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28 juin 2015 7 28 /06 /juin /2015 10:55

Frèresam, je vous remercie pour votre long commentaire à mon article sur la Vierge Marie et les apparitions. Les questions que vous soulevez sont si vastes que je vais y répondre en deux temps.

"Votre article, et l'échange qu'il a suscité, sont passionnants et stimulants. Je puis dire que j'admire la rigueur avec laquelle vous défendez vos convictions." Je vous remercie de vos éloges et espère ne pas vous décevoir dans mes réponses. Il y a longtemps que je n'ai pas écrit, me voici un peu rouillé! Je vais essayer de balbutier quelques mots pour vous apporter les éclaircissements demandés. Mais nous pourrons approfondir ultérieurement les sujets qui vous préoccupent si mes réponses ne vous satisfont pas entièrement.

"Je souhaite partager mes questions, mes réserves ou mes objections avec respect et compréhension comme un pèlerin, un chercheur de Dieu, un frère en humanité." Cher frèresam, j'en suis sincèrement ravi! La vocation du blog Totus Tuus n'est autre que de susciter de tels échanges. Vous êtes ici chez vous! 

La première question que posez "est de savoir s'il est légitime que parallèlement [au] culte que nous vouons au Seigneur de l'univers, nous puissions vouer un culte à des créatures et si Dieu nous invite à le faire." Je pense que tout est dans le mot "parallèlement". Le culte que nous vouons aux anges, aux saints et à la Vierge Marie en particulier n'est pas un culte "parallèle", mais plutôt - dirais-je - un culte "dérivé". Puisque nous croyons au Christ, nous vénérons tous ceux qui, parmi ses disciples dans l'histoire, se sont laissés saisir par lui au point que l'on ait pu dire d'eux que ce n'était plus eux qui vivaient, mais le Christ qui vivait en eux (cf. Ga 2. 20). Nous reconnaissons en eux l'action du Christ, la puissance salvifique du Christ à l'oeuvre, et nous les vénérons en tant qu'ils ont été les porteurs du Christ dans le monde, et dans la mesure où leurs vertus et leurs mérites témoignent d'une manifestation particulière du Christ dans leur vie - une manifestation surnaturelle, inhabituelle, exceptionnelle. A travers les saints canonisés, c'est le Christ lui-même qui transparaît. Le culte des saints n'est donc pas un culte existant à côté du culte de Dieu, un culte concurrent à celui rendu à Dieu, mais le culte même de Dieu s'exprimant en une forme particulière, différente du culte direct.

Ce n'est pas manquer de respect à l'Artiste que de contempler son oeuvre. Bien au contraire : la contemplation de l'oeuvre de Dieu dans la personne des saints fait grandir en nous l'amour que nous avons pour Lui et la confiance en Sa puissance salvifique à l'oeuvre en notre humanité. Elle ravive notre adoration envers Lui. 

Cf. La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant!

"Aucune créature ne peut être mis sur un pied d'égalité avec le Créateur qui est béni éternellement." Certes. Il existe une différence radicale, sur le plan ontologique, entre Dieu et la créature. Dieu est infiniment adorable du seul fait qu'Il soit Dieu, le Tout-Autre transcendant, l'Eternel absolu, le Souverain Bien, la Beauté incréée, la Vie en plénitude, l'Amour infini, la Source bienfaisante de tout ce qui existe, notre Créateur et Rédempteur. Il n'est comparable à rien de ce qui existe dans le ciel ou sur la terre et c'est pourquoi nous distinguons bien l'adoration qui est réservée à Dieu seul et la vénération des saints.

Cependant... dans l'Incarnation du Verbe de Dieu, la créature humaine est élevée à la plus haute dignité. Elle est rendue capable de recevoir en plénitude les dons de Dieu ; bien plus : de recevoir Dieu lui-même. En se faisant homme, Dieu ne se souille pas, il ne diminue en rien sa grandeur, il ne corrompt nullement sa nature. Tout au contraire, il nous fait comprendre l'extraordinaire dignité de l'homme, créé à son image et ressemblance, "un peu moindre qu'un dieu" (Ps 8.6). Juste un peu...

En Jésus-Christ qui est Dieu, nous adorons la personne divine du Fils, mais en son humanité, qui est créée. Quand nous nous prosternons devant Jésus-Christ, nous nous prosternons devant un homme - devant l'Homme, aurait dit Pilate. Comme les Pères de l'Eglise aimaient à le proclamer : "Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne dieu". La vocation de l'homme n'est donc pas seulement de quitter les ténèbres du péché et de vivre, cahin-caha, une vie humaine aussi bonne que possible ; elle est plus fondamentalement de re-devenir image parfaite et ressemblante de Dieu ; de re-devenir transparent de Dieu, comme à l'aube de la Création - mais avec un surcroît de gloire obtenu par la mort et la resurrection du Christ. La vocation de l'homme, c'est de vivre de la vie divine, de la vie même de Dieu - cela, dès ici-bas -, et d'être saint comme Lui-même est saint. En d'autres termes, c'est la divinisation : ne faire plus qu'un avec Dieu et en Dieu, sans rien perdre de sa personnalité et de l'originalité de son être. Ce qu'ont commencé de vivre les saints sur cette terre. 

Ce qui rend l'homme saint comme Dieu est saint, c'est l'Esprit de Dieu infusé en lui, qui le rend capable d'accomplir toutes sortes de bonnes oeuvres. Celles-ci ne sont donc pas la cause première de la sainteté - elles en sont plutôt le fruit. La cause première de la sainteté, c'est la grâce de Dieu infusée par le don de l'Esprit qui nous fait porter du fruit et accomplir toutes sortes d'oeuvres bonnes. Cela dit, ces oeuvres, parce que nous les accomplisssons librement et volontairement, accroissent nos mérites, alimentent notre sainteté et en deviennent aussi la cause (non d'une causalité première, mais seconde). Ainsi, la sainteté telle que l'Eglise la vénère est le fruit d'une participation active, libre, décidée du saint à la grâce divine qui lui est donnée et le transforme peu à peu à la mesure de son désir et de son coeur. Voilà pourquoi le culte rendu aux saints est tout à la fois un culte rendu à Dieu (indirectement) et à l'homme qui a permis à la grâce divine de se déployer d'une manière singulière dans son être et dans sa vie, et de rayonner de manière surnaturelle et édifiante pour le peuple de Dieu.

La sainteté que l'Eglise honore est celle même de Dieu (le seul Saint!) qui resplendit dans un homme et lui permet d'atteindre sa pleine stature. Elle est comme une manifestation renouvelée de l'Incarnation du Verbe, puisqu'en quelque manière, en chaque homme qui devient saint, Dieu de nouveau se fait chair. Ces "incarnations" ne sont pas concurrentes de l'Incarnation du Verbe : elles en sont le dérivé direct puisque sans l'Incarnation du Verbe, pas de Pâque ; sans la Pâque du Christ, pas de Pentecôte ; et sans la Pentecôte, pas de sainteté divine en l'homme - puisqu'il fallait, aux dires du Maître, que le Fils de l'Homme mourût, ressuscitât et montât au ciel pour que l'Esprit Saint puisse être répandu sur toute chair. La sainteté divine en l'homme est donc l'accomplissement final de l'oeuvre de Dieu, l'achèvement parfait de son Dessein bienveillant. Elle rend gloire à Dieu, mais aussi à l'homme. C'est pourquoi elle est honorée par le peuple de Dieu depuis les premiers temps de l'Eglise en la personne de ses figures les plus remarquables - à commencer par les Apôtres Pierre et Paul que nous célébrerons demain.

"Faut-il, au fond, se confier dans les sarments ou dans le cep, pour reprendre une image évangélique ?" On peut se fier au sarment dans la mesure où celui-ci est greffé au cep et reçoit de lui sa sève et sa verdeur. Celui qui cherche la source de vie du sarment trouvera le cep.

"Notre dévotion et nos prières doivent-elles être réservées à Dieu seul ou peuvent-elles également être orientées vers ceux et celles qui assurément ont été les amis et fidèles serviteurs de notre Seigneur ? Pourquoi serait-il nécessaire, utile ou bénéfique, de se tourner vers des créatures angéliques ou humaines pour obtenir des grâces, du réconfort ou un secours dans nos besoins, alors que nous connaissons Celui qui est la source de toute grâce et qu'il n'y a point de réconfort plus grand et de secours plus puissant que celui que nous trouvons auprès de Lui ?" D'abord, je vous ferais remarquer que c'est sans doute ce que vous faites déjà sans le savoir avec vos frères chrétiens (qui sont des créatures humaines), quand vous les invitez par exemple à prier pour vous. Pourquoi leur demander de prier pour vous puisque vous connaissez personnellement Jésus-Christ, que vous savez qu'il vous écoute et qu'il exauce chacune de vos demandes? C'est bien parce que vous ressentez intuitivement comme le besoin d'une aide, d'un secours dans votre prière. Ce n'est pas que Jésus-Christ ne veuille pas vous exaucer, non. Mais il y a des grâces qu'il ne veut nous donner que lorsque nous nous mettons à plusieurs pour les lui demander. C'est que notre Dieu n'est pas un Dieu quelconque : il est Trinité, relation, famille. Son grand projet est de faire de l'humanité toute entière une famille - ce qu'est déjà l'Eglise, par anticipation prophétique.

Eh bien, ce qui est vrai dans nos relations avec nos frères et soeurs de la terre est vrai aussi avec nos frères et soeurs du ciel - qui ne sont pas morts, mais vivants dans le Seigneur. Dieu veut que nous apprenions à vivre la dimension fraternelle de la vie chrétienne avec tous les membres de l'Eglise : ceux que nous cotoyons sur la terre, mais aussi ceux qui sont vivants au ciel auprès de Dieu. Dieu veut nous faire entrer ainsi dans la connaissance du mystère de son Eglise - dont la réalité ne se limite pas à sa visibilité terrestre. Il veut que nous apprenions à nous connaître les uns les autres, à nous aimer et à nous entraider - et cela concerne aussi bien nos frères de la terre que ceux du Ciel qui peuvent nous aider et ceux du Purgatoire que nous pouvons aider. Dieu bénit ces relations fraternelles vécues dans la charité et accorde des grâces particulières à ceux qui y recourent. La vie chrétienne n'est pas individualiste. Ce n'est pas pour rien que Jésus a dit à ses disciples : "lorsque deux ou trois d'entre vous se réunissent en mon nom, je suis là au milieu d'eux" (Mt 18. 20). Cela ne veut pas dire que Jésus n'est pas là quand nous le prions dans le secret de notre coeur. Cela signifie simplement qu'il y a une qualité de présence différente selon que nous sommes seuls dans notre chambre ou avec des frères, unis à eux dans la communion de la foi et dans la prière. Dieu n'est pas avare en grâces. Mais il est des grâces qui ne nous seront accordées que si nous les sollicitons en communion avec nos frères. Ce qui plait à notre Dieu trinitaire, c'est la communion des personnes, non seulement des hommes avec lui, mais aussi des hommes entre eux, qu'ils soient sur terre ou au ciel. Apprenons donc à vivre de cette communion - ce que vous nous aidez à faire, cher frèresam, par ces quelques reflexions que vous nous partagez et ce dialogue amical que vous nous permettez d'entretenir. Que Dieu vous garde!

Nous parlerons dans un prochain article de la Vierge Marie.

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commentaires

R
Bonjour , j'ai bien regardé les saintes écritures et je n'est rien vue qui prête à adorer autre que dieu , il y a des exemples flagrants, quand corneille reçoit l'apôtre pierre en se prosternant la réponse de pierre fut directe : je ne suis qu'un homme comme toi ! <br /> Quand une femme fait l'éloge de Marie mère de Jésus : bénis soit le sein qui t'a porté, Jésus reprend : «Et il répondit: Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent!»<br /> ‭‭Luc‬ ‭11:28‬ ‭
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S
Le passage de l'Evangile auquel vous faites référence ne signifie pas que Jésus refuse à sa mère tout honneur au contraire Marie est si je puis dire doublement bienheureuse car non seulement elle a écouté la Parole de Dieu mais bien plus elle l'a porté à la fois dans son cœur et dans son corps. Jésus ne veut pas sous-entendre que Marie ne serait pas béni par le Père qui lui a fait la grâce de devenir la mère du Messie par qui devait s'opérer la rédemption et le salut du monde. Jésus ne dénie pas à sa mère la joie et le bonheur immense qu'elle a du éprouver lorsqu'elle a accueilli la parole de l'ange et l'action de l'Esprit-Saint en elle comme en témoigne le célèbre cantique du magnificat que vous pouvez retrouver dans Luc 1;39-56. Le Seigneur désire simplement nous enseigner et nous rappeler que cette joie que Marie a eut de le porter et de l'éduquer avec affection est la conséquence de son "oui", de sa fidélité et de son obéissance exemplaire. Elle, plus que tout autre, a écouter la Parole de Dieu, elle qui "gardait dans son cœur tous ces évènements" (Luc 2;51) et qui les a sans doute partagé avec les apôtres qui n'auraient pas pu autrement connaître les évènements de l'enfance de Jésus que Luc relate dans son Evangile. Cette Bonne Nouvelle de l'Evangile, Marie l'a reccueilli la première de la bouche de l'ange Gabriel et elle a toujours cheminé avec son Fils depuis Cana ou se produisit par son intercession le premier miracle de Jésus jusqu'à la croix ou elle se tenait et ou s'accomplissait la prophétie de Siméon qui lui avait annoncé qu'une épée transpercerait son cœur (voir Luc 2;35). Enfin, en proclamant que la Vierge Marie est vraiment "bienheureuse entre toutes les femmes", qu'elle est la "comblée de grâce", nous ne faisons que redire ce que l'ange Gabriel et Elisabeth sa cousine ont pu dire d'elle "Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi" (1;28) et "Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni" (1;42). En aucun cas il ne faut comprendre la parole de Jésus comme une forme de mépris, de déconsidération ou de rejet de sa mère qui est vraiment la figure de la joie que nous apporte le fait d'aimer Dieu et de vivre de sa Parole. Fraternellement
S
Merci cher ami pour votre réponse très complète qui m'éclaire grandement et qui récapitule ce que dans mon propre cheminement spirituel je découvre progressivement. Je n'aurais pas trouvé des mots plus justes pour exprimer ma pensée et je vous exprime toute ma reconnaissance.<br /> <br /> Fraternellement, Sam
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