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7 mars 2009 6 07 /03 /mars /2009 09:29

Extrait de l’Encyclique Spe Salvi du Pape Benoît XVI, donnée le 30 novembre 2007.

7.
Nous devons encore une fois revenir au Nouveau Testament. Dans le onzième chapitre de la Lettre aux Hébreux(v. 1), on trouve une sorte de définition de la foi, qui relie étroitement cette vertu à l'espérance.

Autour de la parole centrale de cette phrase, s'est créée, depuis la Réforme, une discussion entre les exégètes, où semble s'ouvrir aujourd'hui la voie vers une interprétation commune. Pour le moment, je laisse cette parole centrale non traduite ; la phrase sonne donc ainsi : « La foi est l'hypostasis des biens que l'on espère, la preuve des réalités qu'on ne voit pas ». Pour les Pères et pour les théologiens du Moyen-Âge, il était clair que la parole grecque hypostasis devait être traduite en latin par le terme substantia. La traduction latine du texte, née dans l'Église antique, dit donc : « Est autem fides sperandarum substantia rerum, argumentum non apparentium » – la foi est la « substance » des réalités à espérer ; la preuve des réalités qu'on ne voit pas. Utilisant la terminologie de la tradition philosophique dans laquelle il se trouve, Thomas d'Aquin l'explique ainsi :
la foi est un « habitus », c'est-à-dire une disposition constante de l'esprit, grâce à laquelle la vie éternelle prend naissance en nous et grâce à laquelle la raison est portée à consentir à ce qu'elle ne voit pas. Le concept de « substance » est donc modifié dans le sens que, par la foi, de manière initiale, nous pourrions dire « en germe » – donc selon la « substance » – sont déjà présents en nous les biens que l'on espère – la totalité, la vraie vie. Et c'est précisément parce que les biens eux-mêmes sont déjà présents que la présence de ce qui se réalisera crée également la certitude : ces « biens » qui doivent venir ne sont pas encore visibles dans le monde extérieur (ils « n'apparaissent » pas), mais en raison du fait que, comme réalité initiale et dynamique, nous les portons en nous, naît déjà maintenant une certaine perception de ces biens.

À Luther, pour qui la Lettre aux Hébreuxcomme telle n'était pas très sympathique, le concept de « substance », dans le contexte de sa vision de la foi, ne disait rien. C'est pourquoi il comprit le terme hypostase/substance non dans le sens objectif (de réalité présente en nous), mais dans le sens subjectif, comme expression d'une disposition et, par conséquent, il dut naturellement comprendre aussi le terme argumentum comme une disposition du sujet. Cette interprétation s'est affermie au vingtième siècle – au moins en Allemagne – même dans l'exégèse catholique, de sorte que la traduction œcuménique du Nouveau Testament en langue allemande, approuvée par les Évêques, dit : « Glaube aber ist: Feststehen in dem, was man erhofft, Überzeugtsein von dem, was man nicht sieht » (La foi consiste à être ferme en ce que l'on espère, à être convaincu de ce que l'on ne voit pas). En soi, cela n'est pas faux, mais ce n'est pas cependant le sens du texte, parce que le terme grec utilisé (elenchos) n'a pas la valeur subjective de « conviction », mais la valeur objective de « preuve ». c’est donc à juste titre que l'exégèse protestante récente est parvenue à une conviction différente : « Mais maintenant, on ne peut plus mettre en doute que cette interprétation protestante, devenue classique, est insoutenable ».[Köster H. : ThWNT VIII (1969), p. 585.]
La foi n'est pas seulement une tension personnelle vers les biens qui doivent venir, mais qui sont encore absents ; elle nous donne quelque chose. Elle nous donne déjà maintenant quelque chose de la réalité attendue, et la réalité présente constitue pour nous une « preuve » des biens que nous ne voyons pas encore. Elle attire l'avenir dans le présent, au point que le premier n'est plus le pur « pas-encore ». Le fait que cet avenir existe change le présent ; le présent est touché par la réalité future, et ainsi les biens à venir se déversent sur les biens présents et les biens présents sur les biens à venir.

8. Cette explication est renforcée ultérieurement et elle se rapporte à la vie concrète si nous considérons le verset 34 du chapitre 10 de la Lettre aux Hébreux qui, en ce qui concerne l'aspect linguistique et le contenu, est lié à la définition d'une foi remplie d'espérance et qui la prépare. Ici, l'auteur parle aux croyants qui ont subi l'expérience de la persécution et il leur dit : « Vous avez pris part aux souffrances des prisonniers ; vous avez accepté avec joie la spoliation de vos biens (hyparchonton – Vulgate : bonorum), sachant que vous étiez en possession de biens meilleurs (hyparxin – Vulgate : substantiam) et stables. » « Hyparchonta » sont les propriétés, ce qui, dans la vie terrestre, constitue le fondement, à savoir la base, la « substance » pour la vie, sur laquelle on compte. Cette « substance », la sécurité normale dans la vie, a été enlevée aux chrétiens au cours des persécutions. Ils ont supporté ces dernières parce qu'ils considéraient de toute façon cette substance matérielle comme négligeable. Ils pouvaient l'abandonner, parce qu'ils avaient trouvé une « base » meilleure pour leur existence – une base qui demeure et que personne ne peut enlever. On ne peut pas ne pas voir le lien qui court entre ces deux sortes de « substance », entre le fondement, ou base matérielle, et l'affirmation de la foi comme « base », comme « substance » qui demeure. La foi confère à la vie une base nouvelle, un nouveau fondement sur lequel l'homme peut s'appuyer et ainsi le fondement habituel, la fiabilité des revenus matériels, justement se relativise. Il se crée une nouvelle liberté face à ce fondement de la vie, qui n’est qu’apparemment en mesure de l'entretenir, bien que sa signification normale ne soit par là certainement pas niée. Cette nouvelle liberté, la conscience de la nouvelle « substance » qui nous a été donnée, ne s'est pas révélée seulement dans le martyre, où les personnes se sont opposées au pouvoir extrême de l'idéologie et de ses organes politiques, et, par leur mort, ont renouvelé le monde. Elle s'est manifestée surtout dans les grands renoncements à partir des moines de l'antiquité jusqu'à François d'Assise et aux personnes de notre époque qui, dans les Ordres modernes et dans les Mouvements religieux, par amour pour le Christ, ont tout laissé pour porter aux hommes la foi et l'amour du Christ, pour aider les personnes qui souffrent dans leur corps et dans leur âme. Là, la nouvelle « substance » s'est montrée réellement comme la « substance »» ; de l'espérance des personnes touchées par le Christ a jailli l'espérance pour d'autres qui vivaient dans les ténèbres et sans espérance. Là il s'est vérifié que cette nouvelle vie possède vraiment la « substance » et qu'elle est une « substance » qui suscite la vie pour les autres. Pour nous qui regardons ces figures, leur façon d’agir et de vivre est de fait une « preuve » que les biens à venir, la promesse du Christ, ce n’est pas seulement une réalité attendue, mais une véritable présence : Il est vraiment le « philosophe » et le « pasteur » qui nous indique ce qu'est la vie et où elle est.

9.
Pour comprendre plus en profondeur cette réflexion sur les deux espèces de substance – hypostasis et hyparchonta – et sur les deux modes de vie qu'elles expriment, nous devons réfléchir encore brièvement sur deux mots concernant cet question qui se trouvent dans le dixième chapitre de la Lettre aux Hébreux. Il s'agit des mots hypomone (10, 36) et hypostole (10, 39). Hypomone se traduit normalement par « patience » – persévérance, constance. Savoir attendre en supportant patiemment les épreuves est nécessaire au croyant pour pouvoir « obtenir la réalisation de la promesse » (cf. 10, 36). Dans l'ambiance religieuse du judaïsme antique, ce mot était utilisé de manière expresse pour parler de l'attente de Dieu qui caractérise Israël, à savoir persévérer dans la fidélité à Dieu, en se fondant sur la certitude de l'Alliance, dans un monde qui est en opposition à Dieu. Ainsi, le mot indique une espérance vécue, une vie fondée sur la certitude de l'espérance. Dans le Nouveau Testament, cette attente de Dieu, le fait d'être du côté de Dieu, prend une nouvelle signification : dans le Christ, Dieu s'est manifesté. Il nous a communiqué désormais la « substance » des biens à venir, et l'attente de Dieu obtient ainsi une nouvelle certitude. C’est l’attente des biens à venir à partir d'un présent déjà donné. En présence du Christ, avec le Christ présent, c’est l’attente que son Corps se complète, dans la perspective de sa venue définitive. Au contraire, par hypostole est exprimé l’attitude de qui fait défection et n'ose pas dire ouvertement et avec franchise la vérité, qui peut mettre en danger. Se cacher devant les hommes par esprit de crainte par rapport à eux conduit à la « perdition » (He 10, 39). « Ce n'est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse » – c'est ainsi que, par une belle expression, la Seconde Lettre à Timothée (1, 7) caractérise l'attitude fondamentale du chrétien.


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7 mars 2009 6 07 /03 /mars /2009 00:00
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4 mars 2009 3 04 /03 /mars /2009 21:06

Extrait de l’Encyclique Spe Salvi du Pape Benoît XVI, donnée le 30 novembre 2007.

6.
Les sarcophages des débuts du christianisme illustraient de manière visible cette conception devant la mort, face à laquelle la question concernant la signification de la vie devient inévitable. La figure du Christ est interprétée sur les sarcophages antiques surtout au moyen de deux images : celle du philosophe et celle du pasteur.

Par philosophie, à l'époque, on n'entendait pas, en général, une discipline académique difficile telle qu'elle se présente aujourd'hui. Le philosophe était plutôt celui qui savait enseigner l'art essentiel : l'art d'être homme de manière droite – l'art de vivre et de mourir.
Depuis longtemps déjà, les hommes s'étaient certainement rendu compte qu'une grande partie de ceux qui circulaient comme philosophes, comme maîtres de vie, était seulement des charlatans qui, par leurs paroles, se procuraient de l'argent, tandis qu'ils n'avaient rien à dire sur la vie véritable. On cherchait d'autant plus le vrai philosophe qui saurait indiquer vraiment la voie de la vie.

Vers la fin du troisième siècle, nous trouvons pour la première fois à Rome, sur le sarcophage d'un enfant, dans le contexte de la résurrection de Lazare, le Christ comme figure du vrai philosophe qui, dans une main, tient l'Évangile et, dans l'autre, le bâton de voyage du philosophe. Avec son bâton, il est vainqueur de la mort ; l'Évangile apporte la vérité que les philosophes itinérants avaient cherchée en vain. Dans cette image, qui est restée dans l'art des sarcophages durant une longue période, il est évident que les personnes cultivées comme les personnes simples reconnaissaient le Christ : il nous dit qui, en réalité, est l'homme et ce qu'il doit faire pour être vraiment homme. Il nous indique la voie et cette voie est la vérité. Il est lui-même à la fois l'une et l'autre, et donc il est aussi la vie dont nous sommes tous à la recherche. Il indique aussi la voie au delà de la mort ; seul celui qui est en mesure de faire ainsi est un vrai maître de vie.

La même chose est visible dans l'image du pasteur. Comme dans la représentation du philosophe, l'Église primitive pouvait aussi, dans la figure du pasteur, se rattacher à des modèles existant dans l'art romain. Dans ce dernier, le pasteur était en général l'expression du rêve d'une vie sereine et simple, dont les gens avaient la nostalgie dans la confusion de la grande ville. L'image était alors perçue dans le cadre d'un scénario nouveau qui lui conférait un contenu plus profond : « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien... Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi » (Ps22 [23], 1. 4). Le vrai pasteur est Celui qui connaît aussi la voie qui passe par les ravins de la mort ; Celui qui marche également avec moi sur la voie de la solitude ultime, où personne ne peut m'accompagner, me guidant pour la traverser : il a parcouru lui-même cette voie, il est descendu dans le royaume de la mort, il l'a vaincu et il est maintenant revenu pour nous accompagner et pour nous donner la certitude qu’avec Lui on trouve un passage. La conscience qu'existe Celui qui m'accompagne aussi dans la mort et qui, « avec son bâton, me guide et me rassure », de sorte que « je ne crains aucun mal » (Ps 22 [23], 4), telle était la nouvelle « espérance » qui apparaissait dans la vie des croyants.


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3 mars 2009 2 03 /03 /mars /2009 20:19

Extrait de l’Encyclique Spe Salvi du Pape Benoît XVI, donnée le 30 novembre 2007.

4.
Avant d'affronter la question de savoir si la rencontre avec le Dieu qui, dans le Christ, nous a montré son Visage et qui a ouvert son Cœur peut être aussi pour nous non seulement de type « informatif », mais aussi « performatif », à savoir si elle peut transformer notre vie de manière que nous nous sentions rachetés par l'espérance que cette rencontre exprime, revenons encore à l'Église primitive.

Il n'est pas difficile de se rendre compte que l'expérience de la petite esclave africaine Bakhita a été aussi l'expérience de nombreuses personnes battues et condamnées à l'esclavage à l'époque du christianisme naissant.
Le christianisme n'avait pas apporté un message social révolutionnaire comme celui de Spartacus, qui, dans des luttes sanglantes, avait échoué. Jésus n'était pas Spartacus, il n'était pas un combattant pour une libération politique, comme Barabbas ou Bar-Khoba. Ce que Jésus, personnellement mort sur la Croix, avait apporté était quelque chose de totalement différent : la rencontre avec le Seigneur de tous les seigneurs, la rencontre avec le Dieu vivant, et ainsi la rencontre avec l'espérance qui était plus forte que les souffrances de l'esclavage et qui, de ce fait, transformait de l'intérieur la vie et le monde.

Ce qui était advenu de nouveau apparaît avec une plus grande évidence dans la Lettre de saint Paul à Philémon. Il s'agit d'une lettre très personnelle, que Paul écrit dans sa prison et qu'il confie à l'esclave fugitif Onésime pour son maître – Philémon précisément. Oui, Paul renvoie l'esclave à son maître, de chez qui il avait fui, et il le fait non pas en ordonnant, mais en priant : « J'ai quelque chose à te demander pour mon enfant à qui, dans ma prison, j'ai donné la vie du Christ... Je te le renvoie, lui qui est une part de moi-même... S'il a été éloigné de toi pendant quelque temps, c'est peut-être pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave, mais, bien mieux qu'un esclave, comme un frère bien-aimé » (Phm 10-16).
Les hommes qui, selon leur condition sociale, ont entre eux des relations de maîtres et d'esclaves, en tant que membres de l'unique Église, sont devenus frères et sœurs les uns des autres – c'est ainsi que les chrétiens se nomment les uns les autres. En vertu du Baptême, ils avaient été régénérés, ils s'étaient abreuvés du même Esprit et ils recevaient ensemble, côte à côte, le Corps du Seigneur. Même si les structures extérieures demeuraient identiques, cela changeait la société, de l'intérieur. Si la Lettre aux Hébreux dit que les chrétiens n'ont pas ici-bas une demeure stable, mais qu'ils cherchent la demeure future (cf. He 11, 13-16 ; Ph 3, 20), cela est tout autre qu'un simple renvoi à une perspective future : la société présente est considérée par les chrétiens comme une société imparfaite ; ils appartiennent à une société nouvelle, vers laquelle ils sont en chemin et qui, dans leur pèlerinage, est déjà anticipée.

5.
Nous devons ajouter encore un autre point de vue. La Première Lettre aux Corinthiens (1, 18-31) nous montre qu'une bonne part des premiers chrétiens appartenaient aux couches sociales basses et, précisément pour cela, étaient disposés à faire l'expérience de la nouvelle espérance, comme nous l'avons vu dans l'exemple de Bakhita. Cependant, depuis les origines, il y avait aussi des conversions dans les couches aristocratiques et cultivées, puisqu'elles vivaient, elles aussi, « sans espérance et sans Dieu dans le monde ». Le mythe avait perdu sa crédibilité ; la religion d'État romaine s'était sclérosée en un simple cérémonial, qui était exécuté scrupuleusement, mais qui était désormais réduit à une simple « religion politique ». Le rationalisme philosophique avait cantonné les dieux dans le champ de l'irréel. Le Divin était vu sous différentes formes dans les forces cosmiques, mais un Dieu que l'on puisse prier n'existait pas. Paul illustre de manière particulièrement appropriée la problématique essentielle de la religion d'alors, lorsqu'il oppose à la vie « selon le Christ » une vie sous la seigneurie des « éléments du cosmos » (cf. Col2, 8). Dans cette perspective, un texte de saint Grégoire de Nazianze peut être éclairant. Il dit que le moment où les mages, guidés par l'étoile, adorèrent le nouveau roi, le Christ, marqua la fin de l'astrologie, parce que désormais les étoiles tournaient selon l'orbite déterminée par le Christ. De fait, dans cette scène, est inversée la conception du monde d'alors qui, sous une forme différente, est en vogue encore aujourd'hui. Ce ne sont pas les éléments du cosmos, les lois de la matière qui, en définitive, gouvernent le monde et l'homme, mais c'est un Dieu personnel qui gouverne les étoiles, à savoir l'univers ; ce ne sont pas les lois de la matière et de l'évolution qui sont l'instance ultime, mais la raison, la volonté, l'amour – une Personne. Et si nous connaissons cette Personne et si elle nous connaît, alors vraiment l'inexorable pouvoir des éléments matériels n'est plus l'instance ultime ; alors nous ne sommes plus esclaves de l'univers et de ses lois, alors nous sommes libres. Dans l'antiquité, une telle conscience a déterminé les esprits sincères qui étaient en recherche. Le ciel n'est pas vide. La vie n'est pas un simple produit des lois et des causalités de la matière, mais, en tout, et en même temps au-dessus de tout, il y a une volonté personnelle, il y a un Esprit qui, en Jésus, s'est révélé comme Amour.



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2 mars 2009 1 02 /03 /mars /2009 21:59

Extrait de l’Encyclique Spe Salvi du Pape Benoît XVI, donnée le 30 novembre 2007.

1.
« SPE SALVI facti sumus » – dans l'espérance nous avons été sauvés, dit saint Paul aux Romains et à nous aussi (Rm 8, 24). Selon la foi chrétienne, la « rédemption », le Salut n'est pas un simple donné de fait. La rédemption nous est offerte en ce sens que nous a été donnée l'espérance, une espérance fiable, en vertu de laquelle nous pouvons affronter notre présent : le présent, même un présent pénible, peut être vécu et accepté s'il conduit vers un terme et si nous pouvons être sûrs de ce terme, si ce terme est si grand qu'il peut justifier les efforts du chemin. Maintenant, une question s'impose immédiatement : mais de quel genre d'espérance s'agit-il pour pouvoir justifier l'affirmation selon laquelle, à partir d'elle, et simplement parce qu'elle existe, nous sommes rachetés? Et de quel genre de certitude est-il question?

2.
(…) Paul rappelle aux Éphésiens que, avant leur rencontre avec le Christ, ils étaient « sans espérance et sans Dieu dans le monde » (cf. Ep 2, 12). Naturellement, il sait qu'ils avaient eu des dieux, qu'ils avaient eu une religion, mais leurs dieux s'étaient révélés discutables et, de leurs mythes contradictoires, n'émanait aucune espérance. Malgré les dieux, ils étaient « sans Dieu » et, par conséquent, ils se trouvaient dans un monde obscur, devant un avenir sombre. « In nihil ab nihilo quam cito recidimus » (Du néant dans le néant, combien rapidement nous retombons), dit une épitaphe de l'époque – paroles dans lesquelles apparaît sans ambiguïté ce à quoi Paul fait référence. C'est dans le même sens qu'il dit aux Thessaloniciens : vous ne devez pas être « abattus comme les autres, qui n'ont pas d'espérance » (1 Th 4, 13). Ici aussi, apparaît comme élément caractéristique des chrétiens le fait qu'ils ont un avenir : ce n'est pas qu'ils sachent dans les détails ce qui les attend, mais ils savent de manière générale que leur vie ne finit pas dans le néant. C'est seulement lorsque l'avenir est assuré en tant que réalité positive que le présent devient aussi vivable. Ainsi, nous pouvons maintenant dire : le christianisme n'était pas seulement une « bonne nouvelle » – la communication d'un contenu jusqu'à présent ignoré. Dans notre langage, nous dirions : le message chrétien n'était pas seulement « informatif », mais « performatif ». Cela signifie que l'Évangile n'est pas uniquement une communication d'éléments que l'on peut connaître, mais une communication qui produit des faits et qui change la vie. La porte obscure du temps, de l'avenir, a été ouverte toute grande. Celui qui a l'espérance vit différemment ; une vie nouvelle lui a déjà été donnée.

3. Maintenant se pose la question suivante : en quoi consiste cette espérance qui, comme espérance, est « rédemption »? En fait : le cœur même de la réponse est donné dans le passage de la Lettre aux Éphésiens cité précédemment : avant leur rencontre avec le Christ, les Éphésiens étaient sans espérance, parce qu'ils étaient « sans Dieu dans le monde ». Parvenir à la connaissance de Dieu, le vrai Dieu, cela signifie recevoir l'espérance. Pour nous qui vivons depuis toujours avec le concept chrétien de Dieu et qui nous y sommes habitués, la possession de l'espérance, qui provient de la rencontre réelle avec ce Dieu, n'est presque plus perceptible.

L'exemple d'une Sainte de notre temps peut en quelque manière nous aider à comprendre ce que signifie rencontrer ce Dieu, pour la première fois et réellement. Je pense à l'Africaine Joséphine Bakhita, canonisée par le Pape Jean-Paul II. Elle était née vers 1869 – elle ne savait pas elle-même la date exacte – dans le Darfour, au Soudan. À l'âge de neuf ans, elle fut enlevée par des trafiquants d'esclaves, battue jusqu'au sang et vendue cinq fois sur des marchés soudanais. En dernier lieu, comme esclave, elle se retrouva au service de la mère et de la femme d'un général, et elle fut chaque jour battue jusqu'au sang ; il en résulta qu'elle en garda pour toute sa vie 144 cicatrices. Enfin, en 1882, elle fut vendue à un marchand italien pour le consul italien Callisto Legnani qui, face à l'avancée des mahdistes, revint en Italie. Là, après avoir été jusqu'à ce moment la propriété de « maîtres » aussi terribles, Bakhita connut un « Maître » totalement différent – dans le dialecte vénitien, qu'elle avait alors appris, elle appelait « Paron » le Dieu vivant, le Dieu de Jésus Christ.

Jusqu'alors, elle n'avait connu que des maîtres qui la méprisaient et qui la maltraitaient, ou qui, dans le meilleur des cas, la considéraient comme une esclave utile. Cependant, à présent, elle entendait dire qu'il existait un « Paron » au-dessus de tous les maîtres, le Seigneur des seigneurs, et que ce Seigneur était bon, la bonté en personne. Elle apprit que ce Seigneur la connaissait, elle aussi, qu'il l'avait créée, elle aussi – plus encore qu'il l'aimait. Elle aussi était aimée, et précisément par le « Paron » suprême, face auquel tous les autres maîtres ne sont, eux-mêmes, que de misérables serviteurs. Elle était connue et aimée, et elle était attendue. Plus encore, ce Maître avait lui-même personnellement dû affronter le destin d'être battu et maintenant il l'attendait « à la droite de Dieu le Père ». Désormais, elle avait une « espérance » – non seulement la petite espérance de trouver des maîtres moins cruels, mais la grande espérance : je suis définitivement aimée et quel que soit ce qui m'arrive, je suis attendue par cet Amour. Et ainsi ma vie est bonne. Par la connaissance de cette espérance, elle était « rachetée », elle ne se sentait plus une esclave, mais une fille de Dieu libre. Elle comprenait ce que Paul entendait lorsqu'il rappelait aux Éphésiens qu'avant ils étaient sans espérance et sans Dieu dans le monde – sans espérance parce que sans Dieu.
Aussi, lorsqu'on voulut la renvoyer au Soudan, Bakhita refusa-t-elle ; elle n'était pas disposée à être de nouveau séparée de son « Paron ». Le 9 janvier 1890, elle fut baptisée et confirmée, et elle fit sa première communion des mains du Patriarche de Venise. Le 8 décembre 1896, à Vérone, elle prononça ses vœux dans la Congrégation des Sœurs canossiennes et, dès lors – en plus de ses travaux à la sacristie et à la porterie du couvent –, elle chercha surtout dans ses différents voyages en Italie à appeler à la mission : la libération qu'elle avait obtenue à travers la rencontre avec le Dieu de Jésus Christ, elle se sentait le devoir de l'étendre, elle devait la donner aussi aux autres, au plus grand nombre de personnes possible. L'espérance, qui était née pour elle et qui l'avait « rachetée », elle ne pouvait pas la garder pour elle ; cette espérance devait rejoindre beaucoup de personnes, elle devait rejoindre tout le monde.


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1 mars 2009 7 01 /03 /mars /2009 00:00

« ... mais toute Parole qui sort de la bouche de Dieu. » (Mt 4.4)

Cette vérité, que le Seigneur nous rappelle en ce début de Carême, est sans cesse à redécouvrir.

De même que notre corps a besoin de nourriture physique pour vivre, de même notre âme a-t-elle besoin de s’alimenter régulièrement de la Parole de Dieu pour croître et se développer.

Nous avons lu récemment sur ce Blog les catéchèses du Pape Benoît XVI sur Saint Jérôme. Saint Jérôme était un amoureux passionné des Saintes Ecritures ; il avait mis la Bible au centre de sa vie. Pourquoi ne le prendrions-nous pas en exemple en ce début de Carême ?

Un lecteur faisait remarquer que c’est le Christ que l'on doit mettre au centre de sa vie, non la Bible seule. Ce sur quoi Saint Jérôme lui aurait certainement répondu que quiconque n’a pas mis la Bible au centre de sa vie n’a pas mis non plus Jésus-Christ au centre de sa vie. Car, écrivait-il, « ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ ».

Mais comment lire les Ecritures ?

Une amie me faisait part récemment de son désarroi en face de la Bible. D’un côté, elle voudrait bien la connaître, la lire et s’en nourrir. Mais d’un autre côté, elle avouait ne pas trop savoir comment s’y prendre, et se décourager à la première tentative, devant l’ampleur de la tâche.

Je lui conseillais de lire l’Ecriture au fil des textes que la liturgie nous donne à méditer chaque jour, de telle manière qu’en deux ans, elle en ait parcouru l’essentiel – et cueilli la « substantifique moëlle ».

Mais une autre idée a germé : celle de créer une nouvelle catégorie « Bible » sur ce Blog – je crois que cela manquait. Et par ce moyen, constituer un groupe de réflexion biblique destiné à tous ceux qui souhaiteraient découvrir la Parole de Dieu sans trop savoir comment s’y prendre.

Je vous propose donc de découvrir la Bible à travers son premier livre : le
livre de la Genèse.

Et pour commencer, je vous invite à en lire
les 11 premiers chapitres, en notant tout ce qui vous passe par la tête : ce que vous comprenez, ne comprenez pas ; les questions qui vous viennent ; les passages qui vous touchent ; ceux qui vous éclairent ; etc.

Prenons le temps de faire ce travail - dans un esprit de prière -, et donnons-nous une dizaine de jours pour cela (à raison par exemple d'un chapitre par jour). Je crois important dans une première étape de lire simplement le texte, de nous en imprégner, de le méditer, de le digérer ; et de le laisser travailler en nous, car la Parole de Dieu n’est pas une parole comme les autres ; c’est une Parole vivante (He 4. 12) : il faut la laisser faire ; il faut se laisser faire.

Nous mettrons ensuite en commun le fruit de nos réflexions, en nous attachant dans un premier temps aux
trois premiers chapitres du livre de la Genèse, parmi les plus importants de toute la Bible - qui risquent de nous occuper un moment.

Êtes-vous partant pour ce « Biblique Globe Challenge » ?

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28 février 2009 6 28 /02 /février /2009 07:32
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27 février 2009 5 27 /02 /février /2009 00:00

Extrait du Message du Pape Benoît XVI pour la Journée Mondiale de la Paix, le 1er janvier 2008.

7.
La famille a besoin d'une maison, d'un milieu à sa mesure où puissent se tisser des relations entre ses membres. S'agissant de la famille humaine, cette maison c'est la Terre, le milieu que Dieu Créateur nous a donné pour que nous y habitions de manière créative et responsable. Nous devons avoir soin de l'environnement : il a été confié à l'homme pour qu'il le garde et le protège dans une liberté responsable, en ayant toujours en vue, comme critère d'appréciation, le bien de tous. L'être humain a évidemment une primauté de valeur sur toute la Création. Respecter l'environnement ne veut pas dire que l'on considère la nature matérielle ou animale comme plus importante que l'homme. Cela veut plutôt dire que l'individu ne peut la considérer de manière égoïste comme étant à l'entière disposition de ses propres intérêts, car les générations à venir ont aussi le droit de tirer bénéfices de la Création, exerçant à son égard, la même liberté responsable que nous revendiquons pour nous-mêmes.

Il ne faut pas non plus que les pauvres soient oubliés, eux qui, en bien des cas, sont exclus de la destination universelle des biens de la Création. De nos jours, l'humanité s'inquiète pour l'avenir de l'équilibre écologique. À cet égard, il convient que les évaluations se fassent avec prudence, dans un dialogue entre experts et sages, sans précipitations idéologiques vers des conclusions hâtives et surtout en recherchant ensemble un modèle de développement durable qui garantisse le bien-être de tous dans le respect des équilibres écologiques. Si la protection de l'environnement a des coûts, il faut qu'ils soient répartis de manière juste, en tenant compte des différences de développement des divers pays et de la solidarité avec les générations futures. Agir avec prudence ne signifie pas ne pas prendre en main ses responsabilités et renvoyer à plus tard les décisions ; cela veut plutôt dire s'engager à prendre ensemble ces décisions, non sans avoir au préalable examiné, de manière responsable, la voie à emprunter, dans le but de renforcer l'alliance entre l'être humain et l'environnement, qui doit être le miroir de l'amour créateur de Dieu, de qui nous venons et vers qui nous allons.

(...) 10. Alors [que l’humanité] connaît aujourd'hui une unité plus grande du fait de la mondialisation, la famille humaine a, elle aussi, besoin, en plus du fondement de valeurs communes, d'une économie qui puisse répondre vraiment aux exigences d'un bien commun de dimension planétaire. À cet égard, la référence à la famille naturelle se révèle aussi particulièrement significative. Il faut promouvoir des relations justes et sincères entre les individus et entre les peuples, afin que, sur un plan d'égalité et de justice, tous puissent être en mesure de collaborer. En même temps, il faut que l'on mette tout en œuvre pour assurer une sage utilisation des ressources et une distribution équitable des richesses. En particulier, les aides données aux pays pauvres doivent répondre à des critères d'une saine logique économique, en évitant les gaspillages qui, finalement, conduisent surtout au maintien d'appareils bureaucratiques coûteux. Il convient encore de ne pas perdre de vue l'exigence morale, de faire en sorte que l'organisation économique ne résulte pas uniquement des lois rigoureuses du gain immédiat, qui peuvent s'avérer inhumaines.

11.
Une famille vit en paix si tous ceux qui la composent se plient à une norme commune : cela permet de contrecarrer l'individualisme égoïste et de créer des liens entre chacun de ses membres, favorisant ainsi leur coexistence harmonieuse et leur collaboration dans un but commun. En soi évident, ce critère vaut aussi pour les communautés plus larges : allant du niveau local, national, jusqu'à la communauté internationale elle-même. Pour qu'il y ait la paix, il faut une loi commune, qui permette à la liberté d'être vraiment elle-même, et non pas un arbitraire aveugle, et qui protège le faible des abus du plus fort. Dans la famille des peuples, on observe de nombreux comportements arbitraires, que ce soit à l'intérieur des États ou dans les relations mutuelles entre les États. Il existe en outre bien des situations où le faible est obligé de s'incliner non pas devant les exigences de la justice mais devant la seule force de celui qui a plus de moyens que lui. Répétons-le : la force doit toujours être disciplinée par la loi et cela doit se vérifier aussi dans les relations entre États souverains.

12.
À bien des reprises, l'Église s'est prononcée sur la nature et la fonction de la loi : la norme juridique, qui régule les rapports entre les personnes, en disciplinant les comportements extérieurs et en prévoyant aussi des sanctions pour ceux qui transgressent ces dispositions, a comme critère la norme morale fondée sur la nature des choses. La raison humaine est en outre capable de la discerner au moins au niveau des exigences fondamentales, en remontant à la Raison créatrice de Dieu, qui est à l'origine de tout. Cette norme morale doit réguler les choix des consciences et orienter tous les comportements des êtres humains. Existe-t-il des normes juridiques pour les rapports entre les nations qui forment la famille humaine? Et, si elles existent, sont-elles efficaces? La réponse est oui, ces normes existent, mais pour qu'elles soient vraiment efficaces il faut remonter à la norme morale naturelle, fondement de la norme juridique, sinon cette dernière reste soumise à des consensus fragiles et éphémères.




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26 février 2009 4 26 /02 /février /2009 12:50

Extrait du Message du Pape Benoît XVI pour la Journée Mondiale de la Paix, le 1er janvier 2008.

1.
(…) La première forme de communion entre des personnes est celle que l'amour suscite entre un homme et une femme décidés à s'unir de façon stable pour construire ensemble une nouvelle famille. Mais les peuples de la terre sont aussi appelés à instaurer entre eux des relations de solidarité et de collaboration, comme il revient aux membres de l'unique famille humaine : « Tous les peuples — a déclaré le Concile Vatican IIforment ensemble une seule communauté, ont une seule origine, puisque Dieu a fait habiter tout le genre humain sur toute la surface de la terre (cf. Ac 17, 26), et ont une seule fin dernière, qui est Dieu ».

2.
La famille naturelle, en tant que profonde communion de vie et d'amour, fondée sur le mariage entre un homme et une femme, constitue le premier lieu d'humanisation de la personne et de la société, le berceau de la vie et de l'amour. Aussi, est-ce avec raison que la famille est qualifiée de première société naturelle, une institution divine qui constitue le fondement de la vie des personnes, comme le prototype de tout ordre social.

3.
En effet, dans une saine vie familiale, on fait l'expérience de certaines composantes fondamentales de la paix : la justice et l'amour entre frères et sœurs, la fonction d'autorité manifestée par les parents, le service affectueux envers les membres les plus faibles parce que petits, malades ou âgés, l'aide mutuelle devant les nécessités de la vie, la disponibilité à accueillir l'autre et, si nécessaire, à lui pardonner. C'est pourquoi, la famille est la première et irremplaçable éducatrice à la paix. Il n'est donc pas étonnant que la violence, si elle est perpétrée en famille, soit perçue comme particulièrement intolérable. Par conséquent, quand on affirme que la famille est la cellule première et vitale de la société, on dit quelque chose d'essentiel.

La famille est aussi un fondement de la société pour la raison suivante : parce qu'elle permet de faire des expériences déterminantes de paix. Il en découle que la communauté humaine ne peut se passer du service que la famille remplit. Où donc l'être humain en formation pourrait-il apprendre à goûter la « saveur » authentique de la paix mieux que dans le « nid » originel que la nature lui prépare? Le lexique familial est un lexique de paix ; c'est là qu'il est nécessaire de toujours puiser pour ne pas perdre l'usage du vocabulaire de la paix. Dans l'inflation des langages, la société ne peut pas perdre la référence à cette « grammaire » que tout enfant apprend des gestes et des regards de sa mère et de son père, avant même que de l'apprendre de leurs paroles.

4. Puisqu'elle a le devoir d'éduquer ses membres, la famille est détentrice de droits spécifiques. La Déclaration universelle des droits de l'homme elle-même, qui constitue un acquis de civilisation juridique de valeur vraiment universelle, affirme que « la famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État ». Pour sa part, le Saint-Siège a voulu reconnaître une dignité juridique spéciale à la famille en publiant la Charte des droits de la famille. Dans le Préambule on lit : « Les droits de la personne, bien qu'exprimés en tant que droits de l'individu, ont une dimension foncièrement sociale qui trouve dans la famille son expression innée et vitale ». Les droits énoncés dans la Charte sont une expression et une explicitation de la loi naturelle, inscrite dans le cœur de l'être humain et manifestée à lui par la raison. La négation ou même la restriction des droits de la famille, obscurcissant la vérité sur l'homme, menacent les fondements de la paix eux-mêmes.

5.
Par conséquent, celui qui, même inconsciemment, entrave l'institution familiale rend fragile la paix dans la communauté tout entière, nationale et internationale, parce qu'il affaiblit ce qui, de fait, est la principale « agence » de paix. C'est là un point qui mérite une réflexion particulière : tout ce qui contribue à affaiblir la famille fondée sur le mariage d'un homme et d'une femme, ce qui directement ou indirectement freine sa disponibilité à accueillir de manière responsable une nouvelle vie, ce qui entrave son droit à être la première responsable de l'éducation des enfants, constitue un obstacle objectif sur le chemin de la paix. La famille a besoin de logement, de travail et d'une juste reconnaissance de l'activité domestique des parents, de l'école pour les enfants, de l'assistance médicale de base pour tous. Quand la société et la politique ne s'engagent pas à aider la famille dans ces domaines, elles se privent d'une ressource essentielle au service de la paix. En particulier, les moyens de communication sociale, par les potentialités éducatives dont ils disposent, ont une responsabilité spéciale pour promouvoir le respect de la famille, pour illustrer ses attentes et ses droits, pour mettre en évidence sa beauté.

6. Pour vivre en paix, la communauté sociale est aussi appelée à s'inspirer des valeurs sur lesquelles se fonde la communauté familiale. Cela vaut pour les communautés locales comme pour les communautés nationales ; cela vaut plus encore pour la communauté des peuples elle-même, pour la famille humaine qui vit dans la maison commune qu'est la terre. Dans cette perspective cependant, on ne peut oublier que la famille naît du « oui » responsable et définitif d'un homme et d'une femme, et qu'elle vit du « oui » conscient des enfants qui viennent peu à peu en faire partie. Pour prospérer, la communauté familiale a besoin de l'accord généreux de tous ses membres. Il est nécessaire que cette conscience devienne aussi une conviction partagée par ceux qui sont appelés à former la commune famille humaine. Il faut savoir dire son propre « oui » à la vocation que Dieu a inscrite dans notre nature elle-même. Nous ne vivons pas les uns à côté des autres par hasard ; nous parcourons tous un même chemin comme hommes et donc comme frères et sœurs. Aussi est-il essentiel que chacun s'engage à vivre sa propre existence dans une attitude de responsabilité devant Dieu, reconnaissant en Lui la source originaire de sa propre existence comme de celle d'autrui. C'est en remontant à ce Principe suprême que peut être perçue la valeur inconditionnelle de tout être humain, et que peuvent être ainsi posées les conditions pour l'édification d'une humanité pacifiée. Sans ce Fondement transcendant, la société est seulement un conglomérat de voisins, non une communauté de frères et de sœurs, appelés à former une grande famille. 


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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 00:00

Extrait de l’Audience Générale du Pape Benoît XVI, le 6 février 2008.

Chers frères et sœurs,

Aujourd'hui, Mercredi des Cendres, nous reprenons, comme chaque année, le chemin quadragésimal, animés par un esprit plus intense de prière et de réflexion, de pénitence et de jeûne.
Nous entrons dans un temps liturgique "fort" qui, alors qu'il nous prépare à la célébration de la Pâque – cœur et centre de l'année liturgique et de notre existence tout entière – nous invite, et nous pourrions même dire nous incite, à donner une impulsion plus décidée à notre existence chrétienne.

Etant donné que les engagements, les soucis et les préoccupations nous font retomber dans l'habitude, nous exposent au risque d'oublier à quel point l'aventure à laquelle Jésus nous fait participer est extraordinaire, nous avons besoin, chaque jour, de commencer à nouveau notre itinéraire exigeant de vie évangélique, en rentrant en nous-mêmes à travers des pauses restauratrices de l'esprit. Avec l'antique rite de l'imposition des cendres, l'Eglise nous introduit dans le Carême comme dans une grande retraite spirituelle qui dure quarante jours.

Nous entrons donc dans le climat quadragésimal, qui nous aide à redécouvrir le don de la foi reçue avec le Baptême et nous pousse à recevoir le Sacrement de la Réconciliation, en plaçant notre engagement de conversion sous le signe de la miséricorde divine. Aux origines, dans l'Eglise primitive, le Carême était un temps privilégié pour la préparation des catéchumènes aux sacrements du Baptême et de l'Eucharistie, qui étaient célébrés pendant la Veillée pascale. Le Carême était considéré comme le temps du devenir chrétien, qui ne se réalisait pas en un seul moment, mais qui exigeait un long itinéraire de conversion et de renouvellement. Ceux qui étaient déjà baptisés s'unissaient également à cette préparation en se rappelant le souvenir du Sacrement reçu, et en se disposant à une communion renouvelée avec le Christ dans la célébration joyeuse de la Pâque. Ainsi, le Carême possédait, et possède encore, le caractère d'un itinéraire baptismal, au sens où il aide à garder éveillée la conscience que l'être chrétien se réalise toujours comme un nouveau devenir chrétien : ce n'est jamais une histoire terminée qui se trouve derrière nous, mais un chemin qui exige toujours une pratique nouvelle.

En imposant les cendres sur la tête, le célébrant dit : "Rappelle-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière" (cf. Gn 3, 19), ou bien il répète l'exhortation de Jésus : "Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle" (cf. Mc 1, 15). Ces deux formules constituent un rappel à la vérité de l'existence humaine : nous sommes des créatures limitées ; des pécheurs qui ont toujours besoin de pénitence et de conversion. Comme il est important d'écouter et d'accueillir cet appel à notre époque! Lorsqu'il proclame sa totale autonomie de Dieu, l'homme contemporain devient l'esclave de lui-même et il se retrouve souvent dans une solitude désespérée. L'invitation à la conversion est alors un élan à revenir entre les bras de Dieu, Père tendre et miséricordieux, à avoir confiance en Lui, à se remettre à Lui comme des enfants adoptifs, régénérés par son amour. Avec une sage pédagogie, l'Eglise répète que la conversion est tout d'abord une grâce, un don qui ouvre le cœur à l'infinie bonté de Dieu. Il devance lui-même par sa grâce notre désir de conversion et accompagne nos efforts vers la pleine adhésion à sa volonté salvifique. Se convertir signifie alors se laisser conquérir par Jésus (cf. Ph 3, 12) et "retourner" avec Lui au Père.

La conversion implique donc de se mettre humblement à l'école de Jésus et de marcher en suivant docilement ses traces. A ce propos, les paroles avec lesquelles Il indique lui-même les conditions pour devenir ses véritables disciples sont éclairantes. Après avoir affirmé que "celui qui veut sauver sa vie la perdra; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l'Evangile la sauvera", il ajoute "Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier s’il le paye de sa vie?" (Mc 8, 35-36). La conquête du succès, la soif de prestige et la recherche des facilités, lorsqu'elles envahissent totalement la vie jusqu'à exclure Dieu de son propre horizon, conduisent-elles véritablement au bonheur? Peut-il exister un bonheur authentique en dehors de Dieu? L'expérience démontre que l'on n'est pas heureux parce que l'on répond aux attentes et aux exigences matérielles. En réalité, la seule joie qui comble le cœur humain est celle qui vient de Dieu : nous avons en effet besoin de la joie infinie. Ni les préoccupations quotidiennes ni les difficultés de la vie ne réussissent à éteindre la joie qui naît de l'amitié avec Dieu. L'invitation de Jésus à prendre notre croix et à le suivre peut, dans un premier temps, apparaître dure et contraire à ce que nous voulons, mortifiante pour notre désir de réalisation personnelle. Mais en regardant de plus près nous pouvons découvrir qu'il n'en est pas ainsi : le témoignage des Saints démontre que dans la Croix du Christ, dans l'amour qui se donne, en renonçant à la possession de soi-même, se trouve cette profonde sérénité qui est source de généreux dévouement envers nos frères, en particulier les pauvres et les indigents. Et cela nous donne de la joie à nous aussi. Le chemin quadragésimal de conversion, que nous entreprenons aujourd'hui avec toute l'Eglise, devient donc l'occasion propice, "le moment favorable" (cf. 2 Co 6, 2) pour renouveler notre abandon filial entre les mains de Dieu et pour mettre en pratique ce que Jésus continue à nous répéter : "Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix, et qu'il e suive" (Mc 8, 34), et qu'il avance ainsi sur la route de l'amour et du bonheur véritable (…).

Bon Carême à tous!


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