la fin.
Le péché originel est l'état qui précède la sainteté.
Dans la pensée de Paul, qui est la pensée de l'Eglise de Rome depuis les origines jusqu'à aujourd'hui, la perfection, la plénitude, n'était pas du tout à l'origine. Elle sera réalité à la fin, grâce au Christ, celui qui a reçu l'onction royale, prophétique, sacerdotale.
Comme l’écrit Tresmontant : « Ce que l'Eglise entend par ou sous l'expression empruntée à Augustin, peccatum originale, c'est l'état qui précède l'entrée dans l'économie de la grâce, qui est la nouvelle Création, qui est l'Eglise, l'état qui précède l'entrée dans l'économie de la sainteté ; qui est la transformation totale, la métamorphose de l'homme ancien en Homme nouveau par l'Esprit saint, qui est l'Esprit de Dieu, qui est Dieu qui est Esprit. »
« Pour Paul, Genèse 1,26 et 1,27 est un texte PROPHETIQUE qui porte sur l'Homme qui va venir, l'Homme qui est dans le dessein de Dieu depuis les origines, l'Homme véritable. Pour Paul, le premier Homme était fait de la terre, il était une âme vivante. L'homme spirituel viendra après, plus tard. Ce n'est pas le spirituel qui est premier, c'est l'animal. La perfection n'est pas dans le passé, mais au temps de l'histoire de la Création, dans l'avenir. »
« Pour Saint Augustin, c'est la concupiscence (désir, semence qui la contient) qui effectue la transmission du péché originel. Saint Thomas a corrigé cette conception ; l'Eglise aussi : "La concupiscentia : l'Eglise catholique n'a jamais compris qu'il y ait lieu de l'appeler péché" (Concile de Trente) "Tous les hommes ont perdu l'innocence dans la transgression d'Adam" ».
Sainteté = Création de l'Homme nouveau et véritable en nous, avec notre consentement et notre coopération.
Conclusion : L'expression "péché originel" désigne tout simplement l'état dans lequel nous naissons tous, état qui précède la nouvelle naissance, la Création en nous de l'homme nouveau. Saint Augustin a cru, comme presque tout le monde de son temps chez les Latins, que le mot hébreu Adam désignait au signifiait un nom propre, alors que l'hébreu ha-adam signifie l'homme, purement et simplement.
Le récit de Genèse 3 est donc un Maschal, un texte prophétique. De là découle toute la compréhension de la mystique chrétienne. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais c'est fulgurant Matthieu. Remarquable de clarté et de vérité.
On peut d'autant plus faire confiance aux Hébreux qui ont compris ce texte : ils ne parlent pas de "péché originel" dans le sens augustinien.
Matthieu : Cher Claude, j'essaye de répondre rapidement à ton dernier post.
1. "Si l'on considère que le perfection était au début, il n'y aurait jamais eu de Christ car sa vocation de rédempteur (...) n'avait plus lieu d'être. Il s'agit donc d'une aberration." Mais le Christ aurait eu alors une autre vocation : celle de récapituler toute la Création en Lui par son Incarnation et le don eucharistique de sa vie (qui aurait pu se produire sans le sacrifice de la Croix – comme au soir du Jeudi Saint).
2. "Avec la connaissance du Bon et du Mauvais, l'homme a besoin d'un médiateur." En fait, je pense exactement l'inverse : avec la connaissance du Bon et du Mauvais (je suppose que tu veux dire par là : une certaine expérience du mal), l'homme a besoin d'un Rédempteur. Sans cette expérience, le Rédempteur n'a plus lieu d'être, mais le Médiateur, lui, garde tout son sens, puisque du fait de la distance infinie, ontologique, qui sépare l'homme de Dieu, on peut penser qu'il y aurait eu de toute façon besoin d'un "pont" entre l'homme et Dieu : ce pont ne pouvant être (parce que c’est le plus excellent) que le Verbe incarné unissant parfaitement en sa personne la divinité et l'humanité – et récapitulant tout en lui. N’oublions pas que tout a été créé POUR lui, le Fils bien-aimé (avant même donc qu’il fût question de Chute – car tel était le dessein originel du Père, cf. Col 1. 16).
3. "Le premier homme a été inachevé. La plénitude, la perfection, n'est pas au commencement (comme le disaient les deux frères de ta vidéo), à l'origine, mais au terme, à la fin." Il faut distinguer ici la perfection naturelle et la perfection divine. La créature originelle était parfaite sur le plan naturel, mais elle était inachevée... car c'est en Dieu que l'homme trouve son plein accomplissement. Autrement dit : l'homme est inachevé tant qu'il n'est pas divinisé – quelque parfaite que puisse être sa nature. Regarde la Vierge Marie : elle était parfaite ici-bas sur la terre (toute immaculée, et vierge de tout péché personnel tout au long de sa vie). Mais sa perfection était celle d’une créature qui ne possède pas en elle-même toute la connaissance, et qui, de ce fait, tâtonne dans l’obscurité et cherche, au point de se cogner parfois (comme lors de la disparition de Jésus à l’âge de 12 ans, au moment du pèlerinage familial à Jérusalem, où Jésus adresse le doux reproche à sa Mère de ne pas avoir su qu’il devait être aux affaires de son père – cf. Lc 2. 41-52 ; ou encore lorsqu’elle se joint au reste de la famille pour tenter de « récupérer » Jésus, hâpé par les exigences de son ministère public, et dont ses proches estiment qu’il a perdu la tête… - cf. Mc 3. 21 & Mt 46. 50). Ce n'est qu'après son Assomption-divinisation qu'elle est entrée dans son plein achèvement – dont le rayonnement glorieux transparaît dans chacune de ses Apparitions sur la terre.
4. "Le péché originel est l'état qui précède la sainteté." Pas forcément – il n'y a pas de déterminisme. La damnation aussi est une possibilité... Le péché originel est donc un état qui peut précéder la damnation.
5. "Dans la pensée de Paul, qui est la pensée de l'Eglise de Rome depuis les origines jusqu'à aujourd'hui, la perfection, la plénitude, n'était pas du tout à l'origine. Elle sera réalité à la fin, grâce au Christ, celui qui a reçu l'onction royale, prophétique, sacerdotale." Mais dans la pensée de Paul, il est aussi question d'une Chute. Paul raisonne à partir du présupposé (justifié par la Révélation) de la Chute originelle. Il intègre à sa doctrine toute l'économie du Salut – et il faut loyalement en tenir compte si l'on veut rendre compte avec justesse de sa pensée – qui est effectivement la pensée de l'Eglise de Rome depuis les origines.
6. "Pour Saint Augustin, c'est la concupiscence qui effectue la transmission du péché originel. Saint Thomas a corrigé cette conception ; l'Eglise aussi : "La concupiscentia : l'Eglise catholique n'a jamais compris qu'il y ait lieu de l'appeler péché" (Concile de Trente)". Attention à ne pas confondre. Le péché originel a introduit une faille dans notre humaine nature : c'est la concupiscence. La concupiscence n'est pas le péché, mais cette mystérieuse inclinaison vers le mal que le péché originel a inoculé dans notre nature. Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas de péché en amont (le péché originel) ni en aval (notre péché personnel). La transmission de l'état de péché est un effet du péché originel, non de la concupiscence en quoi réside précisément cet état de péché.
7. "Tous les hommes ont perdu l'innocence dans la transgression d'Adam" : c'est bien pour cela que l'on parle d'une Chute.
8. "Saint Augustin a cru, comme presque tout le monde de son temps chez les Latins, que le mot hébreu Adam désignait au signifiait un nom propre, alors que l'hébreu ha-adam signifie l'homme, purement et simplement." Le nom de Jésus signifie "Dieu sauve" : cela ne veut pas dire que Jésus n'est pas une personne…
Si l'état de péché était notre état brut après la Création divine sans connotation morale de faute, de transgression, de désobéissance, alors... cela voudrait dire que Dieu a partie liée avec le mal et la souffrance qui sévissent sur la terre (puisqu'il les aurait créés avec la matière brute) et on ne comprend plus dès lors la théologie catholique : de quoi Jésus est-il venu nous sauver ? Pourquoi est-il mort sur la Croix (n’y avait-il pas un moyen moins onéreux de nous conduire vers notre plein achèvement) ? Et puis : pourquoi les hommes n'ont-ils pas été créés saints et immaculés à l'instar de la Vierge Marie, puisque Dieu le pouvait ? De quoi celle-ci a-t-elle été préservée, et pourquoi ? Et encore : pourquoi les hommes qui ont été régénérés dans l'eau du baptême continuent-ils de pécher, puisqu'ils sont devenus des hommes nouveaux dans le Christ (alors que théoriquement, leur Création est achevée)? etc, etc, etc.
Ma conclusion à moi est que tu dois absolument lire l'ouvrage de Mgr Léonard (qui fut, pour mémoire, le prédicateur de la retraite de Carême du pape Jean-Paul II l’année du Grand Jubilé de l’Incarnation, en 2000), ainsi que l'enseignement du Catéchisme de l'Eglise catholique sur le sujet.
Claude : Le mot de rédemption veut dire "libérer" / Rédemption = guérison (comme le Christ guérit un aveugle, il re-créé à partir de l'aveugle), libération, re-création et achèvement, divinisation de l'humanité ; de Makar = vendre / Racheter, libérer = padah ou gaal. Le Christ libère si on suit son ontologie mystique. Avec Tresmontant, ce qui est bien, est sa justesse sur l'hébreu. "Il sait l'hébreu" comme disait le rabbin Képlan à son sujet.
La théorie du péché originel a une histoire, tu le sais ; d'abord, c'est saint Augustin qui, pour répondre aux manichéens (et je n'en fais pas partie !), a posé la question de ce "peccatum originale" et il croyait que le monde était déjà achevé. Nous savons que cette vision-là est fausse. De même, nous savons que les Pères ont travaillé cette notion, ont cherché à la comprendre. Saint Thomas lui même a remis en question cette théorie : "ce qui est naturel à l'homme ni n'est ôté ni n'est ajouté à l'homme par le péché" (somme théologique, I q. 98, a 2) Dieu ne "punit" pas l'homme, il présente les conséquences de l'acte.
J'ai une question polémique à te poser (mais elle se veut salvatrice) : Quelle est la différence entre la théorie luthérienne du péché originel et la tienne ?
Ce que tu nommes Rédempteur est à mon avis le bon Médiateur. Mais tu penses le rédempteur en terme de "rachats" quand je le conçois en terme de "libérateur". Le Christ prend sur lui le péché du monde, il prend l'état originel, le vieil homme sur lui (que l'Eglise nomme "péché originel") et il le montre à la face de l'humanité qui, sans lui, est pécheresse et ne peut être en union avec Dieu.
Mais ce fait de l'évolution constatée nous invite à suivre le Christ pour nous libérer du vieil homme. Jean Duns Scot a très bien montré que le Christ était bien plus que rédempteur. Il était surtout la finalité ultime de la Création.
Concernant l'Enfer, je suis très optimiste, je pense être très chrétien à ce sujet : je vis dans l'espérance. Il a existé des hommes honorables qui ont pardonné. Pourquoi Dieu ne le ferait-il pas ? Attention, cette espérance ne doit pas nous libérer de toute responsabilité, bien au contraire. Elle nous invite à la clémence, l'humilité et l'enthousiasme même. Une de mes devises favorites du Christ : "Ne crains pas, crois seulement" Marc 5,35.
J'aimerais que tu me donnes un seul passage où Paul parle de Chute. Car justement, Paul dit le contraire d'Origène (pour qui le premier homme était céleste, parfait puis chute) = le premier homme, la première humanité, elle est terrestre, animale (le vieil homme) pour Saint Paul. La conception de Chute vient d'une erreur de traduction selon Tresmontant. Mais tu sais, nous ne sommes pas loin d'être d'accord, selon moi. En définitive, ce que tu considères comme Chute est pour moi un état (que Dieu n'a pas voulu mais qui a été possible, car l'arbre était là) ; comme dit René Girard : "Bienheureuse faute d'Adam" ; cette "concupiscentia" est à la fois bonne car elle nous fait voir Dieu, à la fois mauvaise, car elle peut nous inviter à nous prendre pour des dieux. Tout le mystère est là, selon moi.
Matthieu : 1. "La théorie du péché originel a une histoire, tu le sais ; d'abord, c'est saint Augustin qui, pour répondre aux manichéens (et je n'en fais pas partie !), a posé la question de ce "peccatum originale" et il croyait que le monde était déjà achevé. Nous savons que cette vision-là est fausse." Saint Augustin, en bon lecteur de l’Ecriture, était paulinien. Il croyait donc que la perfection de l’homme est en Dieu, et que cette perfection ne sera pleinement réalisée qu’au ciel (cf. Ep. 4. 13) – quoiqu’il nous soit déjà donné d’en goûter les arrhes ici-bas à travers les sacrements qui nous configurent peu à peu au Royaume.
2."J'ai une question polémique à te poser (mais elle se veut salvatrice) : Quelle est la différence entre la théorie luthérienne du péché originel et la tienne ?" Sauf erreur (je ne suis pas un spécialiste de Luther), et ainsi que le rappelait Bruno dans son commentaire au précédent article (cf. commentaire n°1), Luther considérait que le péché originel avait infecté la nature au point de s’en trouver viscéralement corrompue. La nature issue du péché originel, pour Luther, est mauvaise en soi (il rejoint en cela Origène, les gnostiques et le puritanisme que tu abhorres – à juste titre). Il n’y a rien à en attendre lorsqu’elle est livrée à elle-même, à ses seules ressources. Il n’y a que l’action de la grâce surnaturelle qui peut la sauver. Ainsi : si un homme se convertit et devient chrétien, il n’y est pour rien ; il ne peut en retirer aucun mérite, puisque sa liberté est incapable par elle-même de choisir le Christ ; s’il choisit le Christ, c’est par l’effet de sa grâce et d’elle seule (on connaît la maladie protestante de la « solite aigüe » ! ).
La vision catholique est moins pessimiste : elle considère que la Chute n’a pas fait perdre à la nature sa bonté primordiale. Elle reste bonne en elle-même, quoique viciée et altérée. D’où la confiance de l’Eglise, par exemple, dans la raison naturelle de l’homme qui demeure un authentique chemin vers Dieu. D’où la notion de mérite aussi que l’Eglise reconnaît aux hommes qui se convertissent et s’efforcent de demeurer fidèles aux promesses de leur baptême – notion parfaitement biblique au demeurant, qui s’accorde parfaitement avec celle de grâce rédemptrice (le Salut est à la fois l’œuvre de la grâce et l’œuvre de l’homme : il est premièrement l’œuvre de la grâce et secondement l’œuvre de l’homme ; mais il ne peut y avoir de Salut sans l’œuvre seconde de l’homme qui a sa consistance propre).
3. "Le Christ prend sur lui le péché du monde, il prend l'état originel, le vieil homme sur lui (que l'Eglise nomme "péché originel") et il le montre à la face de l'humanité qui, sans lui, est pécheresse et ne peut être en union avec Dieu." Jésus ne fait pas que « montrer » l’horreur du péché aux hommes : il rachète en sa chair l’humanité pécheresse de l’intérieur. Parce qu’il est vraiment homme, il peut sauver tous les hommes avec qui il partage, de par son Incarnation, la même nature. Celle-ci n’est donc plus irrémédiablement viciée par le péché ; en Jésus, pour la première fois, un homme a dit OUI a Dieu, jusqu’au bout ; en Jésus, le péché est vaincu ; l’humanité recouvre sa splendeur originelle ; bien plus : elle trouve le chemin de la communion trinitaire et de la divinisation – qui devait procéder du OUI libre de l’homme à Dieu. Par sa mort et sa résurrection, Jésus a ouvert une brèche dans notre humanité blessée qui donne accès à l’humanité accomplie, à l’Homme nouveau – dont il est le Principe. Pour s’engouffrer dans cette brèche, il faut se greffer sur Lui. C’est dans les sacrements – spécialement le baptême et l’eucharistie – que s’opère cette greffe de l’homme ancien à l’Homme nouveau ; que l’homme ancien peut recevoir de l’Homme nouveau l’eau pure de la vie éternelle qui assainit les eaux mortes du péché et fait tout reverdir (cf. Ez 47. 1-12).
4. "Concernant l'Enfer, je suis très optimiste, je pense être très chrétien à ce sujet : je vis dans l'espérance. Il a existé des hommes honorables qui ont pardonné. Pourquoi Dieu ne le ferait-il pas ?" Ce n’est pas une question de pardon de Dieu. Le pardon, il est acquis du côté de Dieu (cf. Col 2. 13-14). La question, elle se trouve du côté du pécheur. Va-t-il oui ou non entrer dans ce pardon pour consentir dorénavant à ne plus vivre par et pour lui-même, mais à recevoir sa vie de Dieu ? L’Eglise catholique a tant de respect pour la liberté des hommes qu’elle se garde bien de répondre à leur place : elle invite à espérer pour tous, il est vrai ; mais aussi à considérer l’enfer comme une réelle possibilité pour chacun de nous, en vertu de cette liberté qui nous est donnée – et que personne ne peut exercer à notre place –, et de l’expérience des anges rebelles – les démons – qui nous révèlent que la liberté d’une créature peut malheureusement se dévoyer… jusqu’au refus éternel de Dieu – ce qu’est précisément la damnation.
5. "J'aimerais que tu me donnes un seul passage où Paul parle de Chute." Eh bien, relis la lettre aux Romains, au chapitre 5. Certes, le mot « Chute » n’est pas employé par Paul, mais la réalité, elle, s’y trouve indiscutablement. Ainsi, au verset 12, quand l’Apôtre écrit : « Par un seul homme, Adam, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, du fait que tous ont péché. » St Paul montre bien ici que le péché d’Adam a eu comme conséquence : 1°) la prolifération du péché et 2°) l’apparition de la mort ; deux choses qui n’étaient pas prévues originellement dans le projet créateur de Dieu, mais qui affecte substantiellement la Création… à cause d’Adam. Autrement dit : si Dieu est la cause première de la Création, Adam, lui, est la cause première de la prolifération du péché dans le monde et de la mort – qui n’était pas la destinée d’une humanité ayant accès à l’arbre de vie. Il y a donc bien une « Chute », en ce sens que le monde que nous voyons et dans lequel nous vivons n’est pas le Paradis terrestre innocent et immaculé tout droit sorti des mains de Dieu, mais un monde cassé, profondément marqué par le péché et par le mal ; un monde où la mort paraît triompher – puisque notre seule certitude ici-bas, comme disait Pascal, est que nous devions mourir…
« Tous sont devenus pécheurs parce qu'un seul homme a désobéi » dit St Paul au verset 19. Non pas : « parce que c’est l’état brut et primordial de l’homme ancien avant son complet achèvement dans le Christ ». Mais : « parce qu’un seul homme a désobéi ». C’est donc bien une désobéissance humaine qui a provoqué la régression du Paradis terrestre (dans lequel l’homme vivait à la fois dans un état de perfection naturelle et d’inachèvement dans l’attente de sa divinisation – de sa transfiguration en Dieu) à ce monde marqué par le péché, la mort, l’absurdité, le mal et la souffrance ; ce monde que le Christ Sauveur est venu assumer et restaurer dans son Incarnation, sa Passion et sa résurrection, de sorte que « si, à cause d'un seul homme, par la faute d'un seul homme, la mort a régné, combien plus, à cause de Jésus Christ et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en plénitude le don de la grâce qui les rend justes. » (v. 17).