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17 février 2008 7 17 /02 /février /2008 13:22

Cher Miky,

Nous avons vu dans mes trois précédents articles (1, 2 et 3) que pour réfuter la démonstration rationnelle de l'existence de Dieu, tu t’efforces dans un premier temps d’affirmer que les questions métaphysiques ne se posent pas, et qu’il est vain de chercher à expliquer ce qui est explicable sur le plan scientifique. Seul est digne d’intérêt selon toi, et seul pose question à notre raison humaine ce qui demeure scientifiquement inexpliqué ; seul mérite examen sérieux et étude approfondie ce qui constitue une énigme sur le plan scientifique, un défi aux connaissances du moment. Mais
« ce qui est régulier, prévisible, normal, habituel, naturel, commun, ordinaire, etc. (…) n’a généralement pas besoin d’être expliqué ».

Exit donc la question de l’univers !
« Dans le cas des miracles et des expériences religieuses au moins, expliques-tu en effet (tu cites aussi le cas des OVNI), on peut assez facilement [s’interroger sur leur raison d’être]. Car (…) ces phénomènes se définissent par contraste (flagrant !) avec le cours naturel des événements. Ces derniers vont donc fournir le cadre de la normalité à partir duquel miracles et expériences religieuses pourront être définis dans leur anormalité. Mais en est-il de même concernant l’univers dans sa totalité et dans toutes ses parties ? De quels critères disposons-nous pour affirmer que normalement, l’univers devrait être tel ou tel et non pas comme il est ? Notre univers est le seul que nous connaissons. Qu’il ait bien les propriétés qu’il a n’est donc pas forcément étonnant, objectivement parlant. »

Nous avons vu dans notre précédent article que le questionnement métaphysique a précisément pour objet ce qui est normal, le monde réel qui nous entoure et dont nous faisons l’expérience ; la remise en question de ce que nous tenons habituellement pour acquis. C’est ce que rappelait également Ti'Hamo dans un commentaire récent :
« les premières questions métaphysiques qui viennent à l'enfant sont "pourquoi j'existe?" et non pas "pourquoi cette soucoupe volante?", et dans l'histoire de l'humanité les premiers philosophes dont nous ayons trace se posaient des questions sur la vie, le monde, les gens, les actes et les pensées, qu'ils voyaient et expérimentaient au quotidien. (…) Le socle premier de la philosophie, de la réflexion, voire la seule vraie réflexion valable, c'est celle qui se pose des questions sur le monde qui nous entoure, le monde "normal" et quotidien, des fondements, sa nature. D'ailleurs se poser des questions au sujet d'apparitions de la Vierge ou de soucoupes volantes, ça n'est pas de la philosophie, ça n'est pas de la métaphysique à proprement parler, ce sont des enquêtes. (…) La philosophie, la réflexion première, prend appuie sur les réalités concrètes, expérimentables, atteignables par la raison, et se pose des questions à leur endroit. Les questions les plus fondamentales se posent sur l'humain, sur l'univers, sur le mouvement et la perennité, sur les planètes et sur la poussière. Pas sur les apparitions ni sur les soucoupes volantes. »

Mais maintenant, à supposer même que tu aies raison, Miky, à savoir qu’il n’est d’interrogation légitime que pour des phénomènes « bizarres » ou « étranges », qui heurtent notre sens commun et notre conception de la normalité, de l’ordre des choses, il reste à définir si oui ou non notre Univers peut être lui-même considéré comme allant de soi…
L’enjeu est d’importance, car dire que l’Univers va de soi, qu’il est évident et qu’il n’y a pas lieu de s’en étonner, c’est considérer finalement que l’univers est l’Être en soi. La propriété essentielle de l’Être étant… d’être, l’univers ne peut pas ne pas être (puisque l’être ne peut pas ne pas être) ; de même, puisqu’il est l'Être dans sa totalité, le seul Être, s'interroger sur ces caractéristiques n'a pas beaucoup de sens : il est ce qu’il est devenu, voilà tout ; cela n’a rien d’étonnant, objectivement parlant. Il aurait certes pu évoluer différemment, mais voilà : il a évolué comme ça. C’est ainsi ! C'est le hasard ! Il faut simplement en prendre acte. Dans cette conception, l’univers existe par lui-même, et son existence ne pose pas de question métaphysique particulière, puisqu’il est ontologiquement suffisant ; ou dit autrement : l’univers est l’Être absolu, qui ne dépend de rien ni de personne pour exister. Il existe et évolue par lui-même, c’est tout, et c’est comme ça. Il n’y a pas de quoi en faire un fromage…

Reste à savoir maintenant si cette conception d'un Univers auto-suffisant est compatible avec ce que nous savons aujourd'hui sur le plan scientifique…

Les sciences positives ont fait au siècle passé des découvertes tout à fait étonnantes qui bouleversent considérablement notre représentation classique de l’Univers (même si le grand public n’en a pas encore, semble-t-il, assimilé toutes les données, ni mesuré véritablement toutes les implications…)

Nous savons ainsi aujourd’hui que l’univers dans lequel nous vivons n’a pas toujours existé ; qu’il a eu un commencement, que l’on désigne communément par l’expression « Big Bang ». Et nous savons aussi que depuis ce Big Bang primordial, l’univers est en expansion ; que les galaxies s’éloignent les unes des autres à des vitesses vertigineuses… (Pour mesurer la portée de ces découvertes, il faut se rappeler qu’il y a un siècle tout juste, nous ignorions encore l’existence de galaxies extérieures à la nôtre…). Ce phénomène d'expansion de l'univers est comparable à la dilatation d’un gaz ou d’une bouffée de fumée, dans laquelle toutes les particules s’éloignent simultanément les unes des autres. En 1928, l’unanimité du mouvement de fuite des galaxies ainsi que leur loi étaient établies.

Notre univers a donc commencé. Et il croît (du verbe « croître » !) ! Il n’est pas éternel et statique comme on l’a longtemps cru, mais tout au contraire fini (dans le temps et dans l’espace) et dynamique (évolutif). Nous savons qu’il a un âge : 13,7 milliards d’années selon les dernières analyses des données recueillies par le satellite WMAP en février 2003 ; que toutes les étoiles et toutes les planètes dans l’univers ont un âge. Depuis 1938, nous savons que l’énergie d’une étoile provient d’une transmutation d’hydrogène en hélium ; et qu’au terme de cette transmutation, lorsque tout l’hydrogène de l’étoile s’est converti en hélium, l’astre s’éteint. C’est le calcul de la proportion d’hydrogène et d’hélium dans une étoile qui nous permet d’en déterminer l’âge précis.

Autre découverte d’importance : nous savons aujourd’hui que plus l’on remonte haut dans l’histoire de l’univers, plus la matière s’amenuise, se simplifie ; que la matière la plus simple, la plus élémentaire, est aussi la plus ancienne. A l’origine du Big Bang, il n’existait ainsi que l’hydrogène et l’hélium. Les noyaux lourds tels que le fer ou le calcium sont apparus progressivement par l’effet de réactions thermonucléaires à l’intérieur des étoiles. Et la matière complexe, parvenue au niveau moléculaire, est apparue encore plus récemment, il y a environ 3 milliards d’années, sur les planètes. C’est uniquement sur les planètes que peut se poursuivre la complexification de la matière en structures moléculaires et macromoléculaires (dans les étoiles, ces structures hautement complexes seraient dissociées et détruites, à cause des températures).

Enfin, nous savons que l’expansion de l’univers ne durera pas éternellement, mais qu'elle achèvera un jour sa course ; que toutes les étoiles existantes ou à venir épuiseront inéluctablement les unes après les autres leur combustible ; que les étoiles existantes ou à venir seront toutes éteintes dans 1014 années ; que les galaxies auront terminé leur évaporation et disparaîtront dans 1020 années ; que tous les protons se seront désintégrés dans 1080 années, et que les trous noirs auront perdu toute leur masse par évaporation dans 10100 années ; que la matière aura ainsi rendue l’âme, et avec elle, l’espace-temps issu du Big Bang… ; que l’aventure de la matière et de la vie sera alors bel et bien terminée.

Comment ne pas être violemment interrogé par cet Univers dont les caractéristiques ne collent en rien avec ce que nous présupposions de son être (l’immuabilité, la stabilité, l’éternité) ?
En moins d’un siècle, nous avons assisté à un spectaculaire renversement cosmologique (que certains auteurs qualifient de véritable « révolution », au même titre que la « révolution copernico-galiléenne » ou la « révolution newtonnienne »). Nous ne sommes plus aujourd’hui dans un cosmos tel qu'Aristote le concevait, échappant à la genèse, à la durée, à la dégradation, à la naissance et au vieillissement : en ce début de XXIe siècle, la croyance séculaire en un univers éternel et stationnaire ne se justifie scientifiquement par aucun fait réel concrètement expérimentable. Tout ce que nous savons désormais nous entraîne au contraire vers la conception d'un univers en constant développement depuis sa naissance selon un processus d'évolution unique et irréversible qui s'achèvera un jour dans la désintégration et l'évaporation. L’hypothèse de la réversibilité, évoquée par certains – dernier recours possible pour sauvegarder l’éternité de l’univers – n’est nullement démontrée. La charge de la preuve incombe à ceux qui s’y accrochent désespérément. Car ce que la science nous enseigne aujourd’hui, c’est que toutes les structures physiques dans l’Univers réel s’usent et se dégradent de manière irréversible ; que les étoiles transforment leur stock d’hydrogène en hélium d’une manière irréversible et qu’il n’y a pas de processus inverse ; que l’Univers est un système physique dans lequel toutes les compositions physiques s’usent, vieillissent et se dégradent d’une manière irréversible ; qu’il est de surcroît un système dans lequel la matière se complexifie sans cesse (et de manière accélérée !), puisque de l’hydrogène et l’hélium, seules matières existantes à l’époque du Big Bang, l’univers a évolué en 13 « petits » milliards d’années jusqu’au cerveau de l’homme, avec ses 100 milliards de cellules nerveuses et leurs milliards de milliards d’interconnexions !

Avouons quand même que tout cela a de quoi nous donner le tournis

Dès lors : comment oser affirmer que l’univers ne pose pas question quand toutes les découvertes scientifiques du XXe siècles plaident en faveur de son « étrangeté » (pour reprendre l’expression de Georges Lemaître), de son inévidence et de son caractère irréductiblement mystérieux…

L’univers a commencé dans un Big Bang
 : et cela ne poserait aucune question à la raison humaine ? Mais d’où peut donc provenir ce microscopique point de lumière dans lequel toute la masse et l’énergie de l’univers étaient concentrés dans une température inimaginable ? Du néant ? Mais le néant ne peut rien produire ! Il est stérile, par définition. De la matière ? Mais elle n’existait pas, par définition, puisque c’est le Big Bang qui en est à l’origine ! Alors, d’où vient ce phénomène, s’il ne peut s’expliquer ni par un surgissement soudain du néant (qui est stérile), ni par une production spontanée de la matière (qui n’existait pas) ? Et comment oser dire en tout cas après cela que l’univers n’est pas « étonnant, objectivement parlant » ?

L’univers se développe selon un processus de complexité croissante
 : et cela ne poserait aucune question à la raison humaine ? Mais comment rendre compte de ce processus-là ? La matière pré-existante suffit-elle vraiment à elle seule à expliquer l’apparition d’êtres nouveaux plus riches en information qu’elle-même ? Comment expliquer que du « moins » puisse jaillir sans cesse du « plus » ? Toi  Miky qui es tant attaché aux enseignements de l’expérience courante, n’es-tu pas frappé par ce phénomène ? Celui-ci n’interpelle-t-il pas ta raison ? Comment oser dire en tout cas après cela que l’univers n’est pas « étonnant, objectivement parlant » ?

L’univers un jour cessera d’exister et sera totalement désintégré
 : Bref, notre univers qui a surgi d’on ne sait où ni on ne sait pourquoi, va retourner dans son néant originel. C’est un évènement qui paraît certes lointain à notre échelle humaine et donc un peu irréel, mais qui est absolument inéluctable et programmé. L’espace-temps dans lequel nous vivons et qui est issu du Big Bang va disparaître irrémédiablement. Et cela ne poserait aucune question à la raison humaine ? Mais si l’univers vient du néant et retourne au néant de manière irréversible, comment ne pas s’interroger sur ce qui a bien pu se passer pour que l’univers sorte ainsi du néant, et se mette subitement en mouvement, pour entrer dans un cycle unique et irréversible de « naissance-croissance-mort » (typique de l’être contingent) ? Comment oser dire en tout cas après cela que l’univers n’est pas « étonnant, objectivement parlant » ?

Quant à la structure mathématique de l'Univers
dont je n’ai pas parlé ici, ne crois-tu pas qu’elle pose question elle aussi ? L’existence de l’ordre dans l’Univers ne suscite chez toi aucune interrogation ? (et je t’épargne ici la question du « réglage fin » de l’univers qui montre que celui-ci est idéalement adapté – et ceci dans les moindres détails ! – à l’apparition de la vie sur la terre et à l’apparition d’un être fondé sur le carbone capable de penser et de se livrer à la recherche scientifique).
Il est en tous les cas une question de Ti’Hamo à laquelle tu n’as jamais répondu (et c’est bien dommage). Je me permets de te la rappeler. Ti’Hamo réagissait à l’une de tes considérations, selon laquelle « il n'est pas légitime de supposer quelque chose de plus que ce que l'expérience nous dévoile. » (manière de dire qu’il n’est pas légitime d’inférer de la simple observation de l’univers l’existence de Dieu puisque celle-ci n’est pas vérifiable par l’expérience). Fort bien, répliquait Ti’Hamo : « Mais dans ce cas, dans notre expérience quotidienne, vérifiable, qu'est-ce qui te permets de supposer (voire d'affirmer) que le hasard pur crée de l'ordre ? Je ne sais pas dans quel univers tu vis, mais ce n'est pas l'expérience courante dans l'univers d'où nous te parlons. »

Nous verrons dans un prochain article pourquoi l’existence de Dieu est la seule réponse authentiquement rationnelle aux questions posées par l’existence de l’univers. Et nous verrons a contrario pourquoi les options alternatives qui nous sont proposées sont en définitive irrationnelles. Nous appliquerons pour ce faire la méthodologie que tu retiens dans ton article, et verrons combien ton raisonnement, purifié de ses présupposés, conduit irréfutablement à la démonstration de l’existence de Dieu (ou comment démontrer l’existence de Dieu à partir d’un album de Kraftwerk perdu en pleine Amazonie…)

(à suivre…)

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27 janvier 2008 7 27 /01 /janvier /2008 15:04

Cher Miky,

Lorsque j’affirme que l'existence de Dieu peut être démontrée de manière certaine à partir de l’observation de l’univers au moyen d’une réflexion métaphysique, intellectuelle, rationnelle, qui explore le donné de la Création pour en inférer toutes les implications métaphysiques, tu m’opposes un article fleuve en trois parties dont le premier effort consiste à affirmer que j’ai tort de me poser la question de l’existence de l’univers, puisque cette question ne se pose pas ! Si la question ne se pose pas, alors en effet, toute ma démonstration tombe d’elle-même. Car chercher une solution à un problème qui ne se pose pas est une démarche qui n’a en soi rien de rationnel, et dont les résultats ne peuvent être qu’incertains voire fantaisistes… On n’enfonce pas des portes ouvertes.

Si maintenant l’on suppose que contrairement à ce que tu prétends, l’existence de l’univers pose problème à la raison humaine, alors du coup, c’est ta démonstration qui s’en trouve considérablement affaiblie, car elle repose tout entier (dans ton article) sur la prémisse selon laquelle l’univers ne pose à notre raison humaine aucune autre question que celles qui sont posées par les sciences positives. Si l’univers ne pose pas question, ou si toutes les questions posées par l’univers sont uniquement d’ordre physiques et non métaphysiques, alors toutes les énigmes non résolues observées à ce jour dans notre monde physique ne peuvent avoir leur explication ultime que dans la Nature elle-même : les OVNI, les maux de gorge, les vols par effraction (ce dont personne ne doute, pas même les croyants), mais aussi… les prétendus miracles et apparitions. Car il n’y a aucune raison de penser qu’il puisse y avoir une autre cause à cela. On peut le croire si l’on veut. Mais on n’a aucune bonne raison d’y croire, puisque le monde physique est la seule réalité connaissable par la raison.

Dans un commentaire récent, tu as tenu à préciser que la suffisance de l’univers n’était pas le pivôt de ta démonstration. Dont acte. Mais note bien que je n’ai jamais dit qu’il en s’agissait du « pivôt » ; j’ai dit qu’il en s’agissait de la « prémisse », du présupposé de départ. Et que toute la démonstration de ton article en découle (relis-le, si tu en doutes). Ce n’est peut-être pas le fond de la pensée, Miky, mais c’est le fond de ton article, et c’est à ton article que je réponds. Quoiqu’il en soit, ma réponse n’est pas si anachronique que cela, puisque tu m’écrivais encore dernièrement :
« j'ose espérer qu'à aucun moment dans ta démarche tu ne vas t'étonner au sujet des caractéristiques de l'univers... (car un étonnement impliquerait que tu prennes en considération ces satanées hypothèses a priori contrefactuelles dont tu n'as cure, selon tes propos...). » Hypothèses qui, je le rappelle à mes lecteurs, sont celles de l’inexistence de l’univers ou de l’existence d’un univers autre que le nôtre. Autrement dit pour toi, l’univers ne pose question que dans la mesure où l’on s’interroge a priori sur le point de savoir s’il aurait pu ne pas exister, ou s’il aurait pu exister autrement qu’il n’est. Il ne pose pas de question en lui-même, indépendamment de cela… Et pourquoi donc ? Parce que « ce qui est régulier, prévisible, normal, habituel, naturel, commun, ordinaire, etc. (…) n’a généralement pas besoin d’être expliqué. » Tel est ton leïtmoitiv, ton Crédo.

« Dans le cas des miracles et des expériences religieuses au moins, on peut assez facilement
[s’interroger]. Car en effet, ces phénomènes se définissent par contraste (flagrant !) avec le cours naturel des événements. Ces derniers vont donc fournir le cadre de la normalité à partir duquel miracles et expériences religieuses pourront être définis dans leur anormalité. Mais en est-il de même concernant l’univers dans sa totalité et dans toutes ses parties ? De quels critères disposons-nous pour affirmer que normalement, l’univers devrait être tel ou tel et non pas comme il est ? Notre univers est le seul que nous connaissons. Qu’il ait bien les propriétés qu’il a n’est donc pas forcément étonnant, objectivement parlant. »

D’où ton postulat de départ selon lequel q (q = le problème de départ devant faire l’objet de l’analyse rationnelle que tu appelles l’IME)
« doit être un fait qui sort de la normale, et requiert par conséquent une explication ». Car « on voit mal l’intérêt d’expliquer ce que toutes les théories prévoient » ; autrement dit : de faire de la métaphysique... La seule chose qui t’interroge, Miky, ce sont des questions d’ordre scientifiques. Pour toi, ce qui est scientifiquement expliqué ne pose plus de problème ; c’est une affaire classée, une énigme résolue. L’esprit peut se satisfaire de l’explication fournie, il peut s’en contenter ; cela lui suffit. Ce qui, seul, pose véritablement difficulté à la raison humaine, c’est ce qui n’est pas (encore) expliqué par la science.

Mais c’est ne pas tenir compte des limites de la démarche scientifique ! (limites intrinsèques à la science, et que la science s’impose à elle-même !) Et c’est considérer à l’instar des positivistes scientistes du XIXe siècle qu’il n’y a de connaissance valable que scientifique ; que celle-ci fournit à l’esprit humain une connaissance suffisante de la réalité ; et qu’en dehors de la connaissance scientifique, il n’y a pas de démarche rationnelle légitime, parce qu’il n’y a pas de question à se poser.

L’existence de l’univers pose-t-elle question à notre humaine raison ?
Dans ton article, tu réponds clairement NON. Eh bien moi, vois-tu, je réponds OUI, pour trois raisons : OUI, parce que l’homme se pose la question depuis la nuit des temps, et qu’il est dans sa nature de se la poser. OUI aussi, parce que de fait, elle nous est posée par un courant métaphysique issu de la tradition judéo-hébraïque (auquel il faut bien répondre). OUI enfin, parce que nous verrons dans un article ultérieur que l’univers physique, surtout depuis les grandes découvertes du siècle dernier, est en réalité moins « évident » qu’il n’y paraît...

Tout d’abord, l’homme, depuis la nuit des temps, s’interroge. Il s’interroge sur lui-même, sur le cosmos qui l’entoure, sur la Nature dans laquelle il vit, sur le sens de l’existence et sur l’au-delà. C’est dans sa nature même de se poser des questions, non seulement sur ce qui lui apparaît « anormal » au regard des critères de normalité qu’il a établi à partir de son expérience des choses, mais aussi sur le sens de ce qu’il vit habituellement et qui lui apparaît normal : pourquoi je vis, pourquoi je meurs ? Pourquoi je souffre ? Pourquoi cet univers ? Pourquoi l’amour ? Tout cela a-t-il un sens, ou bien rien n’a-t-il de sens ? Voilà bien des questions qui échappent à l’investigation scientifique mais qui se posent quand même à la raison humaine. Des questions que la science ne peut pas poser (par méthode : elle cesserait alors d’être science), mais auxquelles la raison humaine ne peut se dérober, puisque qu’il y va de la vie même de l’homme, de son existence sur la terre, tant il est vrai que l’on ne peut vivre de la même manière selon qu’il y a un Dieu ou qu’il n’y en a pas. Ces questions sont donc fondamentales pour l’homme ; elles sont existentielles, puisque sa vie personnelle toute entière se trouve engagée par la réponse qu’il voudra bien y apporter ; elles sont incontournables, parce que de leur résolution dépendent des choix de vie très concret dans l'existence quotidienne.

Pour défendre l’idée selon laquelle les questions métaphysiques ne se posent pas à l’esprit humain, tu prends l’exemple du coup de marteau sur les doigts. On sait, écris-tu, que se donner un coup de marteau sur les doigts provoque de la douleur. On le sait par expérience et par induction. Il n'y a donc pas lieu de se poser de questions particulières à ce sujet. De questions selon toi, il n’y aurait lieu de s’en poser que dans le cas très improbable où après t’être donné un coup de marteau sur les doigts, tu n’aurais ressentis aucune douleur.
« C’est là que cela aurait été étonnant, que je me serais posé la question « pourquoi ? », et que j’aurais passé en revue diverses hypothèses à la recherche de celle qui me fournirait la « meilleure explication ». » Le fait même d’éprouver de la douleur à la suite d’un coup de marteau sur les doigts ne pose pour toi aucun problème, dès lors que l'on connaît le mécanisme physique de la douleur. Pourtant, quoi que tu en dises Miky, ce fait même pose question à la raison humaine. La question de la douleur, de la souffrance interroge l’humanité depuis la nuit des temps, et de fait, depuis que l’homme est homme, il se pose la question de sa condition souffrante sur la terre : « pourquoi je souffre ? », « pourquoi je ressens de la douleur ? », « pourquoi je vais mourir un jour ? », « pourquoi le mal physique ? ». Non pas : « pourquoi je ne souffre pas lors même que je devrais souffrir ? » Mais bien plutôt : « Pourquoi je souffre ? » (comme si, au fond, l’homme pressentait intuitivement qu’il n’est pas fait pour la souffrance, que la souffrance n’est pas chose « normale » pour lui, qu’il est appelé à autre chose…). Que tu le veuilles ou non Miky, ces questions existent, elles se posent à chacun de nous, et la raison humaine se les pose depuis la nuit des temps. Il est donc un peu facile de chercher à les escamoter en affirmant contre toute évidence qu’elles ne se posent pas. L’humanité, elle, se les pose.

Je prends un autre exemple tiré de ton article. Ces fameux « critères de type A » ou critères de simplicité, d’unité et de cohérence. Evoquant la démarche de Copernic ayant présidée à la découverte de l’héliocentrisme, tu indiques qu’elle
« se basait sur un postulat indémontrable et qui pourrait être faux : la nature va au plus simple, au plus cohérent, au plus unitaire. Si ce principe n’est pas scientifique au sens strict, il faut reconnaître son caractère grandement intuitif. Il est un élément du réalisme scientifique. Et sur lui repose aussi l’affirmation de concepts non-empiriques comme : les forces, les quarks, etc. D’autres principes sont parfois utilisés pour choisir une théorie parmi plusieurs théories rivales : des critères esthétiques d’harmonie, de proportion et d’élégance, et même parfois des critères éthiques de maximalisation du bien dans l’univers… ».

Ces critères de type A, tu t’en sers surtout dans ton article pour déconsidérer
« des réalités surnaturelles, comme par exemple Dieu » (appelées, dans ton langage imagé et poétique, « critères de type B »), jugeant les premiers plus fondamentaux, plus indispensables, plus utiles à la recherche scientifique, plus contraignant même sur les données empiriques, plus intuitifs et consensuels que les seconds, et vérifiables de surcroît par l’expérience à la différence des seconds. Mais à aucun moment tu ne t’interroges sur la raison d’être de ces critères de type A ! La question se pose pourtant irrésistiblement à la raison humaine : d’où vient en effet qu’il y ait des principes « indémontrables » au « caractère grandement intuitif », ayant un « caractère contraignant sur les données empiriques » au point de devenir un « élément du réalisme scientifique » ? Curieusement, tu ne te poses pas la question. Car sans doute pour toi, la question ne se pose pas. Cela fait sans doute partie de ce qui est « régulier, prévisible, normal, habituel, naturel, commun, ordinaire » et qui n'a pas besoin d’explication. Pourtant la question se pose, objectivement parlant. Et de fait, l’homme se la pose depuis la nuit des temps. Depuis que l’homme est homme, il s’interroge sur ces principes transcendants qui régissent l’univers, sur cet ordre extraordinaire qui règne dans l’immensité du cosmos et dont il perçoit avec fascination la grandeur et la beauté ; il constate, émerveillé, dans la Nature, l’existence de lois – qu’il découvre ! – et de rouages intelligibles et complexes – ultra-complexes même, infiniment plus que ce qu’il parvient lui-même à élaborer avec son cerveau pourtant hyper-sophistiqué. Ce qui faisait dire au grand physicien Albert Einstein que « ce qu’il y a de plus incompréhensible dans l’Univers, c’est qu’il soit compréhensible. »

Il n’est donc pas juste d’affirmer que la réalité objective ordinaire ne pose pas question. Tu ne te la poses sans doute pas, Miky. Mais l’homme, lui, se la pose ; il se l’est toujours posée et il continuera toujours de se la poser. Parce qu’il est dans sa nature même de se la poser. L'homme est par essence un être métaphysique. Comme l’écrivait Mgr André-Mutien Léonard, évêque de Namur : « L’homme fait de la métaphysique – et il en fera toujours – parce qu’il est un animal métaphysique, parce qu’il est de la métaphysique en chair et en os. En effet, en tant qu’esprit, l’homme est essentiellement méta-physique, il est, très littéralement, « un être qui transgresse la nature ». N’est-il pas, comme l’a si bien vu Pascal, le roseau pensant, plus précieux que l’univers entier, car, quand bien même l’univers l’écraserait, l’homme le saurait tandis que l’univers lui-même en demeurerait ignorant ? » (« Les raisons de croire », Communio Fayard, 1987, p. 53).

L’homme est un être métaphysique, qui fait tout le temps de la métaphysique comme Jourdain faisait de la prose. Ainsi par exemple, quand il s’exprime par le langage, l’homme transforme du son (naturel) en sens (spirituel), surélevant ainsi les bruits physiques produits par sa gorge au niveau de la signification spirituelle et transcendante, cela, par l’action de son intelligence. Te rends-tu compte Miky que le fait même de parler est un acte métaphysique !
« Quel miracle quotidien que cette assomption de pauvres sons dans l’univers prestigieux du sens, du logos ! ».

L’homme ne peut donc pas ne pas faire de la métaphysique, c'est-à-dire s’interroger sur le réel objectif dont il a l’expérience courante.
Car il est fait POUR s’interroger sur l’être. Il est comme programmé pour cela. Par suite, renoncer à l’interrogation métaphysique reviendrait à mutiler l’homme de ce qu’il a de plus précieux en lui, je dirais même : de ce qu'il a de plus humain. Car comme l’écrivait récemment le Cardinal Christoph Schönborn dans un excellent petit ouvrage,
« la spécificité de l’homme [par rapport à l’animal] est sa « capacité d’objectivisation », c’est-à-dire son aptitude à dépasser des intérêts et de besoins vitaux, de se percevoir soi-même, de percevoir les autres en tant qu’eux-mêmes [de percevoir, ajouterais-je, l’univers qui l’environne en tant que tel]. Je ne fais pas qu’éprouver des sentiments ou des sensations, je suis aussi capable de prendre du recul, de les considérer « objectivement », de les « travailler ». Je ne suis pas englouti dans notre monde, je peux le transformer, le critiquer, et réfléchir sur [lui].

« Les chimpanzés et les humains ont le même génome,
poursuit l’archevêque de Vienne, mais aucun chimpanzé ne s’intéresse jamais à son génome. Son univers s’arrête à sa banane, à ses besoins, à sa tribu. L’homme, lui, fait des recherches sur son génome, et sur celui du chimpanzé. Il peut s’intéresser à sa parenté avec le chimpanzé, et l’étudier. Il a même la liberté de nier sa différence avec le chimpanzé. Cela, il ne le peut que parce qu’il est doté d’un esprit. Il est un être d’esprit, de Raison et de volonté ».

Il est donc erroné de croire que les seules questions qui se posent à l’esprit humain sont d’ordre physiques. Certes, ces questions se posent aussi et doivent être posées. Et l’on peut espérer trouver des réponses naturelles à ces questions. Mais il faut prendre un peu de recul. Si la science travaille sur un donné qui est le réel objectif, l’univers physique, jamais elle ne s’interroge sur l’existence même de ce donné – qui est pourtant l’objet de toutes ses attentions. Jamais elle ne se demande pourquoi ce donné existe, et pourquoi il existe tel qu’il est. Et elle a bien raison, cela dit, de ne pas se poser la question! Car ce n’est pas son rôle de se la poser. Son rôle est d’analyser le donné existant, point barre. En aucun cas, il ne lui revient de se demander pourquoi ce donné existe comme il existe. Cela ne signifie pas pour autant que la question ne se pose pas dans l’absolu. Cela signifie simplement qu’elle doit être prise en charge par une autre discipline rationnelle : celle-là même qu’on appelle la métaphysique (ou philosophie). L’interrogation métaphysique est d’autant plus légitime que la science n’a pas réponse à tout, et que l’homme n’est pas seulement un scientifique : il est aussi une personne qui vit, qui fait des choix, qui agit ; et qui agit selon sa raison. Il est donc inévitable pour lui de se poser la question du sens de ce qui existe, puisque s’y trouve impliquée la question même du sens de sa vie. Si l’homme veut pouvoir orienter sa vie selon les préceptes de sa raison (ainsi que le commande sa propre nature), il doit résoudre au préalable les questions qui se posent à elle et qui ne sont pas résolues (ni même traitées) par la science. Qu’on le veuille ou non, la question métaphysique de l’être de l’univers s’impose à l’esprit humain qui se trouve ainsi sommé de lui trouver une réponse : celle-là même qui satisfera le mieux sa nature de créature raisonnable.

La légitimité du questionnement sur l’univers étant dorénavant établie, il est temps maintenant d’entrer dans le vif du débat…

(à suivre…)

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23 janvier 2008 3 23 /01 /janvier /2008 00:00

Editorial de la feuille d’annonce hebdomadaire de la Paroisse Saint Léon à Paris (15e), parue ce dimanche 20 janvier 2008.

 

 

Rainer Maria Rilke écrivait, en 1898 : « Dieu est la plus ancienne oeuvre d’art. Il est très mal conservé. » On travaille avec acharnement, dans la plupart des pays occidentaux à la conservation et à la restauration du patrimoine. Il n’en était pas ainsi, en France, pour cette « oeuvre d’art » dont parlait Rilke, puisque le mot Dieu avait été évincé du discours public au profit de celui de religions, ou valeurs ou aspirations ou croyances. C’est pourquoi les dernières interventions du Chef de l’État ont provoqué tant de réactions : pour l’intelligentsia médiatico-parisienne, il s’agit d’un manque d’éducation, ou d’une intolérable intrusion dans la conscience individuelle, ou du signe d’une dérive totalitaire, ou même, pour certains de ces nouveaux clercs, plus qu’un crime, d’une faute.

 

Et cela est bien singulier pour un observateur. Il y a, de la part de ces directeurs auto-proclamés de la conscience publique, une incroyable sensibilité à ce mot : « Dieu ». On peut comprendre que ceux qui ont travaillé à extirper Dieu de leur vocabulaire, de leur (mauvaise) conscience, de leurs références, de leurs choix, de leur vie et de la culture ne veuillent pas voir revenir par la fenêtre celui qu’ils ont chassé par la porte. Mais de deux choses l’une : soit Dieu n’existe pas, et alors il faut entendre qu’ils ont une hypersensibilité à ce qui n’existe pas, et ça se soigne ; soit Dieu existe, et alors ils s’érigent en maîtres du discours, et ça se soigne aussi.

 

C’est une façon de dire aussi que notre monde franco-français est bien malade. Mais c’est aussi pour nous l’occasion de nous ressaisir d’un travail nécessaire : la question de Dieu, la question de l’existence de Dieu, doit être posée à tout homme, car il en va de l’intelligence humaine, de son étendue, de son aptitude à saisir le réel, de sa capacité à rendre compte de ce qui existe, de la légitimité de sa prétention à gouverner le monde. Car le Dieu dont nous parlons, ce n’est pas un dieu de la mythologie qui n’est bien souvent que la personnification d’une passion humaine. Le Dieu dont nous parlons, c’est le seul être nécessaire qui rend compte des êtres contingents, c’est l’infini qui contient le fini, c’est le Créateur Intelligent qui donne l’existence à un univers intelligible. Si lui n’existe pas, alors rien ne peut exister, car du néant rien ne peut sortir ; si tout était contingent (c’est-à-dire non nécessaire), alors rien ne pourrait exister ; si à l’origine de tout le réel il n’y avait pas un Créateur, alors rien ne recevrait l’existence ; si ce Créateur n’était pas intelligence, alors tout ne serait que chaos et l’esprit humain ne pourrait saisir cet ordre universel qui lui permet de formuler des lois, de reconnaître des régularités, de rendre compte d’une rationalité dans les choses.

 

Ce Dieu perçu par la raison, c’est lui qui s’est révélé en plénitude en Jésus. Nous en sommes tous témoins.

 

 

Père Olivier Rolland
Vicaire
© Paroisse Saint Léon

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20 janvier 2008 7 20 /01 /janvier /2008 18:05

Cher Miky,

Dans mon précédent article, je t’annonçais le début de ma réponse à tes trois articles sur l’
"Inférence à la meilleure explication... ou à l'explication favorite?", dans lesquels tu t’efforçais de réfuter l’idée – défendue sur ce Blog – qu’il soit possible d’inférer certainement de l’observation de l’univers physique l’existence de Dieu.

J’annonçais en particulier des « surprises » à l’examen critique de ton article... Je rappelle à mes lecteurs que cet article, publié l’été dernier sur ton Blog, passe dans ton esprit – comme dans celui de certains de mes lecteurs – comme la réponse décisive aux arguments de la théologie naturelle ; comme un texte apportant une « foule de contre-arguments » qui, sur un plan rationnel, tiendraient mieux la route que les miens ; comme l’ultima ratio de l'agnosticisme épistémologique dont tu te fais le héraut et que tu présentes volontiers comme la « philosophie qui ressort vainqueur » de l’histoire de la pensée.

Alors, qu’en est-il donc de ce fameux article ? Quid de ces arguments massues censés mettre un point final au débat entre nous, et devant lesquels je n’aurais plus qu’à m’incliner, « ne serait-ce que [pour] mettre un peu d'eau dans [mon] vin, un peu de nuances dans [mes] certitudes » ? Comment t’y es-tu donc pris pour démontrer qu’il n’est pas possible d’inférer avec certitude l’existence de Dieu de la simple observation de l’univers ?

Eh bien… et c’est la première surprise… pour contredire la réponse que j’apporte au problème posé par l’existence de l’univers (à savoir : Dieu), tu vas objecter que… le problème en réalité n’en est pas un et que la question ne se pose pas ! Autrement dit, tu n’opposes pas directement à mes propos de « contre-arguments » à proprement parler (ces fameux « contre-arguments » invoqués par certains lecteurs, et que l’on s’attendait à trouver dans ton article) ; tu te contentes simplement d’affirmer – au moins implicitement – que mes propos n’ont pas lieu d’être, puisque la question à laquelle je m’efforce de répondre ne se pose pas ; que le problème auquel je cherche à trouver une solution n’existe pas !

La véritable question qui se pose à l’homme selon toi, la seule véritable question, que tu appelles q, « est une proposition correspondant à un état du monde constatable mais (au moins provisoirement) inexpliqué (selon les standards scientifiques). Il peut s’agir de quelque chose de véritablement étonnant, ou simplement d’inhabituel, qui dévie un tant soit peu du cours naturel et normal des choses (…). En revanche, ajoutes-tu, ce qui est régulier, prévisible, normal, habituel, naturel, commun, ordinaire, etc. n’est pas le genre de chose où l’IME intervient en général, car ce qui est ainsi n’a généralement pas besoin d’être expliqué. »

L’IME, que tu présentes comme
« le principal cheval de bataille des tenants de la théologie naturelle », ne peut donc s’appliquer, selon toi, à l’univers, puisque l’univers ne pose pas de problème en soi. L’IME, en toute rigueur, ne peut s’employer qu’à résoudre de vrais problèmes se posant à l’esprit humain, tels qu’« un témoignage d’apparition de la Vierge Marie ou une observation d’OVNI », ou même « un simple mal de gorge dont on cherche la cause (il peut y en avoir plusieurs possibles : grippe, coryza, égosillement, etc.) ou un vol par effraction dont on cherche l’auteur (il peut y avoir plusieurs suspects et mobiles potentiels) ». Pourvu que ce soit quelque chose qui sorte de l’ordinaire, et dont on n’a pas d’explication au regard de « ce qui est régulier, prévisible, normal, habituel, naturel, commun, ordinaire » dans notre expérience des choses.

« Je me donne un coup de marteau sur les doigts, j’éprouve de la douleur. Le lien entre les deux est évident. Je sais, par induction, que se donner un coup sur les doigts fait mal. Je m’attends donc à ce que ce coup me fasse mal. Si en revanche, après m’être donné un coup de marteau sur les doigts je n’avais ressenti aucune douleur, c’est là que cela aurait été étonnant, que je me serais posé la question « pourquoi ? », et que j’aurais passé en revue diverses hypothèses à la recherche de celle qui me fournirait la « meilleure explication. »

La première équation que tu poses, Miky, est donc celle-ci : pour chercher une « meilleure explication » à un problème donné, encore faut-il que le problème se pose ! « q doit être un fait qui sort de la normale, et requiert par conséquent une explication ». C’est là ton postulat de départ. A tout problème, il existe une « meilleure explication », selon la méthode que tu définies. Mais encore faut-il qu’il y ait un problème à résoudre, car s’il n’y a pas de problème, il n’y a évidemment pas de solution à rechercher !

Or, la question de l’existence de l’univers, nous dis-tu, est un faux problème ; une question qui ne se pose pas, et qui par conséquent n’appelle aucune solution. « Dans le cas des miracles et des expériences religieuses au moins, on peut assez facilement [légitimer le recours à l’IME]. Car en effet, ces phénomènes se définissent par contraste (flagrant !) avec le cours naturel des événements. Ces derniers vont donc fournir le cadre de la normalité à partir duquel miracles et expériences religieuses pourront être définis dans leur anormalité. Mais en est-il de même concernant l’univers dans sa totalité et dans toutes ses parties ? De quels critères disposons-nous pour affirmer que normalement, l’univers devrait être tel ou tel et non pas comme il est ? Notre univers est le seul que nous connaissons. Qu’il ait bien les propriétés qu’il a n’est donc pas forcément étonnant, objectivement parlant. »

En d’autres termes, tu ne reproches pas aux
« tenants de la théologie naturelle » l’emploi de l’IME. La méthode en tant que telle est même plutôt bonne, à te lire. Non, tu leur reproches simplement d’appliquer l’IME à un problème qui ne se pose pas : à savoir, l’existence de l’univers. Et pourquoi le problème ne se pose pas ? Parce que notre univers est la seule réalité que nous connaissions… Si l’univers est, et s’il est ce qu’il est comme il est, eh bien c’est comme ça ! Ce n’est pas un problème en soi, ce n’est pas étonnant objectivement parlant. Il n’est pas étonnant en effet que l’être soit, puisque l’être ne peut pas ne pas être. L’être est, un point, c’est tout ! Et s’il est ce qu’il est comme il est, eh bien c’est comme ça ! Il faut simplement en prendre acte. Il est vain et illusoire en tous les cas de vouloir chercher à tout prix une explication à ce qui n’en a pas…

« Les phénomènes à expliquer doivent être improbables
a priori, martelles-tu, c’est-à-dire en fonction des connaissances disponibles (ex. : une pluie de grenouilles). Car on voit mal l’intérêt d’expliquer ce que toutes les théories prévoient. » Or, que nous enseignent les « connaissances disponibles », sinon que l’univers existe tel qu’il existe ? Et que prévoient les « théories », si ce ne sont les règles de fonctionnement d’un univers qui se développe très bien tout seul, merci, sans l’aide de personne !

Puisque l’existence de l’univers ne pose pas de problème en soi, il n’y a évidemment pas à rechercher l’existence de Dieu, ni d’une quelconque autre Cause à cet univers qui ne peut pas avoir d’autre Cause que lui-même (puisque l’être ne peut pas ne pas être). Et puisque notre univers est, et que l’être ne peut pas ne pas être, Dieu n’est absolument pas nécessaire ; seul l’univers connaissable, lui, est nécessaire (puisqu’il existe, et qu’il ne peut pas ne pas être). C’est donc lui et lui seul qui nous fournit le cadre de référence nécessaire à toute notre réflexion sur les questions posées par les phénomènes anormaux constatés dans ce monde physique. Toutes les explications à toutes nos questions (nos vraies questions : les maux de gorge, les vols par effraction, les OVNI… toutes ces grandes questions métaphysiques…) seront nécessairement à rechercher en lui (l’univers physique) – et non ailleurs. Parce que seule compte la réalité réelle, et non la solution hypothétique à un problème hypothétique. Toutes les énigmes non encore élucidées sur cette terre trouveront nécessairement leur explication ultime dans la Nature. Parce qu'elle est la seule réalité nécessaire et connaissable.

Le problème, vois-tu cher Miky, c’est que nous sommes là typiquement en présence d’un présupposé – dont je conteste pour ma part le bien-fondé –, et d’un présupposé particulièrement nocif parce qu’il fausse irrésistiblement toute la suite de ton raisonnement ! Pourquoi ? Parce que si tu évinces d’emblée le problème de l’existence de l’univers, alors tu évinces en même temps la solution à ce problème qui est l’existence de Dieu. Et si tu évinces d’emblée l’existence de Dieu, alors il ne te restera plus en effet que Mère Nature et notre monde physique comme principes explicatifs rationnels aux phénomènes encore inexpliqués de notre monde.

C’est ce que tu écris du reste dans ton second article :
« Puisque [Dieu, écris-tu] transcende par définition le monde sensible, les données et théories générales dont nous disposons pour décrire ce monde sensible ne peuvent servir à lui affecter une probabilité a priori d’existence. Il est pourtant essentiel de connaître cette probabilité a priori de l’existence de Dieu, afin de la comparer avec la probabilité a priori des phénomènes anormaux qui se manifestent de temps en temps dans notre monde sensible, pour pouvoir inférer l’existence de Dieu comme meilleure explication de ces phénomènes anormaux (…). Dieu étant par définition transcendant, nous ne disposons pas de points de repères sur lesquels s’appuyer pour calculer valablement sa probabilité a priori d’existence. Il en découle que l’on ne peut calculer sa probabilité d’existence a posteriori, par une inférence à la meilleure explication basée sur l’observation des phénomènes anormaux que sont les miracles ou les expériences religieuses par exemple. » On ne saurait être plus clair : puisque nous n’avons, dis-tu, aucun moyen de connaître a priori l’existence de Dieu (et pour cause ! tu as décidé a priori que la question ne se posait pas), la conséquence logique est qu’il n’est pas possible a posteriori d’en inférer l’existence pour expliquer les phénomènes anormaux observés dans ce monde.

Oh, certes, diras-tu : on pourra toujours supposer l’existence de Dieu (ou d’un dieu) pour résoudre telle ou telle difficulté, ou pour boucher les trous d’une connaissance scientifique encore lacunaire, loin d’avoir percé tous les mystères de la nature ; mais en privant par avance l’existence de Dieu de son assise rationnelle la plus solide, à savoir l’existence de l’univers, tu réduis Dieu à l’état de simple hypothèse en laquelle il n’est plus possible de croire qu’en vertu d’un acte de pure foi aveugle, ou d’un pari un peu insensé. Il n’est dès lors pas étonnant qu’en face d’un univers bien réel et existant, l’hypothèse « Dieu » ne te paraisse guère peser plus de poids que celle de l’existence d’une « licorne rose » ou d’un « monstre de spaghettis volants ». Mais comprends bien Miky qu'il s'agit là du résultat non d’une rigoureuse démonstration rationnelle de ta part, mais d’un préjugé qui imprègne toute ta pensée et qui, sournoisement, en influence le cours dans un certain sens.

Il est amusant Miky de noter qu’au fond, tu pratiques exactement – mais à l’envers – la méthode des théologiens naturels. Tu reproches à ceux-ci d'avoir pour présupposé l'existence de Dieu. Tu considères en effet que si l’on place Dieu au début du raisonnement, on le trouvera naturellement à la fin. Mais ce n’est pas alors, dis-tu, la démonstration qui conduira à la conclusion de l’existence de Dieu : c’est le présupposé. Eh bien symétriquement : si tu poses comme postulat de départ que l’univers ne pose pas de problème (et que Dieu n’est pas sa solution), alors fatalement : à l’arrivée de tous tes raisonnements, tu ne trouveras pas Dieu (sauf acte de pure foi aveugle, dénuée de toute raison : un saut dans le vide…) Mais ce n’est pas ta démonstration qui aboutira à ce résultat : c’est ton présupposé. Ou comme tu le dis si bien :
« je vois l’IME, lorsqu’il s’agit d’évaluer des hypothèses métaphysiques, bien plus comme un moyen de renforcer une croyance préalable, que comme un moyen de trouver la vérité. Il y a bien une certaine rationalité dans ce cheminement, mais elle est secondaire, elle vient après la croyance, pour la confirmer, et non en amont pour la fonder. » Ce que tu omets de préciser dans ton article, cher Miky, c’est que ce raisonnement, que tu appliques volontiers aux affreux « tenants de la théologie naturelle », s’applique très bien à toi aussi, ainsi que je viens de le démontrer…

Notre univers est-il suffisant ? Peut-il rendre compte à lui tout seul de sa propre existence ? Est-il aussi nécessaire et évident que tu le penses et professes, cher Miky, ou bien au contraire pose-t-il aujourd’hui de graves questions à notre raison humaine ? Bref, le préjugé qui sous-tend toute ta démonstration est-elle exempte de critique ? Ton présupposé – qui est le point de départ de toute ta réflexion – est-il légitime et justifié ? C’est ce qu’il convient maintenant d’établir.

Nous verrons dans un prochain article pourquoi la question de l’existence de l’univers se pose à nous d’une manière absolument incontournable, et dans des articles ultérieurs pourquoi l’existence de Dieu est sa meilleure solution – sa solution la plus rationnelle. Nous tâcherons de démontrer qu’il est possible d’établir certainement l’existence de Dieu à partir d’une réflexion philosophique sur l’univers. Nous nous livrerons pour cela à un exercice, non de théologie naturelle, mais de métaphysique première : cette métaphysique qui n’a d’autre présupposé que l’existence de l’univers et la réalité du monde observable, et qui cherche à explorer le réel pour en tirer toute les implications philosophiques, au-delà (par définition) de ce qui est empiriquement attestable, selon la méthode chère à Aristote et – plus près de nous – Henri Bergson.

(à suivre…)

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13 janvier 2008 7 13 /01 /janvier /2008 16:40

Cher Miky,

Je voudrais commencer à répondre – enfin ! – à ta série de trois (longs) articles publiés cet été sur ton Blog, sous le titre "Inférence à la meilleure explication... ou à l'explication favorite?"


Je dis « commencer », parce que ma réponse risque d’être un peu longue, et que le format du Blog se prête davantage à des articles de dimension modérée qu’à de longs développements de type universitaire. Il me faudra donc étaler ma réponse dans le temps. Je ne puis te dire encore combien de posts me seront nécessaires pour te répondre entièrement : j’en vois au moins quatre... Mais qu’importe, après tout ! Nous avons l’éternité devant nous...

Je répondrais à ton article en sa première version, tel que tu l’as publié sur Metazet en trois parties les 15 et 16 juillet 2007, et non en sa version longue (pour des raisons techniques, je n’ai pu en prendre connaissance, malgré ma commande : ce n’est pas grave, mais cela me laisse quand même un peu sur ma faim…). Cela dit, la version courte est déjà bien assez « musclée » comme cela ; il faut prendre le temps de la lire – stylo et stabilo en main ! –, d’y réfléchir, puis de la digérer… C’est ce que j’ai fait, et tu vois : cela m’a pris six mois ! Je serais bien curieux de savoir si tes lecteurs (ou les miens) sont nombreux à avoir lu ce texte, et à l’avoir compris. Avoue qu’il n'est pas facile d’accès pour le vulgus peccum !

Pour ma part, malgré l’aridité de la démonstration, j’y ai trouvé des éléments intéressants qui vont, disais-je alors en commentaire de ton deuxième article, « nous permettre d'avancer dans le débat » (Commentaire n°1). Je pense en effet qu’au terme de ma réponse, nous serons mieux fixé l’un et l’autre sur nos positions respectives, ainsi que sur la manière de poser les problèmes et d’y répondre.

Je rappelle à mes lecteurs le contexte de cette disputatio. A la base de notre discussion, il y a cette pensée, qui est comme le fil conducteur de toute ma réflexion sur ce Blog, et que j’exprimais ainsi dans mon dernier article sur l'Epiphanie de Dieu dans la Création :
« Tout homme peut avoir connaissance de l’existence de Dieu à partir de ses seules facultés naturelles, sans l’aide de la Révélation ni grâce particulière du Saint Esprit, à partir de l’observation de l’œuvre de la Création et d’une réflexion sur l’Univers physique et la Nature qui nous environne. » L’existence de l’univers et ses caractéristiques intrinsèques suffisent, selon moi, à démontrer de façon convaincante et de manière certaine l’existence de Dieu. « Nul besoin de la foi pour croire en l’existence de Dieu : l’activité de la seule intelligence suffit », ajoutais-je encore.

Or, cette idée est précisément celle que tu contestes de toutes tes forces, et dont tu t’emploies avec énergie - et talent! - à démontrer l’inanité sur ton Blog et dans les commentaires que tu laisses ici-même à mes articles. Pour toi, il n’existe pas de preuves de l’existence de Dieu, en tous les cas aucune qui soit suffisamment contraignante pour mériter l’appellation de « preuve » et permettre à l’homme de fonder une vraie certitude, une certitude rationnelle, au sujet de l’existence de Dieu. La seule manière pour l’homme de savoir si Dieu existe serait donc, selon toi, que Dieu se manifeste directement à lui (et encore ! cela ne serait une preuve que pour la personne « visitée », la grande subjectivité de l’expérience ne permettant pas d’en généraliser l’enseignement à tous). Mais en dehors de ce cas de figure, la raison, penses-tu, est impuissante par elle-même à communiquer la moindre certitude quant à l’existence de Dieu. Si le contraire était vrai, écris-tu, cela se saurait, et le monde entier croirait. Si le monde ne croit pas, c’est que ces prétendues preuves n’en sont pas, et qu’elles ne peuvent satisfaire dans le meilleur des cas que ceux qui ont déjà pour elles un préjugé favorable. (Ai-je bien résumé ta pensée ?)

Il est intéressant de noter – pour bien sérier le débat – que notre opposition ne porte pas d’abord, malgré les apparences, sur la question de l’existence de Dieu. Tu n’affirmes pas en effet que Dieu n’existe pas. Tu n’exclues pas absolument qu’il puisse exister (encore que s’il existe, tu réfutes absolument et en tout état de cause le Dieu chrétien : de ce Dieu là, en effet, tu te revendiques résolument athée…) ; tu dis simplement qu’on ne peut pas savoir si Dieu existe ou pas. Quand j’affirme que la raison humaine est capable par elle-même et à elle seule de connaître avec certitude l’existence de Dieu, tu répliques en écho… que la raison humaine est incapable par elle-même et à elle seule de connaître avec certitude l’existence de Dieu. Notre opposition sur ce point est donc frontale. Mais notre divergence n’est pas d’ordre religieux. Elle est d’ordre métaphysique. Car ce n’est pas la religion que tu contestes en réalité (chacun est libre de croire ce qu’il veut, diras-tu), mais la prétention qu’a la métaphysique d’apporter de vraies réponses – sur lesquelles fonder de vraies certitudes – aux grandes questions qui se posent à la raison humaine. Je vais donc me faire ici l’avocat non de la Religion, mais de la Métaphysique que tu rejettes en même temps que tu t’en revendiques (tu as ainsi classifié ton Blog dans la Catégorie « Métaphysique », ce qui est pour moi un non-sens...). J’espère pouvoir trouver dans cette discussion quelques alliés au-delà des frontières de la religion. J’invite en particulier tous ceux qui croient en la capacité de la Raison humaine à connaître la Vérité de manière certaine à ne pas hésiter à intervenir, à un moment ou à un autre, dans ce débat.

Ce qui est en jeu dans notre dispute, disais-je, ce n’est pas d’abord la question de l’existence de Dieu ; c’est celle de savoir si l’intelligence humaine est capable ou non de trancher cette question, de résoudre ce problème de manière définitive et certaine. Cette question est première, avant toute réflexion sur l’existence de Dieu. Car si la réponse est négative (on ne peut pas savoir avec certitude), alors la discussion s’arrêtera là : on ne pourra aller plus loin. On pourra croire si l’on veut, mais il faudra pour cela poser un acte de foi aveugle, avec une chance sur deux (au moins) de se tromper. C’est la position de Miky. Si la réponse en revanche est positive (on peut savoir avec certitude), il sera alors possible de trancher en considérant les arguments des deux « camps » opposés : on pourra résoudre la difficulté au moyen d'un raisonnement intelligent, avec 99 chances sur 100 de ne pas se tromper (mettons un risque d’erreur à 1 % pour ne pas froisser les susceptibilités…). C’est ma position à moi.

Dans un article consacré à la question de savoir si l'on pouvait se fier au raisonnement métaphysique pour trancher de manière définitive et certaine la question de l'existence de Dieu, tu m’as répondu par tes trois articles au format Blog, soit un grand article divisé en trois parties, celui-là même auquel je souhaiterais répondre maintenant.

Cet article a pour toi, manifestement, une grande portée. Il n’y a qu’à lire le commentaire scandalisé que tu faisais à mon dernier texte sur l'Epiphanie (commentaire n°2) :
« Avec tout le mal que je me suis donné dans mon dernier article de plusieurs dizaines de pages sur l'abduction (sans parler des heures passées à réfléchir, rechercher, écrire, depuis deux ans), je suis un peu déconcerté que tu trouves encore le moyen d'affirmer avec tout l'aplomb du monde qu'il suffit de réfléchir sur l'univers pour croire en l'existence de Dieu... Tu en es encore là ? Je désespère :-( Que te faut-il donc comme preuves supplémentaires pour ne serait-ce que mettre un peu d'eau dans ton vin, un peu de nuances dans tes certitudes ? »

Il paraît évident, à te lire, que tu considères ton article comme apportant une contribution décisive à notre débat, comme un point final à notre discussion. Je n’aurais plus qu’à en tirer sagement les conclusions, à « mettre de l’eau dans mon vin », et à cesser d’affirmer
« avec tout l'aplomb du monde qu'il suffit de réfléchir sur l'univers pour croire en l'existence de Dieu ».

Cet article semble aussi avoir marqué le Pasteur Eric George, qui m'écrivait récemment (commentaires n°4 et suivants) :
« il me semble que Micky vous a proposé une foule de contre-arguments qui sur un plan rationnel tiennent la route mieux que les votres... »

Bigre, me voilà cerné… L’étau se resserre… Si la « foule » des contre-arguments de Miky reçoit de surcroît une caution chrétienne, me voilà « fait »… ou défait, selon le cas... Je n’ai plus qu’à fermer boutique, à prendre ma canne à pêche… en espérant que là, peut-être, au milieu des petits poissons, je perdrai un peu moins mon temps qu'ici, devant mon ordinateur...

Plus sérieusement, nous allons regarder d’un peu plus près de quoi il retourne. Qu’y a-t-il donc, Miky, dans ton article de si décisif, de si incontournable, de si imparable ? Qu’est-ce qui légitime dans ce texte ton intuition d’avoir dorénavant « quelques longueurs d’avance » sur les partisans de la théologie naturelle ? Quels sont ces fameux contre-arguments (cette "foule" de contre-arguments...) qui, sur le plan rationnel et selon le Pasteur Eric George, tiennent mieux la route que les miens - mais dont personne au passage n’est capable, bien étrangement, d’énoncer le contenu quand j’en fais la demande...

Je sais bien que les articles de Miky peuvent avoir un petit côté impressionnant, en raison de la très grande complexité du raisonnement et de la haute technicité des concepts employés (abduction, IME, critères de type A... ; des équations dans tous les sens...). On se dit sans doute inconsciemment que si c’est si compliqué, c’est que ça doit être vrai... Mais il va nous falloir aller au-delà des premières impressions et nous affranchir de toute appréhension pour aller au fond du débat. Et vous allez voir que nous allons avoir des surprises…

(à suivre…)

 

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16 décembre 2007 7 16 /12 /décembre /2007 00:00


Cher Christophe,

Après avoir tenté de te démontrer qu’il existe de bonnes raisons de croire en l'existence de Dieu, et en la vérité du monothéisme, du christianisme et du
catholicisme, il reste un sérieux obstacle à la foi en l’Eglise catholique, que tu ne manqueras pas de m’opposer : c’est la présence de pécheurs en son sein.

« On juge l’arbre à ses fruits, n’est-ce pas ? Eh bien cher Matthieu, quand on regarde l’Eglise, il y a vraiment de quoi se poser des questions ! Même à supposer que tu ais intellectuellement raison sur tous tes développements antérieurs, il me semble que tout se casse la figure à la seule évocation du mal dans l’Eglise, qui est une réalité que tu ne peux pas nier. Que ce soit l’égoïsme, la dureté de cœur, ou le fanatisme agressif manifesté par certains prêtres, religieux ou chrétiens de mon entourage ; que ce soit l'hypocrisie de leur attitude qui les conduit souvent à se trouver en contradiction flagrante avec les beaux principes moraux dont ils se prévalent par ailleurs ("faites-ce que je dis, mais pas ce que je fais!") ; que ce soit aussi l’aveuglement dont l’Eglise a fait preuve de par le passé dans son Histoire, avec les Croisades, l’Inquisition, l’affaire Galilée, ou les silences du Pape Pie XII durant la Seconde Guerre Mondiale,… le moins que l’on puisse dire, c’est que ton Eglise ne se distingue guère du reste du monde par sa « vertu »… Je pourrais donc, à la limite, croire en Jésus-Christ, oui, parce que selon toi, il est Dieu. Mais vraiment pas – désolé ! – dans l’Eglise catholique, parce qu’elle est trop humaine pour être divine ou sainte, ainsi que ses fidèles le prétendent, contre toute évidence… »

Outre qu’il faille se départir de jugements par trop hâtifs sur l’histoire de l’Eglise et du monde, dont la réalité est souvent bien plus complexe et nuancée qu’il n’y paraît, pour moi, la meilleure preuve que l’Eglise catholique est bien l’Eglise de Dieu, actuellement gouvernée par Jésus-Christ et conduite par l’Esprit Saint, c’est précisément qu’il n’y a plus aujourd’hui de Croisades, d’Inquisition, ou d’opposition bornée aux grandes découvertes de la science. L’Eglise, qui est une réalité organique, vivante, évolue et grandit en sainteté. Elle a ainsi sans doute plus fière allure aujourd’hui qu’au XIXe siècle, au XVIe siècle ou au Moyen-Âge. Et c’est dans le dynamisme même de cette croissance spirituelle que l’on peut discerner, je crois, l’oeuvre admirable de l’Esprit Saint.


Les catholiques peuvent être fiers de ce qu’est devenue aujourd’hui leur Eglise, et particulièrement de leurs derniers Papes : que l’on songe à Jean XXIII, Paul VI, ou Jean-Paul II, pour ne citer qu’eux. Les funérailles de ce dernier
ont d’ailleurs été à cet égard un sommet dans l’Histoire de l’Eglise, un moment unique où a pu se manifester au grand jour, sous le regard des caméras de télévision du monde entier, la vocation universelle de l’Eglise catholique à rassembler tous les hommes dans la Paix, par-delà les clivages politiques, raciaux, économiques ou religieux, qui déchirent habituellement l’humanité. Ceux qui rêvent d’une Religion mondiale qui transcende toutes les religions humaines, et qui rassemble tous les hommes dans une fraternité universelle de paix et d’amour, ceux-là peuvent se réjouir : cette religion existe, c’est la religion catholique !

Alors bien sûr, tout n’est pas parfait dans l'Eglise – loin s’en faut ! Si, dans la confession de notre foi, nous affirmons que l’Eglise est sainte, nous reconnaissons aussi qu’elle est composée de pécheurs, qu'elle est la sainte assemblée des pécheurs. Comme l’affirme le Décret sur l’œcuménisme du Concile Vatican II : « Bien que l’Eglise catholique ait été enrichie de la vérité révélée par Dieu ainsi que de tous les moyens de grâces, néanmoins ses membres n’en vivent pas avec toute la ferveur qui conviendrait (…). Il en résulte que le visage de l’Eglise resplendit moins aux yeux de nos frères séparés, ainsi que du monde entier, et la croissance du Royaume de Dieu est entravée ».

Les chrétiens, tous les chrétiens, leurs ministres y compris, doivent donc se regarder comme pécheurs. Car « si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous » écrit l’Apôtre Jean dans sa Première lettre (1 Jn 1. 8). « En tous, dit encore le Catéchisme de l’Eglise Catholique, l’ivraie du péché se trouve encore mêlée au bon grain de l’Evangile jusqu’à la fin des temps. » (§ 827).

L’Eglise catholique n’est donc pas sainte en raison de la perfection morale de ses membres, mais parce qu’elle est le lieu où les hommes pécheurs obtiennent de Dieu, par le sang précieux du Christ - « saint, innocent et sans tâche » - diffusé en chaque âme par la grâce des sacrements, le don de leur sanctification : la rémission de leur péché, et l’effusion du Saint Esprit qui les transforme peu à peu à l'image du Fils Unique de Dieu. « L’Eglise rassemble donc des pécheurs saisis par le salut du Christ, mais toujours en voie de sanctification » et toujours appelés à se purifier, et à poursuivre leurs efforts de pénitence et de renouvellement pour faire grandir en eux l’amour (cf. Lumen Gentium, 8).


Faut-il se lamenter de la trop grande imperfection des membres de l'Eglise? Sans aucun doute. Car le péché de ceux qui se prétendent chrétiens reste pour le monde un contre-témoignage permanant et accablant. Combien d’hommes et de femmes se sont ainsi éloignés de l’Eglise en raison d’une blessure profonde causée, qui par un prêtre, qui par des parents à l’éducation trop rigide, qui par un fidèle indélicat ?

En même temps, que l’Eglise terrestre soit encore traversée par le péché et affrontée au mystère du mal est peut être aussi, paradoxalement, notre plus grande… « chance ». Car cela signifie que j’ai moi-même ma place dans cette Eglise, et qu’il ne m’est pas nécessaire d’être parfait pour y entrer ; qu’il m’est possible, AUJOURD’HUI et tel que je suis, de servir et aimer Jésus-Christ avec tous mes frères chrétiens. Comme me disait un jour un prêtre, avec un solide bon sens : « Une communauté parfaite ? Ca n’existe pas ! Et quand bien même ça existerait, le jour où tu y entres, ça n’existe plus ! »

Aux Jeunes réunis au Marienfeld de Cologne, lors des JMJ de l’année 2005, le Pape Benoît XVI parlait ainsi de l'Eglise : « Nous le savons, et le Seigneur lui-même nous l’a dit : elle est un filet avec de bons et de mauvais poissons, un champ avec le bon grain et l’ivraie.

« Le Pape Jean-Paul II, qui, dans les nombreux saints qu’il a proclamés, nous a montré le vrai visage de l’Église, a aussi demandé pardon pour tout ce qui s’est produit de mal dans le cours de l’histoire, en raison de l’action et de la parole d’hommes d’Église. De cette manière, il nous a aussi fait voir notre vraie image et il nous a exhortés à entrer avec tous nos défauts et toutes nos faiblesses dans le cortège des saints, qui a commencé avec les Mages d’Orient.

« En définitive, que l’ivraie existe dans l’Église est consolant. Ainsi, avec tous nos défauts, nous pouvons néanmoins espérer nous trouver encore à la suite de Jésus, qui a précisément appelé les pécheurs. L’Église est comme une famille humaine, mais elle est aussi, en même temps, la grande famille de Dieu, par laquelle Il forme un espace de communion et d’unité dans tous les continents, dans toutes les cultures et dans toutes les nations. Nous sommes donc heureux d’appartenir à cette grande famille ; nous sommes heureux d’avoir des frères et des amis dans le monde entier. Nous faisons précisément l’expérience, ici, à Cologne, du fait qu’il est beau d’appartenir à une famille vaste comme le monde, qui comprend le ciel et la terre, le passé, le présent et l’avenir, et toutes les parties de la terre. Dans ce grand rassemblement de pèlerins, nous marchons avec le Christ, nous marchons avec l’étoile qui éclaire l’histoire. »

Voilà, cher Christophe. J’ai été heureux de t’écrire ces quelques articles pour te répondre. J’espère, à défaut de te convaincre, qu’ils t’auront aidé à mieux comprendre la démarche du croyant qui choisit de fonder son existence sur le roc de la foi en Jésus-Christ, et de la vivre au sein de l’Eglise catholique.

Tu vois maintenant qu’il ne te reste plus qu’à pousser la porte de ton église la plus proche...

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25 novembre 2007 7 25 /11 /novembre /2007 12:55


Chers amis lecteurs,

Le présent article se veut une ébauche de réponse au dernier post de Miky sur la question du mal et de la souffrance. Une ébauche parce qu’il y aurait beaucoup de choses à dire et à développer, et que la présente réponse n’entend pas épuiser le sujet, loin s’en faut. Le texte qui suit est en outre de nature à soulever de nombreuses questions sur des thèmes connexes. J’y répondrai volontiers dans la mesure de mon possible, et serais sans doute amené à revoir le texte de ma réponse en fonction de vos commentaires, ou à publier d’autres articles complémentaires si nécessaire. En tous les cas, merci à toi Miky pour ce nouveau débat que tu ouvres. La question est difficile, mais passionnante… Je vais tâcher maintenant d’y répondre.

Tu dis en substance : l’Eglise explique le problème du mal dans le monde par la liberté d’action que Dieu donne aux hommes. Parce que Dieu nous a créé libres et qu'Il respecte notre liberté, il ne nous empêche pas de faire le mal chaque fois que nous décidons de le commettre. Or, dis-tu, si Dieu accorde une telle importance à notre liberté qu’elle justifie à elle seule que soit donnée à l’homme cette terrible possibilité de faire le mal, au prix parfois de la souffrance des innocents ; si, comme tu l’écris, « notre Liberté a plus de valeur que tout à Ses yeux » ; alors… il doit en être logiquement de même pour nous les hommes ! Nous aussi devons laisser les hommes libres de faire le bien ou le mal. Nous aussi devons nous abstenir de toute intervention lorsqu’un homme fait le mal, par respect pour sa liberté à faire le bien ou le mal ! Sinon, cela voudrait dire que Dieu n’est pas un bon modèle à imiter… Ainsi, si Toto est témoin d’une agression, il ne doit pas s’interposer pour venir en aide à la victime, mais laisser l’agresseur perpétrer son méfait au nom de sa liberté à faire le mal, et cela même si la victime en pâtit, puisque telle est l’attitude de Dieu à notre égard… CQFD !

Cet argument, tu le crois « décisif et définitif ». Pour démontrer quoi ? Tu ne le dis pas clairement. Sans doute que Dieu n’existe pas, et que l’Eglise ne sait dire que des bêtises. Mais ta remarque est-elle vraiment justifiée ?

1. Tu procèdes en fait exactement comme ont fait tous les hérétiques de tous les temps dans l’Histoire de l’Eglise. Tu prends une vérité de la foi (en l’occurrence : Dieu veut la liberté de l’homme), et tu en tires toutes les conséquences, jusqu’à l’absurde… au détriment des autres vérités de la foi. Or, une foi juste et équilibrée doit tenir ensemble toutes les vérités révélées, fussent-elles contradictoires en apparence, et c’est sans doute là le difficile.

2. Dieu veut-il la liberté de l’homme ? Bien entendu ! Parce que Dieu est Amour, qu’il nous a créé pour l’Amour, et qu’il n’est pas d’Amour sans liberté : les prosternations d’esclaves ne sont pas de l’Amour.

Le corollaire de cette vérité est que si l’homme choisit librement de faire le mal et refuse Dieu… Dieu ne le contraindra pas à choisir le Bien et à L’aimer. Il laissera l’homme à « ses propres vues » (cf. Ps 80. 13), et c’est là tout le problème du Mal et de la souffrance, avec en arrière-fond celui de la damnation éternelle.


3. Maintenant, Dieu se résoût-il au Mal et à la Souffrance ? Dieu reste-t-il inactif face à la prolifération du mal et du péché de l’homme ? C’est ce que tu as l’air de sous-entendre dans ton article. Ainsi quand tu écris, avec une ironie grinçante, que « c’est précisément en pratiquant la vertu du « Laisser-faire », à l’image de l’Eternel, qu’[on] se rapproche le plus de la perfection »

Dieu laisse-t-il faire le mal ? En un sens oui, selon ce que nous avons écrits au point 2 ci-dessus. Mais dire cela ne suffit pas à rendre compte de la totalité du vouloir et de l’agir divin ! Il faut rendre compte aussi du combat acharné que Dieu mène contre le Mal, et dont la Révélation nous assure qu’il se traduira un jour (nommé le Jour du Seigneur) par la Victoire définitive et totale du Bien sur le Mal, de l’Amour sur la haine et toutes divisions, de la Joie sur toute Souffrance, de la Vie sur la Mort.


4. Tu me rétorqueras sans doute que cette lutte acharnée de Dieu contre le Mal ne saute guère aux yeux ; qu’elle est loin d’être évidente ; qu'il n’y a qu’à regarder l’état de notre pauvre monde, pour se dire que si Dieu lutte effectivement contre le mal, Il s’y prend décidément très mal… Et tu ne manqueras sans doute pas non plus de me faire remarquer qu’Il pourrait procéder tout autrement, puisqu’Il est Tout-Puissant… Pourquoi diable (oups !) Dieu n’use-t-il pas de son Pouvoir Souverain sur toute chose pour mettre fin au Mal qui ravage la terre et plonge nombre de ses enfants dans la misère la plus noire et la souffrance la plus atroce ?

Le Pape Benoît XVI a longuement médité, avec les Jeunes réunis au Marienfeld pour les Journées Mondiales de la Jeunesse en 2005, sur le « Pouvoir » de Dieu, à partir de l’expérience que les Mages venus d’Orient ont faite à la grotte de Béthléem, il y a un peu plus de 2000 ans. Ces Mages, venus à Jérusalem rencontrer le Roi des Juifs, « étaient (…), des personnes qui avaient les pieds sur terre et qui savaient que, pour changer le monde, il faut disposer du pouvoir. C’est pourquoi ils ne pouvaient chercher l’enfant de la promesse ailleurs que dans le palais du Roi.


« Maintenant cependant, ils se prosternent devant un enfant de pauvres gens, et ils en viennent rapidement à savoir que, fort de son pouvoir, Hérode – le Roi auprès duquel ils s’étaient rendus – avait l’intention de le poursuivre, en sorte qu’il ne resterait plus à la famille que la fuite et l’exil.

« Le nouveau Roi, devant lequel ils s’étaient prosternés, était très différent de ce qu’ils attendaient. Ainsi, ils devaient apprendre que Dieu est différent de la façon dont habituellement nous l’imaginons. C’est ici que commença leur cheminement intérieur. Il commença au moment même où ils se prosternèrent devant l’enfant et où ils le reconnurent comme le Roi promis.

« Mais la joie qu'ils manifestaient par leurs gestes devait s'intérioriser. Ils devaient changer leur idée sur le pouvoir, sur Dieu et sur l’homme, et, ce faisant, ils devaient aussi se changer eux-mêmes. Maintenant, ils le constataient : le pouvoir de Dieu est différent du pouvoir des puissants de ce monde. Le mode d’agir de Dieu est différent de ce que nous imaginons et de ce que nous voudrions lui imposer à lui aussi.

« Dans ce monde, Dieu n’entre pas en concurrence avec les formes terrestres du pouvoir. Il n’a pas de divisions à opposer à d’autres divisions. Dieu n’a pas envoyé à Jésus, au Jardin des Oliviers, douze légions d’anges pour l’aider (cf. Mt 26, 53). Au pouvoir tapageur et pompeux de ce monde, Dieu oppose le pouvoir sans défense de l’amour qui, sur la Croix – et ensuite continuellement au cours de l’histoire – succombe et qui cependant constitue la réalité nouvelle, divine, qui s’oppose ensuite à l’injustice et instaure le Règne de Dieu.

« Dieu est différent – c’est cela qu’ils reconnaissent maintenant. Et cela signifie que, désormais, eux-mêmes doivent devenir différents, ils doivent apprendre le style de Dieu. »

Dans l’enfant de la crèche de Béthléem, poursuivait le Saint Père dans son homélie de Noël en 2005, « Dieu oppose sa bonté à la violence de ce monde et il nous appelle à suivre l’Enfant. »

5. La réponse que Dieu donne « à la violence de ce monde » et au Mal qui semble triompher partout sur cette Terre, c’est donc… son Fils. C’est Jésus-Christ qui est la réponse de Dieu au Péché des hommes et à ses terribles conséquences. Et c’est en lui que se trouve la clef de compréhension du mystère du Mal, ainsi que – surtout – son remède absolu. En son Fils Jésus-Christ, Dieu nous donne le moyen infaillible, efficace, et souverainement puissant de nous arracher au Pouvoir du Mal. A nous qui sommes embourbés dans ce monde de haine, de violence, de souffrance et de mort, Dieu donne son Fils, son unique : Jésus-Christ est la main tendue de Dieu à l’humanité souffrante.

Il est donc inexact de dire que Dieu « laisse-faire » le Mal. Dieu n’est pas inactif face au Mal. Il ne se résoût pas à la souffrance de ses enfants. Mais Il n’agit pas selon nos voies. Car, « autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées au-dessus de vos pensées… » déclare le Seigneur (Is. 55. 9). C’est en ce sens que Dieu est vraiment inimitable, et que nous ne pouvons pas, de fait, l’imiter.

Ton exemple de Toto n’est donc pas pertinent, Miky. Car dans ton exemple, Toto est totalement passif devant le mal qui se fait devant lui. Alors que Dieu, Lui, ne l’est pas. Dieu agit contre le Mal, et puissamment. Simplement, il agit selon des voies qui n’appartiennent qu’à Lui et qui ne sont pas à la mesure de l’homme. Il y a des choses en Dieu qui ne sont pas imitables par l’homme, tout simplement parce que Dieu est Dieu, qu’il est Tout-Puissant, et que nous ne sommes pas Dieu, et que nous ne sommes pas tous-puissants. Laissons donc Dieu être Dieu. Et contentons-nous d’être des créatures, en agissant non pas selon l’idée que nous nous faisons du mode d’agir de Dieu, incompréhensible à nos vues humaines, mais selon les ordres et commandements que Dieu nous donne dans la Sainte Ecriture. Et qui sont de lutter de toutes nos forces contre le mal, de le dénoncer, à temps et à contretemps, et d’y répondre non par le mal, mais par le bien (cf. Rm 12. 9, 17, 21 ; 2 Co 13. 7 ; 1 Th 5. 15, 22 ; Tm 4. 2 ; 1 P 3. 9 et s., etc.). Car il n’est pas de manière plus efficace de faire reculer les ténèbres que d’allumer une lumière. Et la Lumière du monde, c’est le Christ (Jn 8. 12). C’est Lui que nous sommes appelés à revêtir pour mener le bon combat de la Lumière (Rm 13. 12, 14). C’est sa Lumière que nous sommes appelés à refléter pour que la Lumière brille sur le monde (Mt 5. 14-16). C’est Lui que Dieu, l’Inimitable, nous donne en exemple afin que nous puissions L’imiter, Lui, le Très-Haut, en l’humanité de son Fils.

Or, qu’est venu faire Jésus sur cette Terre ? Guérir, soigner, soulager, réconforter, pardonner, délivrer, purifier, enseigner. Mais surtout sauver. Du péché, qui est la pire des lèpres, et qui est la Cause première de tous les maux sur cette Terre. Et de la mort, qui en est le salaire (Rm 6. 23). C’est donc contre le péché et toutes ses conséquences que nous sommes invités chacun à lutter. D’abord dans notre cœur par la conversion personnelle (qui est une œuvre de chaque jour). Et ensuite autour de nous, dans ce monde qui est le nôtre, chacun à notre place, avec les talents que Dieu nous donne, et les moyens imparfaits et limités dont nous disposons, qui n’excluent pas dans certains cas le recours à une violence légitime (je pense par exemple à la légitime défense sur le plan individuel, ou à l’emprisonnement des délinquants et criminels sur le plan social). En n’oubliant pas que « nous ne luttons pas contre des hommes, mais contre les forces invisibles, les puissances des ténèbres qui dominent le monde, les esprits du mal qui sont au-dessus de nous » (Ep. 6. 12).

Lutter contre le Mal. Faire reculer le péché. A l’imitation du Seigneur. Au nom même de la Liberté de l’Homme. Telle est la mission du chrétien. C’est ainsi que nous serons le plus à l’image et à la ressemblance de Dieu (Cf. Gn 1. 26).


6. Au nom de la Liberté de l’Homme ? Et oui ! Et c’est là que je voudrais en terminer. Tu écris que pour Dieu, « notre Liberté a plus de valeur que tout à Ses yeux ». Tellement de valeur que « Dieu permettrait le Mal par respect de notre Liberté ». Que « notre Liberté est la valeur suprême à préserver qui justifie de laisser-faire tous les crimes de la Terre ».

Mais c’est se méprendre sur le sens de cette « valeur suprême » qu’est la Liberté que Dieu veut pour l’homme ! Dieu nous a créé libre, c’est entendu. Et Dieu tient jalousement à ne pas brusquer notre liberté, afin que notre adhésion soit vraiment de l’ordre de l’Amour, et non de la contrainte ou de la crainte. Mais Dieu sait aussi que nous avons besoin d’être libérés. Pour être vraiment libres. Car libres, nous le sommes, en un certain sens. Mais esclaves, nous le sommes aussi. A cause du péché. « Tout homme qui commet le péché est esclave du péché » dit Jésus (Jn 8. 34). Tu connais sans doute la fameuse lamentation de St Paul au Chapitre 7 de la lettre aux Romains : « Je ne réalise pas le bien que je voudrais, mais je fais le mal que je ne voudrais pas » (Rm 7. 19).

Comme tu l’écrivais justement dans ta finale (sous l’inspiration sans doute du Saint Esprit !) : « la véritable vocation de la Liberté humaine est d’être ordonnée à la Volonté de Dieu ». Or, la volonté de Dieu, contrairement à ce que tu écris, n’est pas de laisser passivement les hommes user de leur libre-arbitre pour faire le mal. La volonté de Dieu, c’est d’agir activement pour nous libérer, afin que nous soyons vraiment libres (Ga 5. 1, 13) et affranchis du péché qui nous entrave si bien (He 12. 1). La liberté n’est donc pas un Bien à préserver coûte que coûte, et contre toute autre valeur, au sacrifice du bonheur des hommes. La Liberté est un Bien à conquérir, que Dieu veut nous donner par la médiation de Son Fils, afin que nous puissions entrer dans un vrai bonheur, débarrassés à tout jamais du Mal et du Péché.

C’est parce que notre Liberté a plus de valeur que tout à ses yeux, que Dieu, qui permet mystérieusement le Mal pour ne pas contrarier notre libre-arbitre, le combat en même temps résolument en nous donnant son Fils, qui a pour Mission Sainte de nous conduire, tel un Bon Berger, à la véritable liberté des enfants de Dieu (Rm 8. 21). Ou pour le dire d'une manière plus synthétique : Dieu permet le mal par respect de notre libre-arbitre, mais Dieu combat le mal par amour de notre Liberté. Et il est erroné de ne tenir pour vrai que la première partie de la proposition, ainsi que tu le fais dans ton article.

La « valeur suprême » à laquelle Dieu tient tant par-dessus tout n’est donc pas notre libre-arbitre, qui n’est pas une fin en soi, mais le moyen qui nous est donné pour accéder à la véritable Liberté des enfants de Dieu. La « valeur suprême » à laquelle Dieu tient tant par-dessus-tout, c’est cette Liberté-ci, qui justifie l’envoi de son Fils sur la Terre pour que notre péché soit définitivement éradiqué et vaincu à la racine, de telle manière qu’un jour puissent cesser définitivement tous les crimes de la Terre (cf. Is 2. 4 ; Mi 4. 3).

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19 novembre 2007 1 19 /11 /novembre /2007 23:14
 


A lire absolument
:


I - notre série d'articles sur la question de l'existence de Dieu, et sur l'importance de la raison dans la démarche de foi :

1.
Débat autour de l'existence de Dieu

2. Peut-on connaître Dieu au moyen de notre intelligence?

3. La constante insistance de l'Eglise Catholique sur la raison

4. La métaphysique au service de l'évangélisation

5. Hors de l'Eglise, point de rationalisme

6. La raison et le Christ

7. Est-il raisonnable de croire... en la raison?

8. Compagnons de route sur le chemin de la vérité

9. Croire ou ne pas croire... en la métaphysique? 

10. "L'impuissance à accueillir la vérité est la maladie de la raison"  

11. Le néant existe-t-il? 

12. La théologie naturelle est-elle vaine? (1/2) 

13. La théologie naturelle est-elle vaine? (2/2)

14.
NOUVEAU : Comment savoir si Dieu existe et quelle est la "vraie" religion?

15.
NOUVEAU : L'Epiphanie de Dieu dans la Création

18.
NOUVEAU : La pertinence rationnelle de la croyance en Dieu (et l'irrationalité des croyances alternatives) - I 

18. NOUVEAU : La pertinence rationnelle de la croyance en Dieu (et l'irrationalité des croyances alternatives) - II


18. NOUVEAU : La pertinence rationnelle de la croyance en Dieu (et l'irrationalité des croyances alternatives) - III


18.
NOUVEAU : La pertinence rationnelle de la croyance en Dieu (et l'irrationalité des croyances alternatives) - IV

18.
NOUVEAU : La pertinence rationnelle de la croyance en Dieu (et l'irrationalité des croyances alternatives) - V

18.
NOUVEAU : La pertinence rationnelle de la croyance en Dieu (et l'irrationalité des croyances alternatives) - VI


II- Notre série d'articles en réponse à Miky sur la question des "preuves" de l'existence de Dieu.

21.
Existe-t-il des preuves de l'existence de Dieu? 

22. Les limites de la démarche scientifique

23. La foi chrétienne : une expérience personnelle ancrée dans une Histoire


III- Notre série d'articles en réponse à l'article de Miky : "Science ou métaphysique, il faut choisir".

24.
Science ou métaphysique : faut-il choisir? 

25. La métaphysique peut-elle nous donner des certitudes?

26. L'existence de Dieu : un préjugé?


IV- Le passionnant débat avec Miky et le Pasteur Eric Georges sur la question du "dessein intelligent"

27. Ce que nous enseignent les sciences de la nature


II- Quelques bon liens

30.
Le Blog des raisons de croire

31. Le Site du livre "Notre existence a-t-elle un sens?"

32. "Dieu existe-t-il?" (vidéo du Père Guy Pagès)

33. "Savoir et connaître Dieu" (vidéo du Père Guy Pagès) 

34. Qui est Jésus-Christ?" (1/2 - vidéo du Père Guy Pagès) 

35. Qui est Jésus-Christ?" (2/2 - vidéo du Père Guy Pagès) 

36. Les cinq voies de St Thomas d'Aquin : la Raison prouve Dieu! 

37. Dieu existe-t-il au delà du monde?

37. NOUVEAU : Une incroyable sensibilité au mot "Dieu"

37. NOUVEAU : Pourquoi dénier à Dieu le droit d'exister?

38.
Quelques bons textes du Pape Benoît XVI sur la question

39. Peut-on croire en la résurrection du Christ?

40. La résurrection : témoignage suprême de la vérité du Christ

40. NOUVEAU : La résurrection du Christ : un Big Bang spirituel

41.

Le mystère Jésus


VIII- Bibliographie

28. Ce qui fait vaciller André Comte-Sponville...

29. "C'est par la raison que je suis redevenu chrétien"

18.
NOUVEAU : La démonstration de l'existence de Dieu est si simple...

18. NOUVEAU : La Raison : trait d'union entre la Science et la Foi

18. NOUVEAU : L'escalier de service qui nous conduit à Dieu


IX- Et bien sûr, toujours, notre série en cours...

42. Dieu existe-t-il?

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11 novembre 2007 7 11 /11 /novembre /2007 12:29


Nous avons vu dans notre précédent article que le Seigneur Jésus a constitué son Eglise "sur" Pierre. L’Ecriture nous révèle également que Jésus-Christ lui-même est dans l’Eglise et que l’Eglise demeure en Lui (Jn 15. 1ss ; Ga 3. 28 ; Ep 4. 15-16 ; Ac 9.5) ; qu’elle est son prolongement dans l’histoire du monde, comme son propre Corps (cf. 1 Co 12. 12-13.27 ; Col 1. 18), et que c’est par elle, avec elle et en elle qu’Il demeure présent au monde, et poursuit son œuvre de rédemption universelle. Tout comme il n’existe qu’un seul Jésus-Christ, il n’y a qu’un seul Corps mystique du Christ : une seule et unique Eglise catholique et apostolique (cf. Lumen Gentium n°8).

L’Eglise catholique n’est donc pas une Eglise parmi d’autres. Elle est la communauté visible et spirituelle voulue et établie par Jésus-Christ sur la terre (cf. Lumen Gentium, n°8). Cette Eglise n’a jamais cessé d’exister au cours des siècles, et c’est en elle seule que demeurent tous les éléments institués par le Christ lui-même (cf. Unitatis Redintegratio, n° 3.2 ; 3.4 ; 3.5 ; 4.6).

La continuité historique entre l’Eglise fondée par Jésus-Christ et l’Eglise catholique romaine est assurée par la succession apostolique. Comme nous l'enseignait le Pape Benoît XVI : « La succession apostolique du ministère épiscopal est la voie qui garantit la transmission fidèle du témoignage apostolique. Ce que représentent les Apôtres dans la relation entre le Seigneur Jésus et l'Eglise des origines, est représenté de manière analogue par la succession ministérielle dans la relation entre l'Eglise des origines et l'Eglise actuelle. Il ne s'agit pas d'un simple enchaînement matériel ; c'est plutôt l'instrument historique dont se sert l'Esprit pour rendre présent le Seigneur Jésus, Chef de son peuple, à travers ceux qui sont ordonnés pour le ministère par l'imposition des mains et la prière des évêques. A travers la succession apostolique, c'est alors le Christ qui nous rejoint : dans la parole des Apôtres et de leurs successeurs, c'est Lui qui nous parle ; par leurs mains, c'est Lui qui agit dans les sacrements ; dans leur regard, c'est son regard qui nous enveloppe et nous fait sentir aimés, accueillis dans le coeur de Dieu. »

En dépit des divisions entre chrétiens et des déchirures de l’histoire, l’Eglise fondée par Jésus-Christ n’a donc pas disparu ; elle n’est pas une réalité en morceaux, ou un idéal qui ne sera atteint qu’à la fin des temps, lorsque les chrétiens seront de nouveau unis : elle « subsiste » intégralement dans l’Eglise catholique, communauté visible et spirituelle gouvernée par les Evêques, successeurs des Apôtres, qui sont en communion avec le Pape Benoît XVI, successeur de Saint Pierre.
 L’Eglise voulue par le Christ continue ainsi de fait à exister dans l’Eglise catholique : « la continuité de la subsistance comporte une substantielle identité d’essence entre l’Eglise du Christ et l’Eglise catholique » (cf. Congrégation pour la doctrine de la foi : « Le vrai visage et la nature de l’Eglise du Christ », in Osservato Romano, 11 juillet 2007). « Le Concile a [ainsi] voulu enseigner que l’Eglise de Jésus-Christ comme sujet concret dans ce monde peut être reconnue dans l’Eglise catholique ».

Par fidélité à son dessein de salut et à la promesse de Jésus faite à Pierre, Dieu a maintenu l’Eglise de son Fils dans l’Histoire, et celle-ci est entièrement présente dans l’Eglise catholique.

Cette « subsistance » de l’unique Eglise fondée par Jésus-Christ ne peut être reconnue en vérité qu’à la seule Eglise catholique, en laquelle l’Eglise du Christ existe pleinement dans sa singularité (ou sa « non multiplicabilité ») comme unique sujet dans la réalité historique.

Toutefois, si le Concile a renoncé à l’« est » de l’identification absolue – corpus christi est ecclesia Romana catholica – pour le remplacer par le verbe « subsistit in » d’acception plus large – Haec ecclesia subsistit in ecclesia catholica – c’est pour manifester que cette identification de l’Eglise du Christ avec l’Eglise catholique romaine n’implique nullement qu’en dehors de l’Eglise catholique, il n’y ait rien. Le Pape Jean-Paul II l’a redit avec force dans son Encyclique Ut Unum sint (n°13) : « En dehors des limites de la communauté catholique, il n'y pas un vide ecclésial. De nombreux éléments de grande valeur qui, dans l'Eglise catholique, s'intègrent dans la plénitude des moyens de salut et des dons de grâce qui font l'Eglise, se trouvent aussi dans les autres Communautés chrétiennes. »

Le verbe « subsister », finalement retenu par les Pères conciliaires, entend donc exprimer qu’en dehors des structures de l’Eglise Catholique romaine, dans les autres Eglises ou Communautés ecclésiales, se trouvent « de nombreux éléments de sanctification et de vérité » (Lumen Gentium, n°8). « Ces communautés ont ainsi sans aucun doute un caractère ecclésial et une valeur salvifique conséquente ». Ces Eglises et Communautés séparées « ne sont nullement dépourvue de signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ en effet ne refuse pas de se servir d’elles comme de moyens de salut » (cf. Unitatis redintegratio, n°3). Plus encore, l’Eglise catholique reconnaît que « tout ce qui est accompli par la grâce de l’Esprit Saint dans nos frères séparés peut contribuer à notre édification » (Decret sur l’œcuménisme, 4). Et le Pape Jean-Paul II reconnaissait qu’en « tant qu’Eglise catholique, nous avons conscience d’avoir reçu beaucoup du témoignage, des recherches et même de la manière dont ont été soulignés et vécus par les autres Eglises et Communautés ecclésiales certains biens communs aux chrétiens » (Ut Unum Sint, n° 87). Mais il convient de préciser que leur « force dérive de la plénitude de grâces et de vérité qui a été confié à l’Eglise catholique » (Unitatis redintegratio, n°3). Comme l'affirmait le Pape Pie XI à ce sujet : « Les parcelles détachées d’une roche aurifère sont aurifères elles-aussi ».

Pour autant, l’emploi de l’expression « subsistit in » ne signifie pas qu’il existerait en dehors de l’Eglise catholique d’autres « subsistances » de l’Unique Eglise du Christ ! Il n’existe, en rigueur de termes, qu’une seule et unique « subsistance » : l’Eglise Catholique romaine, en dehors de laquelle n’existent « que » des « elementa Ecclesiae », qui sont des éléments de la véritable Eglise, et qui tendent et conduisent vers l’Eglise catholique. Ces elementa Ecclesiae font de ces Eglises et Communautés de véritables réalités ecclésiales en lesquelles le Seigneur se plaît à répandre ses grâces, ce que l’Eglise catholique reconnaît bien volontiers ainsi que nous venons de le voir ; ils sont cependant insuffisants en eux-mêmes pour caractériser l’appartenance de ces Eglises et Communautés à l’Unique Eglise du Christ. Ces Eglises et Communautés restent affectées en effet par des « déficiences » majeures, des « manques » importants : ainsi en est-il des Eglises orthodoxes, qui ont la succession apostolique mais non pas la communion avec l’évêque de Rome ; ou encore des Communautés protestantes qui n’ont pas la succession apostolique (et donc toute la réalité du sacrement de l’Eucharistie), et ne sont pas davantage en communion avec le successeur de Pierre.

Comme le résumait fort bien le Pape Jean-Paul II : « les éléments [de l’Unique Eglise du Christ] déjà donnée existent, unis dans toute leur plénitude dans l’Eglise catholique, et sans cette plénitude dans les autres communautés » (Ut Unum Sint, n°14).

Le manque d’unité entre les chrétiens, qui est une blessure pour l’Eglise, ne s’analyse donc pas comme une altération ou une privation de son unité, mais comme un obstacle pour la réalisation plénière de son universalité dans l’Histoire. Bien que l’Eglise catholique ait la plénitude des moyens de salut, « les divisions entre chrétiens empêchent l’Eglise de réaliser la plénitude de catholicité qui lui est propre en ceux de ses fils qui, certes, lui appartiennent par le baptême, mais se trouvent séparés de sa pleine communion. Bien plus, pour l’Eglise elle-même, il devient plus difficile d’exprimer sous tous ses aspects la plénitude de la catholicité dans la réalité même de sa vie » (Unitatis redintegratio, n°4). C’est donc la plénitude de l’Eglise catholique, déjà actuelle, qui est appelée à croître dans les frères qui ne sont pas en pleine communion avec elle, mais aussi dans ses fils qui sont pécheurs, « jusqu’à ce que, dans la Jérusalem céleste, le Peuple de Dieu atteigne joyeux la totale plénitude de la gloire éternelle ».

Le dialogue œcuménique doit-il donc être compris comme la tentative d’envisager à terme le « retour » dans l’Eglise Catholique romaine des frères chrétiens égarés ? Eh bien,… pas du tout ! Ecoutons ce que nous enseigne le Pape Benoît XVI à ce sujet : « L’Eglise catholique a en vue d'atteindre la pleine unité visible des disciples de Jésus Christ selon la définition qu'en a donnée le Concile oecuménique Vatican II dans divers de ses documents. Cette unité, selon notre conviction, subsiste, premièrement dans l'Église catholique sans possibilité d'être perdue. L'Église en effet n'a pas totalement disparu du monde. Mais cette unité ne signifie pas pour autant ce que l'on pourrait appeler un oecuménisme du retour : c'est-à-dire être obligé de renier et de répudier sa propre histoire de foi. Absolument pas ! Cela ne signifie pas uniformité dans toutes les expressions de la théologie et de la spiritualité, dans les formes liturgiques et dans la discipline. Unité dans la multiplicité et multiplicité dans l'unité. Le dialogue [entre frères chrétiens doit être compris comme] un échange de dons, dans lequel les Églises et les Communautés ecclésiales peuvent apporter leurs propres trésors. Grâce à cet engagement le chemin peut continuer, pas après pas, jusque [au moment où] finalement, comme le dit la Lettre aux Éphésiens, nous arriverons « tous ensemble à l'unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu, à l'état de l'Homme parfait, à la plénitude de la stature du Christ » (Ep 4, 13). »

« Il est tout à fait évident,
poursuit le Saint Père, qu'un tel dialogue ne peut en définitive se développer que dans une atmosphère de spiritualité sincère et cohérente. Nous ne pouvons pas, par nos seules forces, « faire » l'unité. Nous pouvons seulement l'obtenir comme un don de l'Esprit Saint
. » (Cologne, 19 août 2005).

(à suivre…)
 

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2 novembre 2007 5 02 /11 /novembre /2007 09:23


Les rites funéraires remontent au fond des âges, c’est même le critère principal pour distinguer la présence humaine dans les fouilles archéologiques. Ces rites funéraires sont aussi lieux d’apparition de la culture : édifices funéraires, ornementation, disposition des défunts, des objets funéraires, sans compter ce qui n’est pas observable à distance, les chants et rituels qui devaient accompagner ces usages chez les plus anciens de nos ancêtres, ainsi que les explications mythologiques ou religieuses qui accompagnent ces rites et nous sont souvent inconnues.

Il y a, depuis les commencements, quelque chose dans l’homme qui s’insurge à l’idée de laisser mourir quelqu’un « comme un chien », c’est-à-dire sans personne pour assister le mourant, et sans soin pour ses restes mortels.

Prier pour les morts, c’est aussi leur faire l’honneur de se souvenir d’eux. Lorsque la mort étend son voile de deuil sur quelqu’un, il est important de rappeler qu’il n’est pas effacé de la mémoire des hommes, comme s’il n’avait simplement pas existé. Chaque vie a du prix. Non seulement il n’est pas nécessaire d’être un personnage célèbre pour avoir de la valeur, mais encore la mort permet de jeter un regard différent sur la célébrité. Il y a dans la mort une égalité de destin.

Enfin, prier pour les morts est une façon de s’approprier la mort d’un être cher, de revisiter les souvenirs qui nous ont unis à nos défunts.

Pour un chrétien, prier pour les morts, c’est d’abord affirmer que celui qui meurt n’est pas réduit à rien.
Il y a là un acte de foi fondamental : Dieu n’a pas créé l’homme pour quelques années seulement. Au moment de mourir, l’âme quitte son corps et est présentée à Dieu. La personne paraît alors avec tout ce qu’elle est, ce qu’elle a fait ou omis de faire dans sa vie, donc avec toute son histoire de sainteté et de péché. Elle est présentée à ce Dieu qui est Amour et va chercher à sauver tout ce qui peut être sauvé dans cette vie maintenant achevée.

Le chrétien s’adresse au Christ ressuscité, victorieux de la mort et du péché, pour lui demander d’accueillir le défunt. Il a foi en celui qui l’a aimé et qui a donné sa vie pour lui. Il le confie aussi à la prière de la Vierge Marie et de tous les saints. Il s’agit aussi d’un acte de charité, car nous savons que notre prière, en vertu de la communion des saints, est utile aux défunts, nous portons spirituellement leurs fardeaux et le confions à Celui qui a dit « Venez à moi, vous qui peinez, et je vous procurerai le repos ». En priant pour nos morts, nous les menons à Jésus.

Il y a enfin un acte d’espérance : nous comptons sur la bonté et la fidélité de Dieu qui jamais ne déçoit ; Dieu se manifeste dans nos vies comme celui qui chemine à nos côtés, veille sur nous, nous réconforte, même si parfois, nous éprouvons douloureusement sa discrétion comme si elle était absence.

Bien sûr, nous savons que toute vie doit finir, mais la mort d’un de nos proches ou notre propre mort lorsqu’elle est aux portes nous surprend souvent et cherche à nous arracher un consentement que nous ne pouvons refuser. Mais nous chrétiens, nous pouvons faire de ce moment un acte de liberté suprême et de remise amoureuse de tout notre être entre les mains de celui de qui nous n’avons rien à craindre, sauf si nous craignons la morsure de l’amour.


Père Olivier Rolland, vicaire à la Paroisse Saint Léon à Paris (15e), in la revue paroissiale Le Lien.

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