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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 17:49

Extrait du Message du Pape Benoît XVI pour la Journée Mondiale de la Paix, le 1er janvier 2011.

 

Un patrimoine commun

 

5. On pourrait dire que, parmi les droits et les libertés fondamentaux enracinés dans la dignité humaine, la liberté religieuse jouit d’un statut spécial. Quand la liberté religieuse est reconnue, la dignité de la personne humaine est respectée à sa racine même, et l’ethos et les institutions des peuples se consolident. A l’inverse, quand la liberté religieuse est niée, quand on essaie d’empêcher de professer sa religion ou sa foi et de vivre en conformité avec elles, la dignité humaine est lésée, et de cette manière se trouvent menacées la justice et la paix, lesquelles se fondent sur l’ordre social juste qui s’édifie à la lumière de la Vérité Suprême et du Souverain Bien.

 

En ce sens, la liberté religieuse est aussi un acquis de civilisation politique et juridique. C’est un bien essentiel : toute personne doit pouvoir exercer librement le droit de professer et de manifester individuellement ou de manière communautaire, sa religion ou sa foi, aussi bien en public qu’en privé, dans l’enseignement et dans la pratique, dans les publications, dans le culte et dans l’observance des rites. Elle ne devrait pas rencontrer d’obstacles si elle désire, éventuellement, adhérer à une autre religion ou n’en professer aucune. En ce domaine, la règlementation internationale se révèle emblématique et est un exemple essentiel pour les Etats, en ce qu’elle ne permet aucune dérogation à la liberté religieuse, sauf l’exigence légitime de l’ordre public pénétré par la justice [7]  . La règlementation internationale reconnaît ainsi aux droits de nature religieuse le même statut que le droit à la vie et à la liberté personnelle, car ils appartiennent au noyau essentiel des droits de l’homme, à ces droits universels et naturels que la loi humaine ne peut jamais nier.

 

La liberté religieuse n’est pas le patrimoine exclusif des croyants, mais de la famille tout entière des peuples de la terre. C’est l’élément incontournable d’un Etat de droit ; on ne peut pas la nier sans porter atteinte en même temps à tous les droits et aux libertés fondamentales, puisqu’elle en est la synthèse et le sommet. Elle est « le ‘papier tournesol’ qui permet de vérifier le respect de tous les autres droits humains » [8]  . Celle-ci favorise l’exercice des facultés plus spécifiquement humaines tout en créant les prémisses nécessaires pour la réalisation d’un développement intégral, lequel concerne de manière unitaire la totalité de la personne en chacune de ses dimensions [9]  .

 

La dimension publique de la religion

 

6. La liberté religieuse, comme toute liberté, tout en provenant de la sphère personnelle, se réalise dans la relation avec les autres. Une liberté sans relations n’est pas une liberté achevée. La liberté religieuse ne s’épuise pas non plus dans la seule dimension individuelle, mais elle se met en œuvre dans la communauté dont elle fait partie et dans la société, ceci en cohérence avec l’être relationnel de la personne et avec la nature publique de la religion.

 

La mise en relation est une composante décisive de la liberté religieuse qui pousse les communautés des croyants à pratiquer la solidarité en vue du bien commun. Dans cette dimension communautaire, chaque personne reste unique et absolument originale, tout en se complétant et en se réalisant pleinement.

 

On ne peut pas nier la contribution que les communautés religieuses apportent à la société. Nombreuses sont les institutions caritatives et culturelles qui attestent le rôle constructif des croyants pour la vie sociale. D’une importance plus grande encore est la contribution éthique de la religion dans le domaine politique. Elle ne devrait pas être marginalisée ou interdite, mais comprise comme un apport valable à la promotion du bien commun. Dans cette perspective il convient de mentionner la dimension religieuse de la culture, tissée au long des siècles grâce aux contributions sociales et surtout éthiques de la religion. Une telle dimension ne constitue en aucune manière une discrimination vis-à-vis de ceux qui n’en partagent pas la croyance, mais elle renforce plutôt la cohésion sociale, l’intégration et la solidarité.

 

7. L’instrumentalisation de la liberté religieuse pour masquer des intérêts occultes, comme par exemple la subversion de l’ordre établi, l’accaparement de ressources ou le maintien du pouvoir de la part d’un groupe, peut provoquer des dommages énormes aux sociétés. Le fanatisme, le fondamentalisme, les pratiques contraires à la dignité humaine, ne peuvent jamais trouver une justification, encore moins si cela est accompli au nom de la religion. La profession d’une religion ne peut pas être instrumentalisée, ni imposée par la force. Il faut donc que les Etats et les diverses communautés humaines n’oublient jamais que la liberté religieuse est une condition de la recherche de la vérité et que la vérité ne s’impose pas par la violence mais par « la force de la vérité elle-même » [10]  . En ce sens, la religion est une force positive et propulsive pour la construction de la société civile et politique.

 

Comment nier la contribution des grandes religions du monde au développement de la civilisation ? La recherche sincère de Dieu a conduit à un plus grand respect de la dignité de l’homme. Les communautés chrétiennes, avec leur patrimoine de valeurs et de principes, ont fortement contribué à la prise de conscience de la part des personnes et des peuples, de leur identité et de leur dignité, de même qu’à la conquête d’institutions démocratiques et à l’affirmation des droits de l’homme ainsi que des devoirs correspondants.

 

Aujourd’hui encore, dans une société toujours plus mondialisée, les chrétiens sont appelés, non seulement à un engagement civil, économique et politique responsable, mais aussi au témoignage de leur charité et de leur foi, à offrir une contribution précieuse à l’engagement rude et exaltant pour la justice, le développement humain intégral et le juste ordonnancement des réalités humaines. Exclure la religion de la vie publique, c’est enlever à cette dernière un espace vital qui ouvre à la transcendance. Sans cette expérience originelle, orienter les sociétés vers des principes éthiques universels s’avère pénible et il devient difficile de mettre en place des règlements nationaux et internationaux où les droits et les libertés fondamentaux peuvent être pleinement reconnus et mis en œuvre comme se le proposent les objectifs – malheureusement encore négligés ou contredits – de la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948.

 

8. La même détermination avec laquelle sont condamnées toutes les formes de fanatisme et de fondamentalisme religieux, doit animer aussi l’opposition à toutes les formes d’hostilité à l’égard de la religion, qui limitent le rôle public des croyants dans la vie civile et politique. On ne peut oublier que le fondamentalisme religieux et le laïcisme sont des formes spéculaires et extrêmes du refus du légitime pluralisme et du principe de laïcité. Tous deux, en effet, absolutisent une vision réductrice et partiale de la personne humaine, favorisant dans le premier cas, des formes d’intégralisme religieux, et dans le second, de rationalisme. La société qui veut imposer, ou qui, au contraire, nie la religion par la violence, est injuste à l’égard de la personne et de Dieu, mais aussi envers elle-même. Dieu appelle à lui l’humanité dans un dessein d’amour qui, alors qu’il concerne la personne tout entière dans sa dimension naturelle et spirituelle, exige d’y répondre en termes de liberté et de responsabilité, de tout son cœur et de tout son être, individuel et communautaire. La société elle-même, en tant qu’expression de la personne et de l’ensemble de ses dimensions constitutives, doit donc vivre et s’organiser en sorte de favoriser l’ouverture à la transcendance. C’est précisément pour cela que les lois et les institutions d’une société ne peuvent pas être configurées en ignorant la dimension religieuse des citoyens ou au point d’en faire totalement abstraction. Elles doivent se mesurer – grâce à la participation démocratique de citoyens conscients de leur haute vocation – à l’être de la personne afin de pouvoir la seconder dans sa dimension religieuse. N’étant pas une création de l’Etat, elle ne peut être manipulée par lui ; elle devrait plutôt en recevoir reconnaissance et respect.

 

Lorsque l’ordonnancement juridique, à tous les niveaux, national et international, permet ou tolère le fanatisme religieux ou antireligieux, il manque à sa mission même qui est de protéger et de promouvoir la justice et le droit de chacun. Ces réalités ne peuvent être abandonnées à l’arbitraire du législateur ou de la majorité, car, comme l’enseignait déjà Cicéron, la justice consiste en quelque chose de plus qu’un simple acte productif de la loi et de son application. Elle implique de reconnaître à chacun sa dignité  [11]  , laquelle, sans liberté religieuse, garantie et vécue dans son essence, résulte mutilée et lésée, exposée au risque de tomber sous la coupe des idoles, des biens contingents transformés en absolus. Tout cela risque de mener la société à des totalitarismes politiques et idéologiques qui donnent une place exagérée au pouvoir public, tandis que les libertés de conscience, de pensée et de religion sont humiliées ou jugulées, comme si elles pouvaient lui faire concurrence. 

 

Source

 


[7] Cf. Concile œcuménique Vatican II, Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanae, n.2.
[8] Jean-Paul II, Discours aux participants à l’Assemblée Parlementaire de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) (10 octobre 2003), 1 : AAS 96 (2004), p. 111.

[9] Cf. Caritas in veritate, n. 11.

[10] Cf. Concile œcuménique Vatican II, Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanae, n. 1.

[11] Cf. Cicéron, De inventione, II,160.

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 19:04

Extrait du Message du Pape Benoît XVI pour la Journée Mondiale de la Paix, le 1er janvier 2011.

 

1. Au début d’une année nouvelle, mes vœux voudraient rejoindre tous et chacun ; vœux de sérénité et de prospérité, mais surtout vœux de paix. L’année qui vient de se clôturer a été marquée, elle aussi, malheureusement par la persécution, la discrimination, par de terribles actes de violence et d’intolérance religieuse […]. J’invite les catholiques à prier pour leurs frères dans la foi qui souffrent violences et intolérances, et à leur manifester leur solidarité.

 

Dans ce contexte, j’ai ressenti de manière particulièrement vive l’opportunité de partager avec vous tous quelques réflexions sur la liberté religieuse, chemin vers la paix. Il est douloureux en effet de constater que, dans certaines régions du monde, il n’est pas possible de professer et de manifester librement sa religion, sans mettre en danger sa vie et sa liberté personnelle. En d’autres points du monde, il existe des formes plus silencieuses et plus sophistiquées de préjugés et d’opposition à l’encontre des croyants et des symboles religieux. Les chrétiens sont à l’heure actuelle le groupe religieux en butte au plus grand nombre de persécutions à cause de leur foi. Beaucoup subissent des offenses quotidiennes et vivent souvent dans la peur à cause de leur recherche de la vérité, de leur foi en Jésus-Christ et de leur appel sincère afin que soit reconnue la liberté religieuse. Tout cela ne peut être accepté, parce que cela constitue une offense à Dieu et à la dignité humaine ; de plus, c’est une menace à la sécurité et à la paix, et cela empêche la réalisation d’un réel développement humain intégral [1]  .

 

C’est en effet dans la liberté religieuse que se trouve l’expression de la spécificité de la personne humaine, qui peut ainsi ordonner sa vie personnelle et sociale selon Dieu : à Sa lumière se comprennent pleinement l’identité, le sens et le but de la personne. Nier ou limiter de manière arbitraire cette liberté signifie cultiver une vision réductrice de la personne humaine ; mettre dans l’ombre le rôle public de la religion signifie engendrer une société injuste, puisque celle-ci n’est pas en harmonie avec la vraie nature de la personne humaine ; cela signifie rendre impossible l’affirmation d’une paix authentique et durable de toute la famille humaine.

 

J’exhorte donc les hommes et les femmes de bonne volonté à renouveler leur engagement pour la construction d’un monde où tous soient libres de professer leur religion ou leur foi, et de vivre leur amour pour Dieu de tout leur cœur, de toute leur âme et de tout leur esprit (cf. Mt 22,37).

 

Le droit sacré à la vie et à une vie spirituelle

 

2. Le droit à la liberté religieuse s’enracine dans la dignité même de la personne humaine [2]  , dont la nature transcendante ne doit être ni ignorée ni négligée. Dieu a créé l’homme et la femme à son image et à sa ressemblance (cf. Gn 1,27). C’est pour cela que chaque personne a le droit sacré à une vie intègre aussi du point de vue spirituel. Sans la reconnaissance de son être spirituel, sans l’ouverture au transcendant, la personne humaine se replie sur elle-même, et elle n’arrive pas à trouver des réponses aux interrogations de son cœur sur le sens de la vie et à conquérir des valeurs et des principes éthiques durables. Elle ne peut donc même pas réussir à expérimenter une authentique liberté et à développer une société juste [3]  .

 

La Sainte Ecriture, en harmonie avec notre propre expérience, révèle la valeur profonde de la dignité humaine : « A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, qu’est donc le mortel, que tu t’en souviennes, le fils d’Adam, que tu le veuilles visiter ? A peine le fis-tu moindre qu’un dieu ; tu le couronnes de gloire et de beauté, pour qu’il domine sur l’œuvre de tes mains ; tout fut mis par toi sous ses pieds » (Ps 8, 4-7).

 

Devant la sublime réalité de la nature humaine, nous pouvons faire l’expérience du même émerveillement que le psalmiste. Elle se manifeste comme ouverture au Mystère, comme capacité de s’interroger en profondeur sur soi-même et sur l’origine de l’univers, comme intime résonnance à l’Amour suprême de Dieu, principe et fin de toutes choses, de toute personne et de tous les peuples [4]  . La dignité transcendante de la personne est une valeur essentielle de la sagesse judéo-chrétienne, mais grâce à la raison, elle peut être reconnue par tous. Cette dignité, comprise comme une capacité de transcender sa propre matérialité et de rechercher la vérité, doit être reconnue comme un bien universel, indispensable pour la construction d’une société orientée vers la réalisation et la plénitude de l’homme. Le respect des éléments essentiels de la dignité de l’homme, tels que le droit à la vie et le droit à la liberté religieuse, est une condition de la légitimité morale de toute norme sociale et juridique.

 

Liberté religieuse et respect mutuel

 

3. La liberté religieuse est à l’origine de la liberté morale. En effet, l’ouverture à la vérité et au bien, l’ouverture à Dieu, qui est enracinée dans la nature humaine, confère une pleine dignité à chaque personne et elle est garante d’un respect mutuel et plénier entre les personnes. C’est pourquoi la liberté religieuse doit être comprise non seulement comme une absence de la coercition, mais d’abord comme une capacité d’ordonner ses choix selon la vérité.

 

Il existe un lien infrangible entre liberté et respect ; car, « la loi morale oblige tout homme et tout groupe social à tenir compte, dans l’exercice de leurs droits, des droits d’autrui, de leurs devoirs envers les autres et du bien commun de tous » [5].

 

Une liberté ennemie ou indifférente à l’égard de Dieu finit par se nier elle-même et ne garantit pas le plein respect de l’autre. Une volonté qui se croit radicalement incapable de rechercher la vérité et le bien n’a plus de raisons objectives ni de motifs pour agir, sinon ceux que lui imposent ses intérêts momentanés et contingents, elle n’a pas « une identité » à conserver et à construire en opérant des choix vraiment libres et conscients. Elle ne peut donc revendiquer le respect de la part d’autres « volontés », elles aussi détachées de leur être plus profond et qui, de ce fait, peuvent faire valoir d’autres « raisons » ou même aucune « raison ». L’illusion que l’on puisse trouver dans le relativisme moral la clé d’une coexistence pacifique, est en réalité l’origine des divisions et de la négation de la dignité des êtres humains. On comprend alors qu’il soit nécessaire de reconnaître une double dimension dans l’unité de la personne humaine : la dimension religieuse et la dimension sociale. A cet égard, il est inconcevable que des croyants « doivent se priver d’une partie d’eux-mêmes – de leur foi – afin d’être des citoyens actifs ; il ne devrait jamais être nécessaire de nier Dieu pour jouir de ses droits » [6].

 

La famille, école de liberté et de paix

 

4. Si la liberté religieuse est chemin vers la paix, l’éducation religieuse est une route privilégiée pour donner aux nouvelles générations la possibilité de reconnaître en l’autre un frère et une sœur, avec qui marcher ensemble et collaborer pour que tous se sentent comme les membres vivants d’une même famille humaine, au sein de laquelle personne ne doit être exclu.

 

La famille fondée sur le mariage, expression d’une union intime et d’une complémentarité entre un homme et une femme, s’insère dans ce contexte comme première école de formation et de croissance sociale, culturelle, morale et spirituelle des enfants, qui devraient toujours trouver dans leur père et leur mère les premiers témoins d’une vie orientée vers la recherche de la vérité et de l’amour de Dieu. Les parents eux-mêmes devraient être toujours libres de transmettre, sans entraves et de manière responsable, leur patrimoine de foi, de valeurs et de culture à leurs enfants. La famille, première cellule de la société humaine, reste le milieu primordial de formation pour des relations harmonieuses à tous les niveaux de la convivialité humaine, nationale et internationale. Nous trouvons ici la route à suivre avec sagesse pour construire un tissu social solide et solidaire, pour préparer les jeunes à prendre leurs propres responsabilités dans la vie, au sein d’une société libre, dans un esprit de compréhension et de paix.

 

 

Source

 


[1] Cf. Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, nn. 29. 55-57.

[2] Cf. Concile œucuménique Vatican II, Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanae, n. 2.

[3] Cf. Benoît XVI, Caritas in veritate, n. 78.

[4] Cf. Concile œcuménique Vatican II, Déclaration sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes Nostra aetate, n.1.

[5] Ibid. Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanae, n. 7.

[6] Benoît XVI, Discours à l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies (18 avril 2008) : AAS 100 (2008), 337, DC 2403 (2008), p. 537.  

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8 février 2012 3 08 /02 /février /2012 18:59

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE BENOÎT XVI A SAINT JACQUES DE COMPOSTELLE ET BARCELONE – Discours de départ du Saint Père prononcée à l’aéroport de Barcelone, le 7 novembre 2010.

 

À Compostelle, j’ai voulu m’unir, comme un pèlerin parmi d’autres, aux nombreuses personnes d’Espagne, d’Europe et d’ailleurs qui viennent sur la tombe de l’Apôtre pour fortifier leur foi et recevoir le pardon et la paix. En tant que Successeur de Pierre, je suis aussi venu pour confirmer mes frères dans la foi. Cette foi qui, à l’aube du Christianisme, a atteint ces terres et s’y est enracinée si profondément qu’elle a forgé l’esprit, les coutumes, l’art et le caractère des personnes qui y habitaient. La volonté de préserver et d’accroître ce riche patrimoine spirituel est non seulement le signe de l’amour d’un pays pour son Histoire et sa culture, mais c’est aussi une voie privilégiée pour transmettre aux jeunes générations les valeurs fondamentales si nécessaires à la construction d’un avenir où la vie ensemble soit harmonieuse et solidaire.

 

Les chemins qui traversaient l’Europe pour arriver à Saint-Jacques étaient très différents les uns des autres. Chacun avait sa propre langue et ses propres caractéristiques, mais la foi était la même. Il y avait un langage commun, l’Évangile du Christ. En n’importe quel lieu, le pèlerin pouvait se sentir chez lui. Au-delà des différences nationales, il savait qu’il était membre d’une grande famille, à laquelle appartenaient aussi les autres pèlerins et habitants qu’il rencontrait sur son chemin. Que cette foi retrouve une nouvelle vigueur sur ce continent et qu’elle devienne source d’inspiration, faisant grandir la solidarité et l’esprit de service à l’égard de tous, spécialement des populations et des nations les plus nécessiteuses !

 

Départ

 

Audience Générale du Saint Père, le 10 novembre 2010.

 

En voyant le nombre de pèlerins présents à la Messe solennelle que j’ai eu la grande joie de présider à Saint-Jacques, je méditais sur ce qui pousse tant de personnes à quitter leurs occupations quotidiennes et à entreprendre le chemin de pénitence vers Compostelle, un chemin parfois long et fatigant ; c’est le désir de parvenir à la lumière du Christ, à laquelle ils aspirent au plus profond de leur cœur, même si souvent, ils ne savent pas l’exprimer de façon adéquate à travers les mots. Dans les moments d’égarement, de recherche, de difficulté, ainsi que dans l’aspiration à renforcer la foi et à vivre de façon plus cohérente, les pèlerins à Compostelle entreprennent un profond itinéraire de conversion au Christ, qui a pris sur lui la faiblesse, le péché de l’humanité, les pauvretés du monde, en les portant là où le mal n’a plus de pouvoir, là où la lumière du bien illumine toute chose. Il s’agit d’un peuple de marcheurs silencieux, provenant de toutes les régions du monde, qui redécouvrent l’antique tradition médiévale et chrétienne du pèlerinage, en traversant des villages et des villes imprégnées du catholicisme.

 

Source 1 et Source 2

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7 février 2012 2 07 /02 /février /2012 18:13

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE BENOÎT XVI A SAINT JACQUES DE COMPOSTELLE ET BARCELONE – Homélie du Saint Père prononcée lors de la Messe de Dédicace de la Sagrada Familia (à Barcelone) et de son autel, le 7 novembre 2010.

 

Dédicace

 

Frères et Sœurs bien-aimés dans le Seigneur,

 

« Ce jour est consacré au Seigneur, votre Dieu! Ne soyez pas tristes, ne pleurez pas!... La joie du Seigneur est votre rempart! » (Ne 8, 9-11). Par ces paroles de la première lecture que nous avons proclamée, je désire vous saluer, vous tous qui êtes ici présents pour participer à cette célébration. J’adresse mes salutations affectueuses à Leurs Majestés le Roi et la Reine d’Espagne, qui ont voulu s’unir cordialement à nous. Mon salut reconnaissant va à Monsieur le Cardinal Lluís Martínez Sistach, Archevêque de Barcelone, pour ses paroles de bienvenue et pour son invitation à procéder à la Dédicace de cette église de la Sagrada Familia, merveilleuse synthèse de technique, d’art et de foi […].

 

Ce jour est un moment significatif dans une longue histoire d’aspirations, de travail et de générosité, qui dure depuis plus d’un siècle. Je voudrais maintenant faire mémoire de chacune des personnes qui ont permis la joie qui domine aujourd’hui en nous tous : des promoteurs jusqu’aux exécutants de cette œuvre; de ses architectes et de ses maçons, jusqu’à tous ceux qui ont offert, d’une manière ou d’une autre, leur contribution irremplaçable pour rendre possible la construction progressive de cet édifice. Et nous nous souvenons surtout de celui qui fut l’âme et l’artisan de ce projet : Antoni Gaudí, architecte génial et chrétien cohérent, dont le flambeau de la foi brûla jusqu’à la fin de son existence, vécue avec une dignité et une austérité absolue. Cet événement est aussi, en quelque façon, le point culminant et l’aboutissement d’une histoire de cette terre catalane qui, surtout à partir de la fin du XIXème siècle, donna une multitude de saints et de fondateurs, de martyrs et de poètes chrétiens. Histoire de sainteté, de créations artistiques et poétiques, nées de la foi, qu’aujourd’hui nous recueillons et présentons en offrande à Dieu dans cette Eucharistie.

 

La joie que j’éprouve de pouvoir présider cette célébration a encore grandi quand j’ai su que cet édifice sacré, depuis ses origines, est étroitement lié à la figure de Saint Joseph. Ce qui m’a particulièrement ému, c’est l’assurance avec laquelle Gaudí, face aux innombrables difficultés qu’il devait affronter, s’exclama plein de confiance en la divine Providence : « Saint Joseph finira l’église ». Par conséquent, il n’est pas sans signification maintenant que ce soit un Pape dont le nom de baptême est Joseph qui en fasse la dédicace.

 

Que signifie faire la dédicace de cette église? Au cœur du monde, sous le regard de Dieu et devant les hommes, dans un acte de foi humble et joyeux, nous avons élevé une imposante masse de matière, fruit de la nature et d’un incalculable effort de l’intelligence humaine qui a construit cette œuvre d’art. Elle est un signe visible du Dieu invisible, à la gloire duquel s’élancent ces tours, flèches qui indiquent l’absolu de la lumière et de celui qui est la Lumière, la Grandeur et la Beauté mêmes.

 

Dans ce cadre, Gaudí a voulu unir l’inspiration qui lui venait des trois grands livres dont il se nourrissait comme homme, comme croyant et comme architecte : le livre de la nature, le livre de la Sainte Écriture et le livre de la Liturgie. Ainsi il a uni la réalité du monde et l’histoire du Salut, comme elle nous est racontée dans la Bible et rendue présente dans la Liturgie. Il a introduit dans l’édifice sacré des pierres, des arbres et la vie humaine, afin que toute la création converge dans la louange divine, mais, en même temps, il a placé à l’extérieur les retablos, pour mettre devant les hommes le mystère de Dieu révélé dans la naissance, la Passion, la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Il collabora ainsi de manière géniale à l’édification d’une conscience humaine ancrée dans le monde, ouverte à Dieu, illuminée et sanctifiée par le Christ. Et il réalisa ce qui est aujourd’hui une des tâches les plus importantes : dépasser la scission entre conscience humaine et conscience chrétienne, entre existence dans ce monde temporel et ouverture à la vie éternelle, entre la beauté des choses et Dieu qui est la Beauté. Antoni Gaudí n’a pas réalisé tout cela uniquement avec des paroles, mais avec des pierres, des lignes, des superficies et des sommets. En réalité, la beauté est la grande nécessité de l’homme ; elle est la racine de laquelle surgissent le tronc de notre paix et les fruits de notre espérance. La beauté est aussi révélatrice de Dieu, parce que, comme Lui, l’œuvre belle est pure gratuité, elle invite à la liberté et arrache à l’égoïsme.

 

Nous avons dédié cet espace sacré à Dieu, qui s’est révélé et donné à nous dans le Christ pour être définitivement Dieu parmi les hommes. La Parole révélée, l’humanité du Christ et son Église sont les trois expressions les plus grandes de sa manifestation et de son don aux hommes. « Que chacun prenne garde à la façon dont il construit. Les fondations, personne ne peut en poser d’autres que celles qui existent déjà: ces fondations, c’est Jésus Christ » (1 Co 3, 10-11), dit Saint Paul dans la deuxième lecture. Le Seigneur Jésus est la pierre qui soutient le poids du monde, qui maintient la cohésion de l’Église et qui recueille dans une ultime unité toutes les conquêtes de l’humanité. En lui nous avons la Parole et la Présence de Dieu, et de Lui l’Église reçoit sa vie, sa doctrine et sa mission. L’Église ne tire pas sa consistance d’elle-même ; elle est appelée à être signe et instrument du Christ, dans une pure docilité à son autorité et entièrement au service de son mandat. L’unique Christ fonde l’unique Église ; il est le rocher sur lequel se base notre foi. Fondés sur cette foi, nous cherchons ensemble à montrer au monde le visage de Dieu, qui est amour et qui est l’unique qui peut répondre à l’ardent désir de plénitude de l’homme. Telle est la grande tâche, montrer à tous que Dieu est un Dieu de paix et non de violence, de liberté et non de contrainte, de concorde et non de discorde. En ce sens, je crois que la consécration de cette église de la Sagrada Familia, à une époque où l’homme prétend édifier sa vie en tournant le dos à Dieu, comme s’il n’avait plus rien à lui dire, est un événement de grande signification. Par son œuvre, Gaudí nous montre que Dieu est la vraie mesure de l’homme, que le secret de la véritable originalité consiste, comme il le disait, à revenir à l’origine qui est Dieu. Lui-même, ouvrant ainsi son esprit à Dieu, a été capable de créer dans cette ville un espace de beauté, de foi et d’espérance, qui conduit l’homme à la rencontre de Celui qui est la vérité et la beauté même. L’architecte exprimait ainsi ses sentiments : « Une église [est] l’unique chose digne de représenter ce que ressent un peuple, puisque la religion est ce qu’il y a de plus élevé dans l’homme ».

 

Cette affirmation de Dieu porte en soi la suprême affirmation et sauvegarde de la dignité de tout homme et de tous les hommes : « N’oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu… Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous » (1 Co 3, 16-17). Ici sont unies la vérité et la dignité de Dieu à la vérité et la dignité de l’homme. Par la consécration de l’autel de cette église, gardant présent à l’esprit que le Christ est son fondement, nous présentons au monde Dieu qui est l’ami des hommes, et nous invitons les hommes à être amis de Dieu. Comme l’enseigne l’épisode de Zachée, dont parle l’évangile d’aujourd’hui (cf. Lc 19, 1-10), si l’homme laisse entrer Dieu dans sa vie et dans son monde, s’il laisse le Christ vivre dans son cœur, il ne le regrettera pas, mais au contraire il fera l’expérience de la joie de partager sa vie même, étant destinataire de son amour infini.

 

L’initiative de la construction de cette église est due à l’Association des Amis de saint Joseph, qui voulut la dédier à la Sainte Famille de Nazareth. Depuis toujours, le foyer formé par Jésus, Marie et Joseph a été considéré comme une école d’amour, de prière et de travail. Les promoteurs de cette église voulaient montrer au monde l’amour, le travail et le service réalisés devant Dieu, comme les vécut la Sainte Famille de Nazareth. Les conditions de vie ont profondément changés et avec elles on a progressé énormément dans les domaines techniques, sociaux et culturels. Nous ne pouvons pas nous contenter de ces progrès. Ils doivent toujours être accompagnés des progrès moraux, comme l’attention, la protection et l’aide à la famille, puisque l’amour généreux et indissoluble d’un homme et d’une femme est le cadre efficace et le fondement de la vie humaine dans sa gestation, dans sa naissance et dans sa croissance jusqu’à son terme naturel. C’est seulement là où existent l’amour et la fidélité, que naît et perdure la vraie liberté. L’Église demande donc des mesures économiques et sociales appropriées afin que la femme puisse trouver sa pleine réalisation à la maison et au travail, afin que l’homme et la femme qui s’unissent dans le mariage et forment une famille soient résolument soutenus par l’État, afin que soit défendue comme sacrée et inviolable la vie des enfants depuis le moment de leur conception, afin que la natalité soit stimulée, valorisée et soutenue sur le plan juridique, social et législatif. Pour cela, l’Église s’oppose à toute forme de négation de la vie humaine et soutient ce qui promeut l’ordre naturel dans le cadre de l’institution familiale.

 

Contemplant avec admiration ce saint espace d’une beauté fascinante, avec tant d’Histoire de foi, je demande à Dieu qu’en cette terre catalane se multiplient et se fortifient de nouveaux témoins de sainteté, qui offrent au monde le grand service que l’Église peut et doit rendre à l’humanité : être une image de la beauté divine, une flamme ardente de charité, un canal pour que le monde croie en Celui que Dieu a envoyé (cf. Jn 6, 29).

 

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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 11:14

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE BENOÎT XVI A SAINT JACQUES DE COMPOSTELLE ET BARCELONE – Homélie prononcée par le Saint Père lors de la Messe célébrée place de l’Obradoiro pour l’Année compostellane, le 6 novembre 2010.

 

Messe St Jacques

[…] Une phrase de la première lecture affirme avec une admirable simplicité : « Avec beaucoup de puissance, les Apôtres rendaient témoignage à la résurrection du Seigneur Jésus » (Ac 4, 33). En effet, au point de départ de tout ce que le christianisme a été et continue d’être ne se trouve pas une initiative ou un projet humain, mais Dieu, qui déclare Jésus juste et saint devant la sentence du tribunal humain qui le condamne comme blasphémateur et subversif ; Dieu, qui a arraché Jésus Christ à la mort ; Dieu qui fera justice à tous ceux qui sont injustement les humiliés de l’Histoire.

 

« Nous sommes témoins de ces choses, nous et l’Esprit Saint que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent » (Ac 5, 32), disent les Apôtres. Ainsi, ils donneront eux-mêmes le témoignage de la vie, de la mort et de la résurrection du Christ Jésus qu’ils connurent pendant qu’il prêchait et accomplissait des miracles. A nous, chers frères et sœurs, il incombe aujourd’hui de suivre l’exemple des Apôtres, en connaissant le Seigneur chaque jour davantage et en donnant un témoignage clair et courageux de l’Evangile. Il n’y a pas de plus grand trésor que nous puissions offrir à nos contemporains. Ainsi nous imiterons aussi Saint Paul qui, au milieu de tant de tribulations, dans les naufrages et les moments de solitude proclamait en exultant : « Ce trésor, nous le portons en des vases d’argile, pour que cet excès de puissance soit de Dieu et ne vienne pas de nous » (2 Co4, 7).

 

À ces paroles de l’Apôtre des gentils, sont liées les paroles mêmes de l’Evangile que nous venons d’entendre et qui invitent à vivre selon l’humilité du Christ qui, suivant en tout la volonté du Père, est venu pour servir « et donner sa propre vie en rançon pour une multitude » (Mt 20, 28). Pour les disciples qui veulent suivre et imiter le Christ, servir leurs frères n’est pas une simple option, mais une part essentielle de leur être. Un service qui ne se mesure pas sur la base des critères du monde, de l’immédiat, du matériel et de l’apparence, mais qui rend présent l’amour de Dieu pour tous les hommes et dans toutes ses dimensions et qui Lui rend témoignage même à travers les gestes les plus simples. En proposant ce nouveau mode de relation dans la communauté, basé sur la logique de l’amour et du service, Jésus s’adresse aussi aux « chefs des peuples », parce que là où il n’y a pas un engagement pour les autres surgissent des formes de pouvoir absolu et d’exploitation qui ne laissent pas de place à une authentique promotion humaine intégrale. Et je voudrais que ce message rejoigne avant tout les jeunes : c’est précisément à eux que le contenu essentiel de l’Evangile indique la voie pour que, renonçant à un mode de pensée égoïste, à court terme, comme tant de fois cela vous est proposé, et assumant celui de Jésus, vous puissiez vous réaliser pleinement et être germe d’espérance.

 

Voilà ce que nous rappelle aussi la célébration de cette Année Sainte compostellane. Et c’est ce que, dans leur secret du cœur, le sachant explicitement ou le sentant sans savoir l’exprimer en paroles, vivent tant de pèlerins qui cheminent jusqu’à Saint Jacques de Compostelle pour embrasser l’Apôtre. La fatigue de la marche, la variété des paysages, la rencontre avec des personnes d’une autre nationalité les ouvrent à ce qui nous unit aux hommes dans ce qu’il y a de plus profond et de plus commun : nous sommes des êtres en recherche, des êtres qui ont besoin de la vérité et de la beauté, qui ont besoin de faire une expérience de grâce, de charité et de paix, de pardon et de rédemption. Et au plus profond de tous, résonne la présence de Dieu et l’action de l’Esprit-Saint. Oui, la personne qui fait silence en elle-même et prend de la distance par rapport aux convoitises, aux désirs et à l’action immédiats, la personne qui prie, Dieu l’illumine pour qu’elle le rencontre et reconnaisse le Christ. Qui accomplit le pèlerinage à Santiago, au fond, le fait pour rencontrer par-dessus tout Dieu, manifesté dans la majesté du Christ, qui l’accueille et le bénit à son arrivée au Pórtico de la Gloria.

 

De ce lieu, en messager de l’Evangile que Pierre et Jacques signèrent de leur propre sang, je désire porter mon regard vers l’Europe qui vint en pèlerinage à Compostelle. Quelles sont ses grandes nécessités, ses craintes et ses espérances? Quelle est la contribution spécifique et fondamentale de l’Eglise à cette Europe qui, au cours du dernier demi-siècle, a parcouru un chemin vers de nouvelles configurations et vers des projets? Son apport est centré sur une réalité aussi simple et décisive que celle-ci : Dieu existe et c’est Lui qui nous a donné la vie. Lui seul est l’absolu, l’amour fidèle et immuable, le terme infini qui transparaît derrière tous les biens, derrière la vérité et la beauté merveilleuses de ce monde ; merveilleuses mais insuffisantes pour le cœur de l’homme. Sainte Thérèse de Jésus le comprit bien quand elle écrivit : « Dieu seul suffit! »

 

Il est tragique qu’en Europe, surtout au XIXe siècle, se soit affirmée et ait été défendue la conviction que Dieu est le rival de l’homme et l’ennemi de sa liberté. On voulait ainsi mettre une ombre sur la vraie foi biblique en Dieu qui envoie son Fils Jésus dans le monde pour que personne ne meure mais que tous aient la vie éternelle (cf. Jn 3, 16).

 

L’auteur sacré affirme de façon péremptoire devant un paganisme pour lequel Dieu est jaloux de l’homme et le méprise : comment Dieu aurait-il créé toutes les choses s’il ne les avait pas aimées, Lui qui, dans son infinie plénitude, n’a besoin de rien? (cf. Sg 11, 24-26). Comment se serait-il révélé aux hommes s’il n’avait pas voulu les protéger? Dieu est à l’origine de notre être et il est le fondement et le sommet de notre liberté, et non son adversaire. Comment l’homme mortel peut-il être son propre fondement et comment l’homme pécheur peut-il se réconcilier avec lui-même? Comment est-il possible que soit devenu public le silence sur la réalité première et essentielle de la vie humaine? Comment se peut-il que ce qui est le plus déterminant en elle soit enfermé dans la sphère privée ou relégué dans la pénombre? Nous les hommes nous ne pouvons vivre dans les ténèbres, sans voir la lumière du soleil. Alors, comment est-il possible que soit nié à Dieu, soleil des intelligences, force des volontés et boussole de notre cœur, le droit de proposer cette lumière qui dissipe toute ténèbre? Pour cela, il est nécessaire que Dieu recommence à résonner joyeusement sous le ciel de l’Europe ; que cette Parole sainte ne soit jamais prononcée en vain ; qu’elle ne soit pas faussée et utilisée à des fins qui ne sont pas les siennes. Il convient qu’elle soit proclamée saintement! Il est nécessaire que nous la percevions aussi dans la vie de chaque jour, dans le silence du travail, dans l’amour fraternel et dans les difficultés que les années apportent avec elles.

 

L’Europe doit s’ouvrir à Dieu, sortir sans peur à sa rencontre, travailler avec sa grâce pour la dignité de l’homme que les meilleures traditions avaient découverte : la tradition biblique – fondement de cet ordre –, et les traditions classique, médiévale et moderne desquelles naquirent les grandes créations philosophiques et littéraires, culturelles et sociales de l’Europe.

 

C’est ce Dieu et c’est cet homme qui se sont manifestés concrètement et historiquement dans le Christ. C’est ce Christ, que nous pouvons trouver sur le chemin qui conduit à Compostelle, par le fait que sur ce chemin, il y a une croix qui accueille et oriente aux carrefours. Cette croix, signe suprême de l’amour porté jusqu’à l’extrême, et en cela, don et pardon en même temps, doit être l’étoile qui nous guide dans la nuit du temps. La Croix et l’amour, la Croix et la lumière ont été synonymes dans notre Histoire, parce que le Christ s’est laissé clouer sur elle pour nous donner le suprême témoignage de son amour, pour nous inviter au pardon et à la réconciliation, pour nous enseigner à vaincre le mal par le bien. Ne cessez pas d’apprendre les leçons de ce Christ des carrefours des chemins et de la vie, en Lui nous rencontrons Dieu comme ami, père et guide. O croix bénie, brille toujours sur les terres d’Europe !

 

Permettez que je proclame depuis ce lieu la gloire de l’homme, que j’avertisse des menaces envers sa dignité par la privation de ses valeurs et de ses richesses originaires, par la marginalisation ou la mort infligée aux plus faibles et aux plus pauvres ! On ne peut rendre un culte à Dieu sans protéger l’homme, son fils, et on ne sert pas l’homme sans s’interroger sur qui est son Père et sans répondre à la question sur lui. L’Europe de la science et des technologies, l’Europe de la civilisation et de la culture, doit être en même temps l’Europe ouverte à la transcendance et à la fraternité avec les autres continents, ouverte au Dieu vivant et vrai à partir de l’homme vivant et vrai. Voilà ce que l’Eglise désire apporter à l’Europe : avoir soin de Dieu et avoir soin de l’homme, à partir de la compréhension qui, de l’un et l’autre, nous est offerte en Jésus Christ.

 

Chers amis, nous élevons un regard d’espérance vers tout ce que Dieu nous a promis et nous offre. Qu’il nous donne sa force, qu’il stimule cet Archidiocèse de Compostelle, qu’il vivifie la foi de ses enfants et les aide à rester fidèles à leur vocation de semer et de donner vigueur à l’Evangile aussi sur d’autres terres.

 

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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 13:48

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE BENOÎT XVI A SAINT JACQUES DE COMPOSTELLE ET BARCELONE – Discours du Saint Père prononcé lors de sa visite à la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, le 6 novembre 2010.

 

Cathédrale de St Jacques 3

 […] Faire un pèlerinage ne veut pas dire simplement visiter un lieu quelconque pour admirer ses trésors naturels, artistiques ou historiques. Faire un pèlerinage signifie plutôt sortir de soi-même pour aller à la rencontre de Dieu là où Il s’est manifesté, là où la grâce divine s’est montrée avec une splendeur particulière et a produit d’abondants fruits de conversion et de sainteté chez les croyants. Les chrétiens se rendirent en pèlerinage, surtout, sur les lieux liés à la Passion, à la mort et à la résurrection du Seigneur, en Terre Sainte. Puis à Rome, ville où Pierre et Paul ont été martyrisés, et à Compostelle qui est liée à la mémoire de Saint Jacques et qui a accueilli des pèlerins du monde entier, désireux de fortifier leur âme à travers le témoignage de foi et d’amour de l’Apôtre.

 

En cette Année Sainte compostellane, en tant que Successeur de Pierre, j’ai voulu moi-aussi venir en pèlerinage dans la Maison du Señor Santiago [de saint Jacques], dont on célèbre le 800ème anniversaire de la consécration, pour affermir votre foi et raviver votre espérance, et pour confier à l’intercession de l’Apôtre vos aspirations, vos efforts et votre travail pour l’Évangile. En embrassant sa statue vénérée, j’ai aussi prié pour tous les fils de l’Église, qui a son origine dans le mystère de communion qui est Dieu. La foi nous introduit dans le mystère d’amour qu’est la Sainte Trinité. Nous sommes, d’une certaine manière, embrassés par Dieu, transformés par son amour. L’Église est cette étreinte de Dieu dans laquelle les hommes apprennent aussi à étreindre leurs propres frères, découvrant en eux l’image et la ressemblance divine qui constituent la vérité la plus profonde de leur être et qui sont à l’origine de la vraie liberté.

 

Il existe une relation étroite et nécessaire entre vérité et liberté. La recherche honnête de la vérité, l’aspiration à celle-ci, est la condition d’une authentique liberté. On ne peut vivre l’une sans l’autre. L’Église, qui désire servir de toutes ses forces la personne humaine et sa dignité, est au service des deux : de la vérité et de la liberté. Elle ne peut y renoncer, car c’est l’être humain qui est en jeu, car elle y est poussée par son amour pour l’homme, lui « qui est sur la terre la seule créature que Dieu ait voulue pour elle-même » (Gaudium et spes 24, 3), et parce que, sans cette aspiration à la vérité, à la justice et à la liberté, l’homme se perdrait lui-même. Permettez-moi, depuis Compostelle, cœur spirituel de la Galice et, en même temps, école d’universalité sans frontières, d’exhorter tous les fidèles de ce cher Archidiocèse, et tous ceux de l’Église en Espagne, à vivre en se laissant éclairer par la vérité du Christ, en professant leur foi avec joie, cohérence et simplicité, à la maison, au travail et dans leur responsabilité de citoyens.

 

Que la joie de vous sentir fils aimés de Dieu vous incite à avoir un amour toujours plus profond pour l’Église, en collaborant avec elle dans sa tâche de porter le Christ à tous les hommes. Priez le Maître de la moisson, pour que de nombreux jeunes se consacrent à cette mission dans le ministère sacerdotal et dans la vie consacrée : aujourd’hui, comme toujours, cela vaut la peine de consacrer toute sa vie à proposer la nouveauté de l’Évangile!

 

Je ne veux pas terminer sans exprimer auparavant mes félicitations et mes remerciements à tous les catholiques espagnols pour la générosité avec laquelle ils soutiennent de nombreuses institutions de charité et de promotion humaine. Ne vous lassez pas de faire vivre ces œuvres, qui profitent à toute la société, et dont l’efficacité s’est manifestée de façon spéciale durant la crise économique actuelle, de même qu’à l’occasion des graves calamités naturelles qui ont affligé divers pays.

 

Avec ces sentiments, je prie le Très-Haut d’accorder à tous l’audace qui animait saint Jacques pour que vous soyez témoins du Christ Ressuscité, afin qu’ainsi vous restiez fidèles sur les chemins de la sainteté et que vous vous dépensiez pour la gloire de Dieu et pour le bien de vos frères les plus démunis. Merci beaucoup.

 

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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 12:28

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE BENOÎT XVI A SAINT JACQUES DE COMPOSTELLE ET BARCELONE – Discours du Saint Père prononcé à l’aéroport de Saint-Jacques-de-Compostelle, lors de la cérémonie de bienvenue, le 6 novembre 2010.

 

Aéroport St Jacques de Compostelle  

[…] Je salue cordialement toutes les personnes présentes ici et toutes celles qui s’unissent à nous à travers les moyens de communication sociale, remerciant également celles qui ont collaboré généreusement et à différents niveaux, ecclésial et civil, pour que ce bref mais intense voyage à Saint-Jacques-de-Compostelle et à Barcelone porte beaucoup de fruits.

 

Dans son for intérieur, l’homme est toujours en chemin, il est à la recherche de la vérité. L’Église participe à cette aspiration profonde de l’être humain et elle se met elle-même en chemin, accompagnant l’homme qui aspire ardemment à la plénitude de son être. En même temps, l’Église accomplit son propre cheminement intérieur, celui qui la conduit à travers la foi, l’espérance et l’amour, à se faire transparente au Christ pour le monde. C’est là sa mission et c’est son chemin : être toujours plus, au milieu des hommes, la présence du Christ, « qui est devenu pour nous sagesse, justice et sanctification, rédemption » (1 Co 1, 30). C’est pourquoi, je me suis mis moi aussi en chemin pour affermir mes frères dans la foi. (cf. Lc 22, 32).

 

Je viens en pèlerin en cette Année Sainte compostellane et j’ai dans le cœur le même amour pour le Christ qui poussait l’Apôtre Paul à entreprendre ses voyages, avec le vif désir de se rendre aussi en Espagne (cf. Rm 15, 22-29). Je souhaite m’unir ainsi au grand nombre d’hommes et de femmes qui, tout au long des siècles, sont venus à Compostelle de tous les coins de la Péninsule Ibérique et de l’Europe, et même, du monde entier, pour se mettre aux pieds de Saint Jacques et se laisser transformer par son témoignage de foi. Avec les empreintes laissées par leurs pas et pleins d’espérance, ils tracèrent une route culturelle, de prière, de miséricorde et de conversion, qui s’est concrétisée par des églises et des hôpitaux, des hostelleries, des ponts et des monastères. C’est ainsi que l’Espagne et l’Europe acquirent une physionomie spirituelle marquée de façon indélébile par l’Évangile.

 

C’est précisément comme messager et témoin de l’Évangile que j’irai aussi à Barcelone pour fortifier la foi de son peuple accueillant et dynamique. Une foi semée dès l’aube du Christianisme, et qui germa et se développa à la chaleur d’innombrables exemples de sainteté, engendrant de nombreuses institutions de bienfaisance, de culture et d’éducation. Une foi qui poussa le brillant architecte Antoni Gaudí à entreprendre dans cette ville, avec la ferveur et la collaboration de beaucoup, cette merveille qu’est l’église de la Sagrada Familia [Sainte Famille]. J’aurai la joie de consacrer cette église, dans laquelle se reflète toute la grandeur de l’esprit humain qui s’ouvre à Dieu.

 

Je suis profondément heureux d’être à nouveau en Espagne, pays qui a donné au monde une multitude de grands saints, fondateurs et poètes, comme Ignace de Loyola, Thérèse de Jésus, Jean de la Croix, François-Xavier, et tant d’autres. L’Espagne qui, au XXème siècle, a suscité de nouvelles institutions, associations et communautés de vie chrétienne et d’action apostolique et qui, ces dernières décennies, chemine dans la concorde et l’unité, dans la liberté et la paix, en regardant l’avenir avec espérance et responsabilité. Animée par son riche patrimoine de valeurs humaines et spirituelles, elle s’efforce aussi de progresser au milieu des difficultés et d’offrir sa solidarité à la communauté internationale.

 

Ces contributions et ces initiatives de votre longue Histoire, et celles d’aujourd’hui aussi, ainsi que l’importance de ces deux lieux de votre belle géographie que je visiterai à cette occasion, me poussent à élargir ma pensée à tous les peuples d’Espagne et d’Europe. Comme le Serviteur de Dieu Jean-Paul II qui, de Compostelle, exhorta le Vieux Continent à redonner vigueur à ses racines chrétiennes, je voudrais moi aussi exhorter l’Espagne et l’Europe à construire leur présent et à projeter leur avenir à partir de la vérité authentique de l’homme, de la liberté qui respecte cette vérité et ne la blesse jamais, et de la justice pour tous, en commençant par les plus pauvres et les délaissés. Une Espagne et une Europe préoccupées non seulement des besoins matériels des hommes, mais aussi des nécessités morales et sociales, spirituelles et religieuses, car ce sont là des exigences authentiques de l’unique homme et ainsi seulement, on œuvre de manière efficace, intègre et féconde pour son bien. 

 

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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 18:29

Conférence de presse du Pape Benoît XVI à bord de l’avion en vol vers l’Espagne (à l'occasion de son pélerinage à Saint Jacques de Compostelle et Barcelone), le 6 novembre 2010.

 

P. Lombardi : Votre Sainteté, soyez le bienvenu à cette traditionnelle rencontre avec nos collègues journalistes au début de ce beau voyage. Il s’agit d’un voyage bref, mais qui suscite beaucoup d’intérêt […]. Dans [un] message […] récent […], vous avez déclaré vivre votre pontificat « avec des sentiments de pèlerins ». Dans votre devise également, figure la coquille du pèlerin. Pouvez-vous nous parler de la perspective du pèlerinage, notamment dans votre vie personnelle et dans votre spiritualité, et des sentiments qui vous animent en tant que pèlerin à Saint-Jacques ?

 

Le Saint-Père : Bonjour! Je pourrais dire qu’être en chemin est déjà inscrit dans ma biographie – Marktl, Tittmoning, Aschau, Traunstein, Munich, Freising, Bonn, Münster, Tübingen, Ratisbonne, Munich, Rome – mais sans doute ceci est quelque chose d’extérieur. Toutefois, cela m’a fait penser au caractère instable de cette vie, être en chemin... Naturellement, contre le pèlerinage, on pourrait dire : Dieu est partout, il n’y a pas besoin d’aller dans un autre lieu. Mais il est également vrai que la foi, par essence, est une « existence de pèlerin ».

 

La Lettre aux Hébreux démontre ce qu’est la foi dans la figure d’Abraham, qui quitte sa terre et demeure un pèlerin vers l’avenir pendant toute sa vie ; et ce mouvement d’Abraham demeure dans l’acte de foi, c’est un pèlerinage avant tout intérieur, mais qui doit s’exprimer également de l’extérieur. Parfois, sortir du quotidien, du monde de l’utile, de l’utilitarisme, sortir uniquement pour être réellement en chemin vers la transcendance; se transcender soi-même, transcender le quotidien et trouver ainsi une nouvelle liberté, un temps de réflexion intérieure, d’identification de soi, pour voir l’autre, Dieu, c’est également toujours ce qu’est le pèlerinage : non seulement sortir de soi, pour aller vers le plus grand, mais également aller ensemble. Le pèlerinage rassemble : nous allons ensemble vers l’autre et ainsi, nous nous retrouvons réciproquement. Il suffit de dire que les chemins de Saint-Jacques sont un élément dans la formation de l’unité spirituelle du continent européen. Ici, en pèlerinage, ils se sont trouvés, ils ont trouvé l’identité commune européenne, et aujourd’hui aussi, ce mouvement renaît, ce besoin d’être en mouvement spirituellement et physiquement, de se trouver l’un l’autre et de trouver ainsi le silence, la liberté, le renouveau, et de trouver Dieu […].

 

P. Lombardi : […] Comment la foi peut-elle retrouver aujourd’hui sa place dans le monde de l’art et de la culture? Est-ce l’un des thèmes importants de votre pontificat?

 

Le Saint-Père : Il en est ainsi. Vous savez que j’insiste beaucoup sur la relation entre foi et raison, que la foi, et la foi chrétienne, n’a son identité que dans l’ouverture à la raison, et que la raison devient elle-même si on la transcende vers la foi. Mais la relation entre foi et art est tout aussi importante, car la vérité, but et objectif de la raison, s’exprime dans la beauté et devient elle-même dans la beauté, se prouve comme vérité. Là où se trouve la vérité doit donc naître la beauté, là où l’être humain se réalise de manière correcte, bonne, il s’exprime dans la beauté. La relation entre vérité et beauté est inséparable et nous avons donc besoin de la beauté. Dans l’Eglise, depuis le début, également dans la grande modestie et pauvreté de l’époque des persécutions, l’art, la peinture, l’expression du Salut de Dieu dans les images du monde, le chant, et ensuite également les édifices, tout cela est constitutif pour l’Eglise et reste constitutif pour toujours. Ainsi l’Eglise a été la mère des arts pendant des siècles et des siècles : le grand trésor de l’art occidental – que ce soit la musique, l’architecture ou la peinture – est né de la foi à l’intérieur de l’Eglise. Aujourd’hui, il y a un certain « désaccord », mais cela fait du mal aussi bien à l’art qu’à la foi : l’art qui perdrait la racine de la transcendance n’irait plus vers Dieu, ce serait un art diminué, il perdrait sa racine vivante ; et une foi qui ne posséderait que l’art du passé, ne serait plus une foi dans le présent ; et aujourd’hui elle doit s’exprimer à nouveau comme vérité, qui est toujours présente. C’est pourquoi le dialogue ou la rencontre, je dirais l’ensemble, entre art et foi est inscrit dans l’essence la plus profonde de la foi ; nous devons faire tout ce qui est possible pour qu’aujourd’hui aussi, la foi s’exprime à travers un art authentique, comme Gaudí, dans la continuité et dans la nouveauté, et que l’art ne perde pas le contact avec la foi.

 

P. Lombardi : Actuellement est en train d'être mis en place le nouveau dicastère pour la « nouvelle évangélisation ». Et beaucoup se sont demandés si l'Espagne, avec les développements de la sécularisation et la diminution rapide de la pratique religieuse, est l'un des pays auquel vous avez pensé comme objectif de ce nouveau dicastère, voire si elle en serait l'objectif principal. Voilà la question que nous nous posons.

 

Le Saint-Père : Avec ce dicastère, j'ai pensé au monde tout entier, parce que la nouveauté de la pensée, la difficulté de réfléchir sur les concepts des Ecritures, de la théologie, est universelle, mais il y a naturellement un centre et il s'agit du monde occidental avec son sécularisme, sa laïcité et la continuité de la foi qui doit essayer de se renouveler pour être une foi d'aujourd'hui et pour répondre au défi de la laïcité. En Occident, tous les grands pays vivent chacun à leur manière ce problème : nous avons eu par exemple les voyages en France, en République tchèque, au Royaume-Uni, où le même problème est présent partout de manière spécifique à chaque nation, à chaque Histoire, et cela vaut aussi et de manière forte pour l'Espagne. L'Espagne a été, depuis toujours, un pays « originaire » de la foi ; rappelons-nous que la renaissance du catholicisme à l'époque moderne advint surtout grâce à l'Espagne ; des figures comme Saint Ignace de Loyala, Sainte Thérèse d'Avila et Saint Jean de la Croix, sont des personnalités qui ont réellement renouvelé le catholicisme, ont formé la physionomie du catholicisme moderne. Mais il est aussi vrai qu'en Espagne sont nés également une laïcité, un anticléricalisme, un sécularisme fort et agressif, comme nous l'avons vu précisément dans les années Trente, et ce débat, voire ce conflit entre foi et modernité, toutes deux très vives, se réalise encore aujourd'hui de nouveau en Espagne : c'est pourquoi l'avenir de la foi et de la rencontre – non pas le conflit, mais la rencontre entre foi et laïcité – trouve un point central également dans la culture espagnole. En ce sens, j'ai pensé à tous les grands pays d'Occident, mais surtout également à l'Espagne.

 

P. Lombardi : Avec le voyage à Madrid de l'année prochaine pour la Journée mondiale de la jeunesse, vous aurez accompli trois voyages en Espagne, ce qui n'est le cas pour aucun autre pays. Pourquoi un tel privilège? Est-ce un signe d'amour ou d'inquiétude particulière?

 

Le Saint-Père : C'est naturellement un signe d'amour. On pourrait dire que c'est le hasard qui a fait que je suis venu trois fois en Espagne. La première, pour la grande rencontre internationale des familles, à Valence : comment le Pape pourrait-il être absent, si les familles du monde se rencontrent? L'année prochaine la JMJ, la rencontre de la jeunesse du monde, à Madrid, et le Pape ne peut être absent à cette occasion. Et, enfin, nous avons l'Année sainte de Saint Jacques, nous avons la consécration, après plus de cent ans de travaux, de la cathédrale de la Sagrada Familia de Barcelone, comment le Pape pourrait-il ne pas venir? En soi, par conséquent, les occasions sont des défis, presque une obligation à honorer, mais le fait que ce soit précisément en Espagne que se concentrent un si grand nombre d'occasions, montre aussi que c'est véritablement un pays plein de dynamisme, plein de force de la foi, et la foi répond aux défis qui sont également présents en Espagne ; c'est pourquoi nous disons : le hasard a fait en sorte que je vienne, mais ce hasard démontre une réalité plus profonde, la force de la foi et la force du défi pour la foi.

 

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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 13:15

Lettre apostolique du Pape Benoît XVI en forme de Motu Proprio à propos du Conseil Pontifical pour la Nouvelle Evangélisation, le 21 septembre 2010.

 

L’Eglise a le devoir d’annoncer toujours et partout l’Evangile de Jésus-Christ. Premier et suprême évangélisateur, le jour de son ascension au Père, il donna ce commandement aux disciples : « Allez donc! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés » (Mt 28, 19-20). Fidèle à ce commandement, l’Eglise, peuple que Dieu a acquis afin qu’il proclame ses œuvres admirables (cf. 1 P 2, 9), depuis le jour de la Pentecôte où elle a reçu en don l’Esprit Saint (cf. Ac 2, 14), ne s’est jamais lassée de faire connaître au monde entier la beauté de l’Evangile, en annonçant Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, le même « hier, aujourd’hui et pour toujours » (He13, 8), qui, à travers sa mort et sa résurrection, a réalisé le Salut, accomplissant l’antique promesse. C’est pourquoi, la mission évangélisatrice, continuation de l’œuvre voulue par le Seigneur Jésus, est pour l’Eglise nécessaire et irremplaçable, expression de sa nature même.

 

Cette mission a revêtu dans l’Histoire des formes et des modalités toujours nouvelles, selon les lieux, les situations et les moments historiques. A notre époque, l’une de ses caractéristiques particulières a été de se mesurer au phénomène du détachement de la foi, qui s’est manifesté progressivement au sein de sociétés et de cultures qui, depuis des siècles, apparaissaient imprégnées de l’Evangile. Les transformations sociales auxquelles nous avons assisté au cours des dernières décennies ont des causes complexes, dont les racines remontent loin dans le temps et qui ont profondément modifié la perception de notre monde. Il suffit de penser aux progrès gigantesques de la science et de la technique, à l’accroissement des possibilités de vie et des espaces de liberté individuelle, aux profonds changements dans le domaine économique, au processus de mélange d’ethnies et de cultures provoqué par les phénomènes de migrations de masse, à l’interdépendance croissante entre les peuples. Tout cela n’a pas été sans conséquences également pour la dimension religieuse de la vie de l’homme. Et si, d’un côté, l’humanité a tiré des bénéfices incomparables de ces transformations et l’Eglise a reçu des encouragements supplémentaires pour rendre raison de l’espérance qu’elle porte (cf. 1 P 3, 15), de l’autre, est apparue une perte préoccupante du sens du sacré, arrivant jusqu’à remettre en question les fondements qui apparaissent indiscutables, comme la foi dans un Dieu Créateur et providentiel, la révélation de Jésus-Christ unique sauveur, et la compréhension commune des expériences fondamentales de l’homme comme la naissance, la mort, la vie au sein d’une famille, la référence à une loi morale naturelle.

 

Si tout cela a été salué par certains comme une libération, on s’est très tôt rendu compte du désert intérieur qui naît là où l’homme, voulant devenir l’unique créateur de sa propre nature et de son propre destin, se trouve privé de ce qui constitue le fondement de toutes les choses.

 

Le Concile œcuménique Vatican II adopta déjà parmi ses thèmes centraux la question de la relation entre l’Eglise et ce monde contemporain. Dans le sillage de l’enseignement conciliaire, mes prédécesseurs ont ensuite réfléchi ultérieurement sur la nécessité de trouver des formes adéquates pour permettre à nos contemporains d’entendre encore la Parole vivante et éternelle du Seigneur.

 

Avec clairvoyance, le Serviteur de Dieu Paul VI observe que l’engagement de l’évangélisation « s’avère toujours plus nécessaire également, à cause des situations de déchristianisation fréquentes de nos jours, pour des multitudes de personnes qui ont reçu le baptême mais vivent totalement en dehors de la vie chrétienne, pour des gens simples ayant une certaine foi mais connaissant mal les fondements de cette foi, pour des intellectuels qui sentent le besoin de connaître Jésus-Christ sous une lumière autre que l’enseignement reçu dans leur enfance, et pour beaucoup d’autres » (Evangelii nuntiandi, n. 52). Puis, adressant sa pensée vers ceux qui sont éloignés de la foi, il ajoutait que l’action évangélisatrice de l’Eglise « doit chercher constamment les moyens et le langage adéquats pour leur proposer ou leur re-proposer la révélation de Dieu et la foi en Jésus-Christ » (ibid., n. 56). Le vénérable Serviteur de Dieu Jean-Paul II fit de ce devoir exigeant l’un des points centraux de son vaste Magistère, en résumant dans le concept de « nouvelle évangélisation », qu’il approfondit de façon systématique dans de nombreuses interventions, le devoir qui attend l’Eglise aujourd’hui, en particulier dans les régions d’antique christianisation. Un devoir qui, s’il concerne directement sa façon de se rapporter avec l’extérieur, présuppose toutefois, avant tout, un renouveau constant en son sein, un passage permanent, pour ainsi dire, de la condition d’évangélisée à évangélisatrice. Il suffit de rappeler ce qui était affirmé dans l’Exhortation post-synodale Christifideles laici : « Des pays et des nations entières où la religion et la vie chrétienne étaient autrefois on ne peut plus florissantes et capables de faire naître des communautés de foi vivante et active sont maintenant mises à dure épreuve et parfois sont même radicalement transformées, par la diffusion incessante de l'indifférence religieuse, de la sécularisation et de l'athéisme. Il s'agit en particulier des pays et des nations de ce qu'on appelle le Premier Monde, où le bien-être économique et la course à la consommation, même s'ils côtoient des situations effrayantes de pauvreté et de misère, inspirent et alimentent une vie vécue “comme si Dieu n'existait pas”. Actuellement l'indifférence religieuse et l'absence totale de signification qu'on attribue à Dieu, en face des problèmes graves de la vie, ne sont pas moins préoccupantes ni délétères que l'athéisme déclaré. La foi chrétienne, même lorsqu'elle survit en certaines de ses manifestations traditionnelles et rituelles, tend à être arrachée des moments les plus importants de l'existence, comme les moments de la naissance, de la souffrance et de la mort [...] En d'autres pays ou nations, au contraire, on conserve encore beaucoup de traditions très vivantes de piété et de sentiment chrétien; mais ce patrimoine moral et spirituel risque aussi de disparaître sous la poussée de nombreuses influences, surtout celles de la sécularisation et de la diffusion des sectes. Seule une nouvelle évangélisation peut garantir la croissance d'une foi claire et profonde, capable de faire de ces traditions une force de réelle liberté. Assurément il est urgent partout de refaire le tissu chrétien de la société humaine. Mais la condition est que se refasse le tissu chrétien des communautés ecclésiales elles-mêmes qui vivent dans ces pays et ces nations » (n. 34).

 

Faisant donc mienne la préoccupation de mes vénérés prédécesseurs, je considère opportun d’offrir des réponses adéquates afin que l’Eglise tout entière, se laissant régénérer par la force de l’Esprit Saint, se présente au monde contemporain avec un élan missionnaire en mesure de promouvoir une nouvelle évangélisation. Celle-ci se réfère en particulier aux Eglises d’antique fondation, qui vivent toutefois des réalités très diverses, auxquelles correspondent des besoins différents, et qui attendent des impulsions d’évangélisation différentes : dans certains territoires, en effet, même dans le cadre de la diffusion de la sécularisation, la pratique chrétienne manifeste encore une bonne vitalité et un profond enracinement dans l’âme de populations entières ; dans d’autres régions, en revanche, on observe une prise de distance plus évidente de la société dans son ensemble à l’égard de la foi, avec un tissu ecclésial plus faible, bien que non privé d’une certaine vivacité, que l’Esprit Saint ne manque pas de susciter ; nous connaissons malheureusement également des régions qui apparaissent pratiquement entièrement déchristianisées, dans lesquelles la lumière de la foi est confiée au témoignage de petites communautés : ces terres, qui auraient besoin d’une première annonce renouvelée de l’Evangile semblent être particulièrement réfractaires à de nombreux aspects du message chrétien.

 

La diversité des situations exige un discernement attentif ; parler de « nouvelle évangélisation» ne signifie pas, en effet, devoir élaborer une unique formule identique pour toutes les circonstances. Et, toutefois, il n’est pas difficile de percevoir que ce dont ont besoin toutes les Eglises qui vivent dans des territoires traditionnellement chrétiens est un élan missionnaire renouvelé, expression d’une nouvelle ouverture généreuse au don de la grâce. En effet, nous ne pouvons oublier que le premier devoir sera toujours celui de nous rendre dociles à l’œuvre gratuite de l’Esprit du Ressuscité, qui accompagne tous ceux qui sont porteurs de l’Evangile et ouvre le cœur de ceux qui écoutent. Pour proclamer de façon féconde la Parole de l’Evangile, il faut avant tout faire une expérience profonde de Dieu.

 

Comme j’ai eu l’occasion de l’affirmer dans ma première Encyclique Deus caritas est : « A l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (n. 1). De même, à l’origine de toute évangélisation, il n’y a pas un projet humain d’expansion, mais le désir de partager le don inestimable que Dieu a voulu nous faire, en nous faisant participer à sa vie même.

 

Par conséquent, à la lumière de ces réflexions, après avoir examiné avec soin toute chose et avoir demandé l’opinion de personnes expertes, j’établis et décrète ce qui suit :

 

Art. 1

§ 1. Le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation est constitué comme dicastère de la Curie romaine, selon la Constitution apostolique Pastor bonus.

§ 2. Le Conseil poursuit son objectif tant en encourageant la réflexion sur les thèmes de la nouvelle évangélisation qu’en identifiant et en promouvant les formes et les instruments aptes à la réaliser.

 

Art. 2

L’action du Conseil, qui s’exerce en collaboration avec les autres dicastères et organismes de la Curie romaine, dans le respect des compétences réciproques, est au service des Eglises particulières, en particulier dans les territoires de tradition chrétienne où se manifeste avec une plus grande évidence le phénomène de la sécularisation.

 

Art. 3

Parmi les devoirs spécifiques du Conseil figurent :

1. l’approfondissement du sens théologique et pastoral de la nouvelle évangélisation;

2. la promotion et l’encouragement, en étroite collaboration avec les Conférences épiscopales concernées, qui pourront avoir un organisme ad hoc, de l’étude, la diffusion et la mise en œuvre du Magistère pontifical relatif aux thèmes liés à la nouvelle évangélisation ;

3. la divulgation et le soutien des initiatives liées à la nouvelle évangélisation déjà en cours dans les différentes Eglises particulières et la promotion de la mise en œuvre de nouvelles initiatives, en sollicitant également la participation active des ressources présentes dans les Instituts de vie consacrée et dans les Sociétés de vie apostolique, ainsi que dans les rassemblements de fidèles et dans les communautés nouvelles ;

4. l’étude et l’encouragement de l’utilisation des formes modernes de communication, comme instruments pour la nouvelle évangélisation ;

5. la promotion de l’utilisation du Catéchisme de l’Eglise catholique, comme formulation essentielle et complète du contenu de la foi pour les hommes de notre temps.

 

Art. 4

§ 1. Le Conseil est dirigé par un président archevêque, assisté par un secrétaire, un sous-secrétaire et un nombre approprié d’officiaux, selon les normes établies par la Constitution apostolique Pastor Bonus et par le Règlement général de la Curie romaine.

§ 2. Le Conseil possède ses propres membres et peut disposer de ses propres consulteurs.

 

J’ordonne que tout ce que j’ai décidé dans le présent Motu proprio, ait une valeur pleine et ferme, nonobstant toute disposition contraire, même digne de mention particulière, et j’établis qu’il soit promulgué au moyen de sa publication dans le journal « L’Osservatore Romano », et qu’il entre en vigueur le jour de la promulgation.

 

Donné à Castel Gandolfo, le 21 septembre 2010, fête de Saint Matthieu, Apôtre et Evangéliste, sixième année de mon pontificat.

 

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26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 18:44

Homélie du Pape Benoît XVI pour l’ouverture de l’Assemblée spéciale du Synode des Evêques pour le Moyen-Orient, le 10 octobre 2010.

 

Vénérés frères,

Mesdames et Messieurs,

Chers frères et sœurs!

 

La Célébration eucharistique, action de grâce à Dieu par excellence, est marquée aujourd’hui pour nous, réunis auprès de la Tombe de Saint Pierre, par un motif extraordinaire : la grâce de voir réunis pour la première fois au sein d’une Assemblée synodale, autour de l’Evêque de Rome et Pasteur universel, les évêques de la région du Moyen-Orient. Cet événement si singulier démontre l’intérêt de l’Eglise tout entière pour la précieuse et bien-aimée portion du Peuple de Dieu qui vit en Terre Sainte et dans tout le Moyen-Orient.

 

Rendons grâce tout d’abord au Seigneur de l’Histoire parce qu’Il a permis que, malgré des vicissitudes souvent difficiles et tourmentées, le Moyen-Orient voit toujours, depuis le temps de Jésus jusqu’à nos jours, la continuité de la présence des chrétiens. En ces terres, l’unique Eglise du Christ s’exprime dans la variété des traditions liturgiques, spirituelles, culturelles et disciplinaires des six vénérables Eglises orientales catholiques sui iuris, ainsi que dans la Tradition latine. Le salut fraternel que j’adresse avec une grande affection aux Patriarches de chacune d’entre elles, veut s’étendre en ce moment à tous les fidèles confiés à leur charge pastorale dans leurs pays respectifs ainsi qu’au sein de la diaspora.

 

En ce 28e Dimanche du temps per annum, la Parole de Dieu offre un thème de méditation qui se rapproche de manière significative de l’événement synodal que nous inaugurons aujourd’hui. La lecture continue de l’Evangile selon Saint Luc nous conduit à l’épisode de la guérison des dix lépreux, dont un seul, un samaritain, revient sur ses pas pour remercier Jésus. En relation avec ce texte, la première lecture, extraite du Second Livre des Rois, raconte la guérison de Naamân, chef de l’armée araméenne, lui aussi lépreux, qui est guéri en s’immergeant par sept fois dans les eaux du Jourdain suivant l’ordre du prophète Elisée. Naamân retourne lui aussi auprès du prophète et, reconnaissant en lui le médiateur de Dieu, professe la foi en l’unique Seigneur. Nous nous trouvons donc face à deux malades de la lèpre, deux non juifs, qui guérissent parce qu’ils croient à la parole de l’envoyé de Dieu. Ils guérissent dans leur corps, mais s’ouvrent à la foi, et celle-ci les guérit dans leur âme, c’est-à-dire qu’elle les sauve.

 

Le Psaume responsorial chante cette réalité : « Yahvé a fait connaître son salut, aux yeux des païens révélé sa justice, se rappelant son amour et sa fidélité pour la maison d'Israël » (Ps 98, 2-3). Voici alors le thème : le Salut est universel, mais il passe par une médiation déterminée, historique : la médiation du peuple d’Israël qui devient ensuite celle de Jésus Christ et de l’Eglise. La porte de la vie est ouverte pour tous, mais il s’agit bien d’une « porte », c’est-à-dire d’un passage défini et nécessaire. C’est ce qu’affirme de manière synthétique la formule paulinienne que nous avons écoutée dans la Seconde Lettre à Timothée : « Le Salut qui est dans le Christ Jésus » (2 Tm 2, 10). C’est le mystère de l’universalité du Salut et, en même temps, de son lien nécessaire avec la médiation historique de Jésus Christ, précédée par celle du peuple d’Israël et prolongée par celle de l’Eglise. Dieu est amour et veut que tous les hommes participent de Sa vie. Pour réaliser ce dessein, Lui qui est Un et Trine, crée dans le monde un mystère de communion humain et divin, historique et transcendant : Il le crée à travers la « méthode » pour ainsi dire de l’alliance, se liant d’un amour fidèle et inépuisable aux hommes, se formant un peuple saint qui devienne une bénédiction pour toutes les familles de la terre (cf. Gn 12, 3). Ainsi, il se révèle comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (cf. Ex 3, 6) qui veut conduire son peuple à la « terre » de la liberté et de la paix. Cette « terre » n’est pas de ce monde ; tout le dessein divin dépasse l’Histoire, mais le Seigneur veut le construire avec les hommes, pour les hommes et dans les hommes, à partir des critères d’espace et de temps dans lesquels ils vivent et que Lui-même a donnés.

 

Ce que nous appelons le Moyen-Orient fait partie, avec sa propre spécificité, de tels critères. Cette région du monde, Dieu la voit aussi dans une perspective différente, nous pourrions dire « d’en haut » : c’est la terre d’Abraham, d’Isaac et de Jacob; la terre de l’exode et du retour de l’exil ; la terre du temple et des prophètes ; la terre dans laquelle le Fils Unique est né de Marie, où il a vécu, est mort et est ressuscité ; le berceau de l’Eglise, constituée afin d’apporter l’Evangile du Christ jusqu’aux frontières du monde. Et nous aussi, en tant que croyants, nous regardons vers le Moyen-Orient avec ce même regard, dans la perspective de l’Histoire du salut. C’est cette optique intérieure qui m’a guidé dans les voyages apostoliques en Turquie, en Terre Sainte — Jordanie, Israël, Palestine — et à Chypre, où j’ai pu connaître de près les joies et les préoccupations des communautés chrétiennes. C’est aussi pour cela que j’ai accueilli volontiers la proposition des Patriarches et des Evêques de convoquer une Assemblée synodale afin de réfléchir ensemble, à la lumière de l’Ecriture Sainte et de la Tradition de l’Eglise, sur le présent et sur l’avenir des fidèles et des populations du Moyen-Orient.

 

Regarder cette partie du monde dans la perspective de Dieu signifie reconnaître en elle le « berceau » d’un dessein universel de Salut dans l’amour, un mystère de communion qui se réalise dans la liberté et demande par conséquent aux hommes une réponse. Abraham, les prophètes, la Vierge Marie sont les protagonistes de cette réponse qui a toutefois son accomplissement en Jésus Christ, fils de cette même terre, mais descendu du Ciel. De Lui, de son Cœur et de son Esprit, est née l’Eglise, qui est pèlerine en ce monde, mais lui appartient pourtant. L’Eglise est constituée pour être, au milieu des hommes, signe et instrument de l’unique et universel projet salvifique de Dieu ; elle accomplit cette mission en étant simplement elle-même, c’est-à-dire « communion et témoignage », comme le rappelle le thème de l’Assemblée synodale qui s’ouvre aujourd’hui et qui fait référence à la célèbre définition de Luc de la première communauté chrétienne : « La multitude de ceux qui étaient croyants avait un seul cœur et une seule âme » (Ac 4,32). Sans communion, il ne peut pas y avoir de témoignage : le grand témoignage est précisément la vie de la communion. Jésus le dit clairement : « A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l'amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35). Cette communion est la vie même de Dieu qui se communique dans l’Esprit Saint, par Jésus Christ. Il s’agit donc d’un don, et non de quelque chose que nous devons avant tout construire nous-mêmes avec nos propres forces. Et c’est précisément pour cela qu’elle interpelle notre liberté et attend notre réponse : la communion requiert toujours la conversion, comme un don qui réclame d’être toujours mieux accueilli et réalisé. Les premiers chrétiens, à Jérusalem, étaient peu nombreux. Personne n’aurait pu imaginer ce qui s’est réalisé par la suite. Et l’Eglise vit toujours de cette même force qui l’a fait partir puis croître. La Pentecôte est l’événement originaire, mais est aussi un dynamisme permanent, et le Synode des Evêques est un moment privilégié dans lequel peut se renouveler, dans le chemin de l’Eglise, la grâce de la Pentecôte, afin que la Bonne Nouvelle soit annoncée avec franchise et puisse être accueillie par toutes les foules.

 

Par conséquent, le but de cette Assemblée synodale est principalement pastoral. Même en ne pouvant pas ignorer la situation sociale et politique délicate et parfois dramatique de certains pays, les Pasteurs des Eglises au Moyen-Orient désirent se concentrer sur les aspects propres à leur mission. A cet égard, le Document de travail, élaboré par un Conseil pré-synodal dont je remercie vivement les membres pour le travail accompli, a souligné cette finalité ecclésiale de l’Assemblée, en relevant qu’il est de son intention, sous la conduite de l’Esprit Saint, de raviver la communion de l’Eglise catholique au Moyen-Orient. Avant tout, au sein de chaque Eglise, parmi tous ses membres : patriarche, évêques, prêtres, religieux, consacrés et laïcs. Et puis, dans les rapports avec les autres Eglises. La vie ecclésiale, ainsi affermie, verra se développer des fruits très positifs sur le chemin œcuménique avec les autres Eglises et Communautés ecclésiales présentes au Moyen-Orient.

 

Cette occasion est également propice pour poursuivre de façon constructive le dialogue avec les juifs auxquels nous lie de manière indissoluble la longue Histoire de l’Alliance, tout comme celui avec les musulmans. Les travaux de l’Assemblée synodale sont en outre orientés vers le témoignage des chrétiens aux niveaux personnel, familial et social. Cela requiert le renforcement de leur identité chrétienne par l’intermédiaire de la Parole de Dieu et des Sacrements. Nous souhaitons tous que les fidèles sentent la joie de vivre en Terre Sainte, terre bénie par la présence et par le glorieux mystère pascal du Seigneur Jésus Christ. Tout au long des siècles, ces Lieux ont attiré des multitudes de pèlerins, ainsi que des communautés religieuses masculines et féminines, qui ont considéré comme un grand privilège le fait de pouvoir vivre et rendre témoignage en Terre de Jésus. Malgré les difficultés, les chrétiens de Terre Sainte sont appelés à raviver la conscience d’être des pierres vivantes de l’Eglise au Moyen-Orient, auprès des Lieux Saints de notre Salut. Mais vivre dignement dans sa propre patrie est avant tout un droit humain fondamental : c’est pourquoi il faut favoriser des conditions de paix et de justice, indispensables pour un développement harmonieux de tous les habitants de la région. Tous sont donc appelés à apporter leur propre contribution : la communauté internationale, en soutenant un chemin fiable, loyal et constructif vers la paix ; les religions majoritairement présentes dans la région, en promouvant les valeurs spirituelles et culturelles qui unissent les hommes et excluent toute expression de violence. Les chrétiens continueront à offrir leur contribution non seulement par le biais d’œuvres de promotion sociale, comme les instituts d’éducation et de santé, mais surtout avec l’esprit des Béatitudes évangéliques qui anime la pratique du pardon et de la réconciliation. Dans cet engagement, ils auront toujours le soutien de toute l’Eglise, comme cela est ici solennellement attesté par la présence des délégués des épiscopats d’autres continents.

 

 

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