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23 avril 2011 6 23 /04 /avril /2011 23:00

Message Urbi et Orbi pour Pâques, le 4 avril 2010.

 

« Cantemus Domino : gloriose enim magnificatus est ».

« Chantons le Seigneur : il est vraiment ressuscité! » (Liturgie des Heures, Pâques, Office des Lectures, Ant. 1).

 

Chers frères et sœurs,

 

Je vous porte l’annonce de la Pâque avec ces paroles de la Liturgie, qui font écho à l’hymne très ancien de louange des hébreux après le passage de la Mer rouge. Le livre de l’Exode (cf. 15, 19-21) raconte que quand ils eurent traversé la mer à pied sec et qu’ils virent les égyptiens engloutis par les eaux, Myriam – la sœur de Moïse et d’Aaron – et les autres femmes entonnèrent en dansant ce chant d’exultation : « Chantons le Seigneur, / car il a fait éclater sa gloire, / il a jeté à l’eau cheval et cavalier. ». Partout dans le monde, les chrétiens répètent ce cantique au cours de la Vigile pascale, et une prière dite pour la circonstance en explique la signification, une prière que maintenant, dans la pleine lumière de la résurrection, nous faisons nôtre avec joie : « Maintenant encore, Seigneur, nous voyons resplendir tes merveilles d’autrefois : Alors que jadis tu manifestais ta puissance en délivrant un seul peuple de la poursuite des Égyptiens, tu assures désormais le salut de toutes les nations en les faisant renaître à travers les eaux du baptême ; fais que les hommes du monde entier deviennent des fils d’Abraham et accèdent à la dignité de peuple élu ».

 

L’Évangile nous a révélé l’accomplissement des anciennes prophéties : par sa mort et sa résurrection, Jésus Christ a libéré l’homme de l’esclavage radical, celui du péché, et lui a ouvert la route vers la Terre promise, le Royaume de Dieu, règne universel de justice, d’amour et de paix. Cet ‘exode’ se réalise avant tout à l’intérieur de l’homme lui-même, et il consiste en une nouvelle naissance dans l’Esprit Saint, conséquence du Baptême que le Christ nous a précisément donné dans le mystère pascal. L’homme ancien laisse la place à l’homme nouveau ; en laissant derrière soi la vie d’avant, il est possible d’avancer dans une vie nouvelle (cf.Rm 6, 4). Mais l’‘exode’ spirituel est le principe d’une libération intégrale, susceptible de rénover l’homme dans toutes ses dimensions, personnelle et sociale.

 

Oui, frères, Pâques est le vrai salut de l’humanité ! Si le Christ – l’Agneau de Dieu – n’avait pas versé son Sang pour nous, nous n’aurions aucune espérance ; notre destin et celui du monde entier serait inévitablement la mort. Mais la Pâque a renversé la perspective : la Résurrection du Christ est une nouvelle Création, à la manière d’une greffe qui peut régénérer l’ensemble de la planète. C’est un événement qui a modifié l’orientation profonde de l’Histoire, la faisant basculer une fois pour toutes du côté du bien, de la vie, du pardon. Nous sommes libres, nous sommes sauvés ! Voilà pourquoi du plus profond de nous-mêmes nous exultons : « Chantons le Seigneur : il est vraiment ressuscité! ».

 

Le peuple chrétien, sorti des eaux du Baptême, est envoyé partout dans le monde pour témoigner de ce Salut, pour porter à tous le fruit de la Pâque, qui consiste en une vie nouvelle, libérée du péché et rendue à sa beauté originelle, à sa bonté et à sa vérité. Continuellement, pendant deux mille ans, les chrétiens – spécialement les saints – ont fécondé l’histoire par l’expérience vivante de la Pâque. L’Église est le peuple de l’exode, parce qu’elle vit constamment le mystère pascal et répand sa puissance de renouvellement à tout moment et en tout lieu. Aujourd’hui encore, l’humanité a besoin d’un ‘exode’, non pas seulement d’ajustements superficiels, mais d’une conversion spirituelle et morale. Elle a besoin du Salut de l’Évangile, pour sortir d’une crise qui est profonde et qui, comme telle, réclame des changements profonds, à commencer par celui de la conscience.

 

(…) Aux responsables de toutes les Nations, que la Pâque du Christ porte lumière et force, pour que l’activité économique et financière soit finalement fondée sur des critères de vérité, de justice et d’entraide fraternelle. Que la puissance salvifique de la résurrection du Christ remplisse l’humanité entière, afin que celle-ci dépasse les multiples et tragiques expressions d’une ‘culture de mort’ qui tend à se répandre, pour édifier un avenir d’amour et de vérité, dans lequel chaque vie humaine soit respectée et accueillie.

 

Chers frères et sœurs ! La Pâque n’agit pas de façon magique. Tout comme au-delà de la Mer rouge les hébreux trouvèrent le désert, l’Église, après la Résurrection, rencontre toujours l’Histoire avec ses joies et ses espérances, ses douleurs et ses angoisses. Et cependant, cette Histoire est transformée, elle est marquée par une alliance nouvelle et éternelle, elle est réellement ouverte à un avenir. C’est pourquoi, sauvés en espérance, nous poursuivons notre pèlerinage en portant dans le cœur le cantique ancien et toujours nouveau : « Chantons le Seigneur : il est vraiment ressuscité! ».

 

 

 

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23 avril 2011 6 23 /04 /avril /2011 09:28

Méditation du Pape Benoît XVI sur le mystère du Samedi Saint, après la vénération du Saint-Suaire, à Turin (Italie), le 2 mai 2010.

 

Chers amis,

 

C'est pour moi un moment très attendu. En diverses autres occasions, je me suis trouvé face au Saint-Suaire, mais cette fois, je vis ce pèlerinage et cette halte avec une intensité particulière : sans doute parce que les années qui passent me rendent encore plus sensible au message de cet extraordinaire Icône ; sans doute, et je dirais surtout, parce que je suis ici en tant que Successeur de Pierre, et que je porte dans mon cœur toute l'Eglise, et même toute l'humanité. Je rends grâce à Dieu pour le don de ce pèlerinage et également pour l'occasion de partager avec vous une brève méditation qui m'a été suggérée par le sous-titre de cette Ostension solennelle : « Le mystère du Samedi Saint ».

 

On peut dire que le Saint-Suaire est l'Icône de ce mystère, l'Icône du Samedi Saint. En effet, il s'agit d'un linceul qui a enveloppé la dépouille d'un homme crucifié correspondant en tout point à ce que les Evangiles nous rapportent de Jésus, qui, crucifié vers midi, expira vers trois heures de l'après-midi. Le soir venu, comme c'était la Parascève, c'est-à-dire la veille du sabbat solennel de Pâques, Joseph d'Arimathie, un riche et influent membre du Sanhédrin, demanda courageusement à Ponce Pilate de pouvoir enterrer Jésus dans son tombeau neuf, qu'il avait fait creuser dans le roc à peu de distance du Golgotha. Ayant obtenu l'autorisation, il acheta un linceul et, ayant descendu le corps de Jésus de la croix, l'enveloppa dans ce linceul et le déposa dans le tombeau (cf. Mc 15, 42-46). C'est ce que rapporte l'Evangile de saint Marc, et les autres évangélistes concordent avec lui. A partir de ce moment, Jésus demeura dans le sépulcre jusqu'à l'aube du jour après le sabbat, et le Saint-Suaire de Turin nous offre l'image de ce qu'était son corps étendu dans le tombeau au cours de cette période, qui fut chronologiquement brève (environ un jour et demi), mais qui fut immense, infinie dans sa valeur et sa signification.

 

Le Samedi Saint est le jour où Dieu est caché, comme on le lit dans une ancienne Homélie : "Que se passe-t-il? Aujourd'hui, un grand silence enveloppe la terre. Un grand silence et un grand calme. Un grand silence parce que le Roi dort... Dieu s'est endormi dans la chair, et il réveille ceux qui étaient dans les enfers" (Homélie pour le Samedi Saint, PG 43, 439). Dans le Credo, nous professons que Jésus Christ "a été crucifié sous Ponce Pilate, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers. Le troisième jour est ressuscité des morts".

 

Chers frères et sœurs, à notre époque, en particulier après avoir traversé le siècle dernier, l'humanité est devenue particulièrement sensible au mystère du Samedi Saint. Dieu caché fait partie de la spiritualité de l'homme contemporain, de façon existentielle, presque inconsciente, comme un vide dans le cœur qui s'est élargi toujours plus. Vers la fin du XIXe siècle, Nietzsche écrivait : "Dieu est mort! Et c'est nous qui l'avons tué!". Cette célèbre expression est, si nous regardons bien, prise presque à la lettre par la tradition chrétienne, nous la répétons souvent dans la Via Crucis, peut-être sans nous rendre pleinement compte de ce que nous disons. Après les deux guerres mondiales, leslagers et les goulags, Hiroshima etNagasaki, notre époque est devenue dans une mesure toujours plus grande un Samedi Saint : l'obscurité de ce jour interpelle tous ceux qui s'interrogent sur la vie, et de façon particulière nous interpelle, nous croyants. Nous aussi nous avons affaire avec cette obscurité.

 

Et toutefois, la mort du Fils de Dieu, de Jésus de Nazareth a un aspect opposé, totalement positif, source de réconfort et d'espérance. Et cela me fait penser au fait que le Saint-Suaire se présente comme un document "photographique", doté d'un "positif" et d'un "négatif". Et en effet, c'est précisément le cas : le mystère le plus obscur de la foi est dans le même temps le signe le plus lumineux d'une espérance qui ne connaît pas de limite. Le Samedi Saint est une "terre qui n'appartient à personne" entre la mort et la résurrection, mais dans cette "terre qui n'appartient à personne" est entré l'Un, l'Unique qui l'a traversée avec les signes de sa Passion pour l'homme : "Passio Christi. Passio hominis". Et le Saint-Suaire nous parle exactement de ce moment, il témoigne précisément de l'intervalle unique et qu'on ne peut répéter dans l'histoire de l'humanité et de l'univers, dans lequel Dieu, en Jésus Christ, a partagé non seulement notre mort, mais également le fait que nous demeurions dans la mort. La solidarité la plus radicale.

 

Dans ce "temps-au-delà-du temps", Jésus Christ "est descendu aux enfers". Que signifie cette expression? Elle signifie que Dieu, s'étant fait homme, est arrivé au point d'entrer dans la solitude extrême et absolue de l'homme, où n'arrive aucun rayon d'amour, où règne l'abandon total sans aucune parole de réconfort : "les enfers". Jésus Christ, demeurant dans la mort, a franchi la porte de cette ultime solitude pour nous guider également à la franchir avec Lui. Nous avons tous parfois ressenti une terrible sensation d'abandon, et ce qui nous fait le plus peur dans la mort, est précisément cela, comme des enfants, nous avons peur de rester seuls dans l'obscurité, et seule la présence d'une personne qui nous aime peut nous rassurer. Voilà, c'est précisément ce qui est arrivé le jour du Samedi Saint : dans le royaume de la mort a retenti la voix de Dieu. L'impensable a eu lieu : c'est-à-dire que l'Amour a pénétré "dans les enfers" : dans l'obscurité extrême de la solitude humaine la plus absolue également, nous pouvons écouter une voix qui nous appelle et trouver une main qui nous prend et nous conduit au dehors. L'être humain vit pour le fait qu'il est aimé et qu'il peut aimer ; et si dans l'espace de la mort également, a pénétré l'amour, alors là aussi est arrivée la vie. A l'heure de la solitude extrême, nous ne serons jamais seuls : "Passio Christi. Passio hominis".

 

Tel est le mystère du Samedi Saint! Précisément de là, de l'obscurité de la mort du Fils de Dieu est apparue la lumière d'une espérance nouvelle : la lumière de la Résurrection. Et bien, il me semble qu'en regardant ce saint linceul avec les yeux de la foi, on perçoit quelque chose de cette lumière. En effet, le Saint-Suaire a été immergé dans cette obscurité profonde, mais il est dans le même temps lumineux ; et je pense que si des milliers et des milliers de personnes viennent le vénérer, sans compter celles qui le contemplent à travers les images – c'est parce qu'en lui, elles ne voient pas seulement l'obscurité, mais également la lumière ; pas tant l'échec de la vie et de l'amour, mais plutôt la victoire, la victoire de la vie sur la mort, de l'amour sur la haine ; elles voient bien la mort de Jésus, mais elles entrevoient sa Résurrection ; au sein de la mort bat à présent la vie, car l'amour y habite. Tel est le pouvoir du Saint-Suaire : du visage de cet "Homme des douleurs", qui porte sur lui la passion de l'homme de tout temps et de tout lieu, nos passions, nos souffrances, nos difficultés, nos péchés également – "Passio Christi. Passio hominis" – de ce visage émane une majesté solennelle, une grandeur paradoxale. Ce visage, ces mains et ces pieds, ce côté, tout ce corps parle, il est lui-même une parole que nous pouvons écouter dans le silence. Que nous dit le Saint-Suaire? Il parle avec le sang, et le sang est la vie! Le Saint-Suaire est une Icône écrite avec le sang ; le sang d'un homme flagellé, couronné d'épines, crucifié et transpercé au côté droit. L'image imprimée sur le Saint-Suaire est celle d'un mort, mais le sang parle de sa vie. Chaque trace de sang parle d'amour et de vie. En particulier cette tâche abondante à proximité du flanc, faite de sang et d'eau ayant coulé avec abondance par une large blessure procurée par un coup de lance romaine, ce sang et cette eau parlent de vie. C'est comme une source qui murmure dans le silence, et nous, nous pouvons l'entendre, nous pouvons l'écouter, dans le silence du Samedi Saint.

 

Saint Suaire    

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21 avril 2011 4 21 /04 /avril /2011 09:57

Discours du Pape Benoît XVI aux participants du Congrès organisé par la Congrégation pour le Clergé sur le thème « Fidélité du Christ, fidélité du prêtre », le 12 mars 2010.

 

Messieurs les cardinaux,

Chers confrères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,

Chers participants,

 

Je suis heureux de vous rencontrer en cette occasion particulière et je vous salue tous avec affection (…). Je me réjouis de cette initiative, qui voit la présence de plus de 50 évêques et de plus de 500 prêtres, dont un grand nombre sont responsables nationaux ou diocésains du clergé et de la formation permanente. Votre attention à l'égard des thèmes concernant le sacerdoce ministériel est l'un des fruits de cette Année spéciale, que j'ai voulu proclamer précisément pour « promouvoir un engagement de renouveau intérieur de tous les prêtres afin de rendre plus incisif et vigoureux leur témoignage évangélique dans le monde d'aujourd'hui » (Lettre pour l'indiction de l'Année sacerdotale; cf. ORLF n. 25 du 23 juin 2009).

 

Le thème de l'identité sacerdotale, objet de votre première journée d'étude est déterminant pour l'exercice du sacerdoce ministériel à l'heure actuelle et à l'avenir. A une époque comme la nôtre, si « polycentrique » et qui tend à amoindrir tout type de conception identitaire, considérée par beaucoup comme contraire à la liberté et à la démocratie, il est important d'avoir clairement à l'esprit la particularité théologique du Ministère ordonné pour ne pas céder à la tentation de le réduire aux catégories culturelles dominantes. Dans un contexte de sécularisation diffuse, qui exclut progressivement Dieu du domaine public, et, tendanciellement, également de la conscience sociale commune, le prêtre apparaît souvent « étranger » au sentiment commun, précisément en raison des aspects les plus fondamentaux de son ministère, comme ceux d'être l'homme du sacré, en retrait du monde pour intercéder en faveur du monde, constitué, dans cette mission, par Dieu et non par les hommes (cf. He 5, 1). Pour cette raison, il est important de surmonter de dangereux réductionnismes, qui, dans les décennies passées, en utilisant des catégories plus fonctionnalistes qu'ontologiques, ont présenté le prêtre presque comme un « agent social », risquant de trahir le sacerdoce du Christ lui-même. De même que se révèle toujours plus urgente l'herméneutique de la continuité, pour comprendre de manière adaptée les textes du Concile œcuménique Vatican II, se fait aussi jour la nécessité d'une herméneutique que nous pourrions définir « de la continuité sacerdotale », qui, partant de Jésus de Nazareth, Seigneur et Christ, et passant à travers les deux mille ans de l'Histoire de grandeur et de sainteté, de culture et de piété, que le sacerdoce a écrit dans le monde, parvienne jusqu'à notre époque.

 

Chers frères prêtres, à l'époque où nous vivons, il est particulièrement important que l'appel à participer à l'unique sacerdoce du Christ dans le Ministère ordonné fleurisse dans le « charisme de la prophétie » : il y a un grand besoin de prêtres qui parlent de Dieu au monde et qui présentent le monde à Dieu ; d'hommes qui ne soient pas sujets à des modes culturelles éphémères, mais capables de vive authentiquement cette liberté que seule la certitude de l'appartenance à Dieu est en mesure de donner. Comme votre congrès l'a bien souligné, la prophétie aujourd'hui la plus nécessaire est celle de la fidélité, qui à partir de la Fidélité du Christ à l'humanité, à travers l'Eglise et le sacerdoce ministériel, conduise à vivre son propre sacerdoce en totale adhésion au Christ et à l'Eglise. En effet, le prêtre n'appartient plus à lui-même, mais, par le sceau sacramentel reçu (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique, nn. 1563 ; 1582), il est « propriété » de Dieu. Ce fait d'« être à un Autre » doit devenir reconnaissable par tous, à travers un témoignage transparent.

 

Dans la manière de penser, de parler, de juger les faits du monde, de servir et d'aimer, de se mettre en relation avec les personnes, même dans l'habit, le prêtre doit tirer la force prophétique de son appartenance sacramentelle, de son être profond. En conséquence, il doit avoir soin de se soustraire à la mentalité dominante, qui tend à associer la valeur du ministre non à son être, mais seulement à sa fonction, méconnaissant ainsi l'œuvre de Dieu, qui marque l'identité profonde de la personne du prêtre, le configurant à Lui de manière définitive (cf. ibid., n. 1583).

 

L'horizon de l'appartenance ontologique à Dieu constitue, en outre, le juste cadre pour comprendre et réaffirmer, également à notre époque, la valeur du célibat sacré, qui dans l'Eglise latine est un charisme requis par l'Ordre sacré (cf. Presbyterorum ordinis, n. 16) et qui est tenu en très grande considération dans les Eglises orientales (cf. CCEO, can. 373). Il est l'authentique prophétie du Royaume, signe de la consécration au Seigneur et aux « choses du Seigneur » avec un cœur indivis (1 Co 7, 32), une expression du don de soi à Dieu et aux autres (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique, n. 1579).

 

La vocation du prêtre est donc une très haute vocation, qui reste un grand Mystère également pour ceux qui l'ont reçue en don. Nos limites et nos faiblesses doivent nous pousser à vivre et à conserver avec une foi profonde ce don précieux, avec lequel le Christ nous a configurés à Lui, en nous faisant participer à sa Mission salvifique. En effet, la compréhension du sacerdoce ministériel est liée à la foi et demande, de manière toujours plus forte, une continuité radicale entre la formation du séminaire et la formation continue. La vie prophétique, sans compromis, avec laquelle nous servirons Dieu et le monde, en annonçant l'Evangile et en célébrant les sacrements, favorisera l'avènement du Royaume de Dieu déjà présent et la croissance du Peuple de Dieu dans la foi.

 

Très chers prêtres, les hommes et les femmes de notre temps nous demandent seulement d'être des prêtres jusqu'au bout et rien d'autre. Les fidèles laïcs trouveront chez tant d'autres personnes ce dont ils ont humainement besoin, mais ce n'est que chez le prêtre qu'ils pourront trouver cette parole de Dieu qui doit toujours être sur ses lèvres (cf. Presbyterorum ordinis, n. 4) ; la Miséricorde du Père, donnée de manière abondante et gratuite dans le sacrement de la Réconciliation; le Pain de la Vie nouvelle, « véritable nourriture donnée aux hommes » (cf. Hymne de l'Office de la Solennité du Corpus Domini du Rite romain). Nous demandons à Dieu, par l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie et de Saint Jean Marie Vianney, de pouvoir le remercier chaque jour pour le grand don de la vocation et de vivre avec une fidélité pleine et joyeuse notre sacerdoce.

 

 

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15 avril 2011 5 15 /04 /avril /2011 18:00

Extrait de l’Audience Générale du Pape Benoît XVI pour le mercredi des Cendres, le 17 janvier 2010.

 

L'Apôtre Paul nous donne une consigne précise en ces mots : « Nous vous exhortons encore à ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu [...] Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du Salut » (2 Co 6, 1-2). En vérité, dans la vision chrétienne de la vie, chaque moment doit se dire favorable et chaque jour doit se dire jour de Salut, mais la liturgie de l'Eglise rapporte ces paroles d'une façon toute particulière au cours du temps de Carême. C'est l'appel qui nous est adressé à travers le rite austère de l'imposition des cendres et qui s'exprime, dans la liturgie, par deux formules : « Convertissez-vous et croyez à l'Evangile! » « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière » qui nous fait justement comprendre que les quarante jours de préparation à Pâques doivent être un temps favorable et un temps de grâce.

 

Le premier appel est un appel à la conversion, un mot qu'il faut prendre dans son extraordinaire gravité, en accueillant sa surprenante nouveauté. L'appel à la conversion, en effet, met à nu et dénonce la superficialité facile qui caractérise très souvent notre façon de vivre. Se convertir signifie changer de direction sur le chemin de la vie : non pas à travers un simple ajustement, mais à travers une véritable inversion de marche. La conversion signifie aller à contre-courant, le « courant » étant le style de vie superficiel, incohérent et illusoire, qui nous entraîne souvent, nous domine et nous rend esclaves du mal, ou tout au moins prisonniers d'une médiocrité morale. Avec la conversion, au contraire, on vise le haut degré de la vie chrétienne, on se confie à l'Evangile vivant et personnel, qui est le Christ Jésus. Sa personne est l'objectif final et le sens profond de la conversion, Il est le chemin sur lequel tous sont appelés à marcher dans la vie, se laissant éclairer par sa lumière et soutenir par sa force qui fait avancer nos pas. De cette façon, la conversion manifeste son visage le plus splendide et fascinant : il ne s'agit pas d'une simple décision morale, qui rectifie notre conduite de vie, mais d'un choix de foi, qui nous touche entièrement dans la communion intime avec la personne vivante et concrète de Jésus. Se convertir et croire à l'Evangile ne sont pas deux choses différentes, ou d'une certaine façon uniquement placées l'une à côté de l'autre, mais elles expriment la même réalité. La conversion est le OUI total de celui qui remet son existence à l'Evangile, en répondant librement au Christ qui s'offre en premier à l'homme comme chemin, vérité et vie, comme celui qui seul le libère et le sauve. C'est précisément là le sens des premières paroles avec lesquelles, selon l'évangéliste Marc, Jésus ouvre la prédication de l'« Evangile de Dieu » : « Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à l'Evangile » (Mc 1, 15).

 

L'appel : « convertissez-vous et croyez à l'Evangile » ne se trouve pas seulement au début de la vie chrétienne, mais il en accompagne tous les pas, il demeure en se renouvelant et il se diffuse en se ramifiant dans toutes ses expressions. Chaque jour est un moment favorable et de grâce, car chaque jour nous invite à nous remettre entre les mains de Jésus, à avoir confiance en Lui, à demeurer en Lui, à en partager son style de vie, à apprendre de Lui l'amour véritable, à le suivre dans l'accomplissement quotidien de la volonté du Père, l'unique grande loi de la vie. Chaque jour, même lorsque ne manquent pas les difficultés et les épreuves, la lassitude et les chutes, même quand nous sommes tentés d'abandonner le chemin à la suite du Christ et de nous renfermer sur nous-mêmes, dans notre égoïsme, sans nous rendre compte de la nécessité que nous avons de nous ouvrir à l'amour de Dieu en Christ, pour vivre la même logique de justice et d'amour (…). Le moment favorable et de grâce du Carême nous montre sa propre signification spirituelle également à travers l'antique formule : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière », que le prêtre prononce lorsqu'il impose un peu de cendres sur notre tête (…). Ici, la parole de Dieu nous rappelle notre fragilité, et même notre mort, qui en est la forme extrême. Face à la peur innée de la fin, et encore davantage dans le contexte d'une culture qui, de tant de manières, tend à censurer la réalité et l'expérience humaine de la mort, la liturgie quadragésimale, d'une part, nous rappelle la mort en nous invitant au réalisme et à la sagesse, mais, d'autre part, nous pousse surtout à saisir et à vivre la nouveauté inattendue que la foi chrétienne transmet à la réalité de la mort elle-même.

 

L'homme est poussière et il retournera à la poussière, mais il est une poussière précieuse aux yeux de Dieu, parce que Dieu a créé l'homme en le destinant à l'immortalité. Ainsi, la formule liturgique : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière » trouve la plénitude de son sens en référence au nouvel Adam, le Christ. Le Seigneur Jésus lui aussi a librement voulu partager avec chaque homme le sort de la fragilité, en particulier à travers sa mort sur la Croix ; mais cette mort précisément, pleine de son amour pour le Père et pour l'humanité, a été le chemin de la glorieuse résurrection, à travers laquelle le Christ est devenu la source d'une grâce donnée à tous ceux qui croient en Lui et participent à la vie divine elle-même. Cette vie qui n'aura pas de fin est déjà en acte dans la phase terrestre de notre existence, mais elle sera portée à son accomplissement après la « résurrection de la chair ». Le petit geste de l'imposition des cendres nous révèle la richesse singulière de sa signification : c'est une invitation à parcourir le temps du Carême comme une immersion plus consciente et plus intense dans le mystère pascal du Christ, dans sa mort et sa résurrection, à travers la participation à l'Eucharistie et à la vie de charité, qui naît de l'Eucharistie et dans laquelle elle trouve son accomplissement. Avec l'imposition des cendres, nous renouvelons notre engagement à suivre Jésus, à nous laisser transformer par son mystère pascal, pour l'emporter sur le mal et faire le bien, pour faire mourir notre « vieil homme » lié au péché et faire naître l'« homme nouveau » transformé par la grâce de Dieu.

 

Chers amis ! (…) nous voulons invoquer avec une confiance particulière la protection et l'aide de la Vierge Marie. Que ce soit elle, la première croyante en Christ, à nous accompagner au cours de ces quarante jours d'intense prière et de sincère pénitence, pour arriver à célébrer, purifiés et entièrement renouvelés dans l'intelligence et dans l'esprit, le grand mystère de la Pâque de son Fils.

 

 

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14 avril 2011 4 14 /04 /avril /2011 17:46

Extrait de la Lettre Pastorale du Pape Benoît XVI aux Catholiques d’Irlande, publiée le 19 mars 2010 en la Solennité de Saint Joseph.

 

6. Aux victimes d'abus et à leurs familles

 

Vous avez terriblement souffert et j'en suis profondément désolé. Je sais que rien ne peut effacer le mal que vous avez subi. Votre confiance a été trahie, et votre dignité a été violée. Beaucoup d'entre vous, alors que vous étiez suffisamment courageux pour parler de ce qui vous était arrivé, ont fait l'expérience que personne ne vous écoutait. Ceux d'entre vous qui ont subi des abus dans les collèges doivent avoir eu l’impression qu'il n'y avait aucun moyen d'échapper à leurs souffrances. Il est compréhensible que vous trouviez difficile de pardonner ou de vous réconcilier avec l'Eglise. En son nom, je vous exprime ouvertement la honte et le remord que nous éprouvons tous. Dans le même temps, je vous demande de ne pas perdre l'espérance. C'est dans la communion de l'Eglise que nous rencontrons la personne de Jésus Christ, lui-même victime de l'injustice et du péché. Comme vous, il porte encore les blessures de sa souffrance injuste. Il comprend la profondeur de votre peine et la persistance de son effet dans vos vies et dans vos relations avec les autres, y compris vos relations avec l'Eglise. Je sais que certains d'entre vous trouvent également difficile d'entrer dans une église après ce qui s'est passé. Toutefois, les blessures mêmes du Christ, transformées par ses souffrances rédemptrices, sont les instruments grâce auxquels le pouvoir du mal s'est brisé et nous renaissons à la vie et à l'espérance. Je crois fermement dans le pouvoir de guérison de son amour sacrificiel – également dans les situations les plus sombres et sans espérance – qui apporte la libération et la promesse d'un nouveau départ.

 

En m'adressant à vous comme pasteur, soucieux du bien de tous les fils de Dieu, je vous demande avec humilité de réfléchir sur ce que je vous ai dit. Je prie afin que, en vous approchant du Christ et en participant à la vie de son Eglise – une Eglise purifiée par la pénitence et renouvelée dans la charité pastorale – vous puissiez redécouvrir l'amour infini du Christ pour chacun de vous. Je suis confiant dans le fait que, de cette manière, vous serez capables de trouver la réconciliation, une guérison intérieure profonde et la paix.

 

7. Aux prêtres et aux religieux qui ont abusé des enfants

 

Vous avez trahi la confiance placée en vous par de jeunes innocents et par leurs parents. Vous devez répondre de cela devant Dieu tout-puissant, ainsi que devant les tribunaux constitués à cet effet. Vous avez perdu l'estime des personnes en Irlande et jeté la honte et le déshonneur sur vos confrères. Ceux d'entre vous qui sont prêtres ont violé la sainteté du sacrement de l'Ordre sacré, dans lequel le Christ se rend présent en nous et dans nos actions. En même temps que le dommage immense causé aux victimes, un grand dommage a été perpétré contre l'Eglise et la perception publique du sacerdoce et de la vie religieuse.

 

Je vous exhorte à examiner votre conscience, à assumer la responsabilité des péchés que vous avez commis et à exprimer avec humilité votre regret. Le repentir sincère ouvre la porte au pardon de Dieu et à la grâce du véritable rachat. En offrant des prières et des pénitences pour ceux que vous avez offensés, vous devez chercher à faire personnellement amende pour vos actions. Le sacrifice rédempteur du Christ a le pouvoir de pardonner même le plus grave des péchés et de tirer le bien également du plus terrible des maux. Dans le même temps, la justice de Dieu exige que nous rendions compte de nos actions sans rien cacher. Reconnaissez ouvertement vos fautes, soumettez-vous aux exigences de la justice, mais ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu.

 

8. Aux parents

 

Vous avez été profondément bouleversés en apprenant les choses terribles qui eurent lieu dans ce qui aurait dû être le milieu le plus sûr de tous. Dans le monde d'aujourd'hui, il n'est pas facile de construire un foyer domestique et d'éduquer les enfants. Ils méritent de grandir dans un milieu protégé, aimés et désirés, avec un profond sens de leur identité et de leur valeur. Ils ont le droit d'être éduqués aux valeurs morales authentiques, enracinés dans la dignité de la personne humaine, à être inspirés par la vérité de notre foi catholique et à apprendre des manières de se comporter et d'agir qui les conduisent à une saine estime de soi et au bonheur durable. C'est à vous, leurs parents, qu'est confié en premier lieu ce devoir noble et exigeant. Je vous exhorte à accomplir votre part pour assurer le meilleur soin possible des enfants, que ce soit à la maison ou dans la société en général, alors que l'Eglise, pour sa part, continue à mettre en œuvre les mesures adoptées ces dernières années pour protéger les jeunes dans les milieux paroissiaux et éducatifs. Alors que vous exercez vos importantes responsabilités, soyez certains que je suis proche de vous et que je vous assure du soutien de ma prière.

 

9. Aux enfants et aux jeunes d'Irlande

 

Je désire vous offrir une parole particulière d'encouragement. Votre expérience d'Eglise est très différente de celle de vos parents et de vos grands-parents. Le monde a beaucoup changé depuis qu'ils avaient votre âge. Malgré cela, tous, à chaque génération, sont appelés à parcourir le même chemin de vie, indépendamment des circonstances. Nous sommes tous scandalisés par les péchés et les échecs de certains membres de l'Eglise, en particulier de ceux qui furent choisis de manière particulière pour guider et servir les jeunes. Mais c'est dans l'Eglise que vous trouverez Jésus Christ qui est le même hier, aujourd'hui et à jamais (cf. He 13, 8). Il vous aime et c'est pour cela qu'il s'est offert lui-même sur la Croix. Recherchez une relation personnelle avec lui dans la communion de son Eglise, car il ne trahira jamais votre confiance! Lui seul peut satisfaire vos attentes les plus profondes et donner à vos vies leur signification la plus pleine, en les orientant au service des autres. Gardez les yeux fixés sur Jésus et sur sa bonté et protégez dans votre cœur la flamme de la foi. Avec vos frères catholiques en Irlande, je me tourne vers vous pour que vous soyez de fidèles disciples de notre Dieu et que vous contribuiez, avec votre enthousiasme et votre idéalisme si nécessaires, à la reconstruction et au renouveau de notre Eglise bien-aimée.

 

10. Aux prêtres et aux religieux d'Irlande

 

Nous souffrons tous à la suite des péchés de nos confrères qui ont trahi une consigne sacrée ou qui n'ont pas affronté de manière juste et responsable les accusations d'abus. Face à l'outrage et à l'indignation que cela a provoqué, non seulement parmi les laïcs mais également parmi vous et vos communautés religieuses, un grand nombre d'entre vous se sentent personnellement découragés et même abandonnés. En outre, je suis conscient qu'aux yeux de certains vous apparaissez coupables par association, et que vous êtes vus comme si vous étiez en quelque sorte responsables des méfaits d'autres personnes. En ce temps de souffrance, je veux rendre acte du dévouement de votre vie de prêtres et de religieux et de vos apostolats, et je vous invite à réaffirmer votre foi en Christ, votre amour envers son Eglise et votre confiance dans la promesse de rédemption, de pardon et de renouveau intérieur de l'Evangile. De cette manière, vous démontrerez à tous que, là où le péché abonde, la grâce surabonde (cf. Rm 5, 20).

 

Je sais qu'un grand nombre d'entre vous sont déçus, déconcertés et fâchés pour la manière dont ces questions ont été affrontées par certains de vos supérieurs. Malgré cela, il est essentiel que vous collaboriez de près avec ceux qui représentent l'autorité et que vous vous prodiguiez pour faire en sorte que les mesures adoptées pour répondre à la crise soient vraiment évangéliques, justes et efficaces. Je vous exhorte en particulier à devenir de manière toujours plus claire des hommes et des femmes de prière, en suivant avec courage la voie de la conversion, de la purification et de la réconciliation. De cette manière, l'Eglise en Irlande tirera une nouvelle vie et vitalité de votre témoignage au pouvoir rédempteur du Seigneur rendu visible dans votre vie.

 

11. A mes frères évêques

 

On ne peut pas nier que certains d'entre vous et de vos prédécesseurs ont manqué, parfois gravement, dans l'application des normes du droit canonique codifiées depuis longtemps en ce qui concerne les crimes d'abus sur les enfants. De graves erreurs furent commises en traitant les accusations. Je comprends combien il était difficile de saisir l'étendue et la complexité du problème, d'obtenir des informations fiables et de prendre des décisions justes à la lumière de conseils divergents d'experts. Malgré cela, il faut admettre que de graves erreurs de jugement furent commises et que des manquements dans le gouvernement ont eu lieu. Tout cela a sérieusement miné votre crédibilité et efficacité. J'apprécie les efforts que vous avez accomplis pour porter remède aux erreurs du passé et pour assurer qu'elles ne se répètent pas. Outre à mettre pleinement en œuvre les normes du droit canonique en affrontant les cas d'abus sur les enfants, continuez à coopérer avec les autorités civiles dans le domaine de leur compétence. Les supérieurs religieux doivent clairement en faire tout autant. Ils ont, eux aussi, participé aux rencontres récentes, ici à Rome, pour établir une approche claire et cohérente de ces questions. Il est nécessaire que les normes de l'Eglise en Irlande pour la protection des enfants soient constamment revues et mises à jour et qu'elles soient appliquées de manière totale et impartiale, conformément au droit canonique.

 

Seule une action ferme menée de l'avant de manière pleinement honnête et transparente pourra rétablir le respect et l'affection des Irlandais envers l'Eglise, à laquelle nous avons consacré notre vie. Cela doit naître, avant tout, de l'examen de vos propres personnes, de la purification intérieure et du renouveau spirituel. La population irlandaise attend à juste titre que vous soyez des hommes de Dieu, que vous soyez saints, que vous viviez avec simplicité, que vous recherchiez chaque jour la conversion personnelle. Pour elle, selon l'expression de Saint Augustin, vous êtes des évêques, et pourtant avec eux vous êtes appelés à être des disciples du Christ (cf. Discours 340, 1). Je vous exhorte donc à renouveler votre sens des responsabilités devant Dieu, à croître dans la solidarité avec votre peuple et à approfondir votre sollicitude pastorale pour tous les membres de votre troupeau. Soyez en particulier sensibles à la vie spirituelle et morale de chacun de vos prêtres. Soyez un exemple à travers vos vies elles-mêmes, soyez proches d'eux, écoutez leurs préoccupations, offrez-leur votre encouragement en ce moment de difficulté et nourrissez la flamme de leur amour pour le Christ et leur engagement dans le service à leurs frères et sœurs.

 

Les laïcs doivent eux aussi être encouragés à jouer leur rôle dans la vie de l'Eglise. Faites en sorte qu'ils soient formés de telle manière qu'ils puissent rendre raison, de manière articulée et convaincante, de l'Evangile dans la société moderne (cf. 1 P 3, 15), et qu'ils coopèrent plus pleinement à la vie et à la mission de l'Eglise. Cela vous aidera également à recommencer à être des guides et des témoins crédibles de la vérité rédemptrice du Christ.

   

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13 avril 2011 3 13 /04 /avril /2011 09:04

Extrait de la Lettre Pastorale du Pape Benoît XVI aux Catholiques d’Irlande publiée le 19 mars 2010, en la Solennité de Saint Joseph.

 

1. Chers frères et sœurs de l’Eglise en Irlande, c'est avec une profonde préoccupation que je vous écris en tant que Pasteur de l'Eglise universelle. Comme vous, j'ai été profondément bouleversé par les nouvelles apparues concernant l'abus d'enfants et de jeunes vulnérables par des membres de l'Eglise en Irlande, en particulier par des prêtres et des religieux. Je ne peux que partager le désarroi et le sentiment de trahison que nombre d'entre vous ont ressentis en prenant connaissance de ces actes scandaleux et criminels et de la façon dont les autorités de l'Eglise en Irlande les ont affrontés.

 

Comme vous le savez, j'ai récemment invité les évêques irlandais à une rencontre ici, à Rome, pour rendre compte de la façon dont ils ont affronté ces questions par le passé et présenter les mesures qu'ils ont prises pour répondre à cette grave situation. Avec certains prélats de la Curie romaine, j'ai écouté ce qu'ils avaient à dire, tant individuellement qu'en groupe, tandis qu'ils présentaient une analyse des erreurs commises et des leçons apprises, et une description des programmes et des protocoles aujourd'hui mis en place. Nos réflexions ont été franches et constructives. Je nourris l'espoir que, par conséquent, les évêques se trouvent à présent dans une position plus forte pour accomplir le devoir de réparer les injustices du passé et pour affronter les thèmes plus vastes liés à l'abus des mineurs selon des modalités conformes aux exigences de la justice et aux enseignements de l'Evangile.

 

2. Pour ma part, compte tenu de la gravité de ces fautes, et de la réponse souvent inadéquate qui leur a été réservée de la part des autorités ecclésiastiques dans votre pays, j'ai décidé d'écrire cette Lettre pastorale pour vous exprimer ma proximité et vous proposer un chemin de guérison, de renouveau et de réparation.

 

En réalité, comme de nombreuses personnes dans votre pays l'ont observé, le problème de l'abus des mineurs n'est pas propre à l'Irlande, ni à l'Eglise. Toutefois, le devoir qui se présente désormais à vous est celui d'affronter le problème des abus qui ont lieu au sein de la communauté catholique irlandaise et de le faire avec courage et détermination. Personne ne peut imaginer que cette situation douloureuse sera résolue dans de brefs délais. Des progrès positifs ont été accomplis, mais il reste encore beaucoup à faire. La persévérance et la prière sont nécessaires, ainsi qu'une grande confiance dans la force de guérison de la grâce de Dieu.

 

Dans le même temps, je dois également exprimer ma conviction que, pour se reprendre de cette blessure douloureuse, l'Eglise qui est en Irlande doit en premier lieu reconnaître devant le Seigneur et devant les autres, les graves péchés commis contre des enfants sans défense. Une telle reconnaissance, accompagnée par une douleur sincère pour les préjudices portés à ces victimes et à leurs familles, doit conduire à un effort concerté afin d'assurer la protection des enfants contre de tels crimes à l'avenir.

 

Tandis que vous affrontez les défis de ce moment, je vous demande de vous rappeler du « rocher d'où l'on vous a taillés » (Is 51, 1). Réfléchissez aux contributions généreuses, souvent héroïques, offertes à l'Eglise et à l'humanité tout entière par les générations passées d'hommes et de femmes irlandais, et faites en sorte que cela constitue un élan pour un examen de conscience honnête et un programme de renouveau ecclésial et personnel convaincu. Je prie pour que, assistée par l'intercession de ses nombreux saints et purifiée par la pénitence, l'Eglise en Irlande surmonte la crise présente et redevienne un témoin convaincu de la vérité et de la bonté de Dieu tout-puissant, manifestées dans son Fils Jésus Christ.

 

3. Tout au long de l'histoire, les catholiques d'Irlande se sont révélés une immense force de bien tant dans leur patrie qu'à l'étranger. Des moines celtes comme Saint Colomban, diffusèrent l'Evangile en Europe occidentale en jetant les fondements de la culture monastique médiévale. Les idéaux de sainteté, de charité et de sagesse transcendante découlant de la foi chrétienne, ont trouvé une expression dans la construction d'églises et de monastères et dans l'institution d'écoles, de bibliothèques et d'hôpitaux qui contribuèrent à renforcer l'identité spirituelle de l'Europe. Ces missionnaires irlandais ont tiré leur force et leur inspiration de la foi ferme, de la direction solide et des comportements moraux justes de l'Eglise dans leur terre natale.

 

A partir du XVIe siècle, les catholiques d’Irlande ont subi une longue période de persécution, au cours de laquelle ils ont lutté pour maintenir vivante la flamme de la foi dans des circonstances dangereuses et difficiles. Saint Oliver Plunkett, l'archevêque martyr d'Armagh, est l'exemple le plus célèbre d'une multitude de fils et de filles courageux d'Irlande, prêts à donner leur vie pour la fidélité à l'Evangile. Après l'Emancipation catholique, l'Eglise fut libre de croître à nouveau. Des familles et d'innombrables personnes qui avaient préservé leur foi au cours de la période de l'épreuve, devinrent le moteur d'une grande renaissance du catholicisme irlandais au XIXe siècle. L'Eglise offrit l'éducation, en particulier aux pauvres, et cela devait apporter une contribution importante à la société irlandaise. Parmi les fruits des nouvelles écoles catholiques, figura une croissance des vocations : des générations de prêtres, de religieuses et de frères missionnaires quittèrent leur patrie pour servir sur chaque continent, en particulier dans le monde anglophone. Ils furent admirables non seulement en raison de leur grand nombre, mais également en raison de la force de leur foi et de la solidité de leur engagement pastoral. De nombreux diocèses, en particulier en Afrique, en Amérique et en Australie, ont bénéficié de la présence de clergé et de religieux irlandais qui prêchèrent l'Evangile et fondèrent des paroisses, des écoles et des universités, des cliniques et des hôpitaux, qui servirent tant les catholiques, que la société en général, avec une attention particulière pour les besoins des pauvres.

 

Dans presque toutes les familles d'Irlande, il y a eu quelqu'un – un fils ou une fille, une tante ou un oncle – qui a donné sa vie à l'Eglise. Les familles irlandaises nourrissent à juste titre une grande estime et une grande affection pour leurs proches qui ont consacré leur vie au Christ, en partageant le don de la foi avec d'autres et en mettant en pratique cette foi dans le service généreux de Dieu et du prochain.

 

4. Au cours des dernières décennies, toutefois, l'Eglise dans votre pays a dû affronter de nouveaux et graves défis à la foi, découlant de la transformation et de la sécularisation rapides de la société irlandaise. Un changement social très rapide a eu lieu, qui a souvent eu des effets contraires à l’adhésion traditionnelle des personnes à l'égard de l'enseignement et des valeurs catholiques. Très souvent, les pratiques sacramentelles et de dévotion qui soutiennent la foi et lui permettent de croître, comme par exemple la confession fréquente, la prière quotidienne et les retraites annuelles, ont été négligées. Au cours de cette période, apparut également la tendance déterminante, également de la part de prêtres et de religieux, à adopter des façons de penser et à considérer les réalités séculières sans référence suffisante à l'Evangile. Le programme de renouveau proposé par le Concile Vatican II fut parfois mal interprété et en vérité, à la lumière des profonds changements sociaux qui avaient lieu, il était très difficile de comprendre comment les appliquer de la meilleure façon possible. En particulier, il y eut une tendance, dictée par de justes intentions, mais erronée, une tendance à éviter les approches pénales à l'égard de situations canoniques irrégulières. C'est dans ce contexte général que nous devons chercher à comprendre le problème déconcertant de l'abus sexuel des enfants, qui a contribué de façon très importante à l'affaiblissement de la foi et à la perte de respect pour l'Eglise et pour ses enseignements.

 

Ce n'est qu'en examinant avec attention les nombreux éléments qui ont donné naissance à la crise actuelle qu'il est possible d'entreprendre un diagnostic clair de ses causes et de trouver des remèdes efficaces. Il est certain que parmi les facteurs qui y ont contribué, nous pouvons citer :

- des procédures inadéquates pour déterminer l'aptitude des candidats au sacerdoce et à la vie religieuse ;

- une formation humaine, morale, intellectuelle et spirituelle insuffisante dans les séminaires et les noviciats ;

- une tendance dans la société à favoriser le clergé et d'autres figures d'autorité, ainsi qu'une préoccupation déplacée pour la réputation de l'Eglise et pour éviter les scandales, qui a eu pour résultat de ne pas appliquer les peines canoniques en vigueur et de ne pas protéger la dignité de chaque personne.

Il faut agir avec urgence pour affronter ces facteurs, qui ont eu des conséquences si tragiques pour les vies des victimes et de leurs familles et qui ont assombri la lumière de l'Evangile à un degré tel que même des siècles de persécution n'étaient pas parvenus à atteindre.

 

5. En plusieurs occasions depuis mon élection au Siège de Pierre, j'ai rencontré des victimes d'abus sexuels, et je suis disposé à le refaire à l'avenir. Je me suis arrêté pour parler avec eux, j'ai écouté leurs récits, j'ai pris acte de leur souffrance, j'ai prié avec eux et pour eux. Auparavant, au cours de mon pontificat, soucieux d'affronter ce thème, j'avais demandé aux évêques d'Irlande, à l'occasion de leur visite ad limina de 2006, d'« établir la vérité sur ce qui est arrivé par le passé, de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que cela ne se reproduise à l'avenir, d'assurer que les principes de justice soient pleinement respectés et, surtout, de soutenir les victimes et tous ceux qui sont victimes de ces crimes monstrueux » (Discours aux évêques d'Irlande, 28 octobre 2006).

   

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9 avril 2011 6 09 /04 /avril /2011 10:24

Discours du Pape Benoît XVI à l’Assemblée plénière de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 15 janvier 2010.

 

Messieurs les cardinaux,

Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,

Très chers fidèles collaborateurs,

 

C'est pour moi un motif de grande joie de vous rencontrer à l'occasion de l'assemblée plénière et de vous manifester mes sentiments de profonde reconnaissance et d'appréciation cordiale pour le travail que vous effectuez au service du Successeur de Pierre dans son ministère de confirmer ses frères dans la foi (cf. Lc 22, 32).

 

(…) Je désire souligner que votre Congrégation participe au ministère de l'unitéqui est confié, de manière particulière, au Pontife Romain, à travers son engagement pour la fidélité doctrinale. En effet, l'unité est en premier lieuunité de foi, soutenue par le dépôt sacré, dont le Successeur de Pierre est le premier gardien et défenseur. Confirmer les frères dans la foi, en les gardant unis dans la confession du Christ crucifié et ressuscité, constitue pour celui qui siège sur la Chaire de Pierre le devoir premier et fondamental que lui a confié Jésus. C'est un service incontournable, dont dépend l'efficacité de l'action évangélisatrice de l'Eglise jusqu'à la fin des siècles.

 

L'Evêque de Rome, à lapotestas docendiduquel participe votre Congrégation, est constamment tenu de proclamer : « Dominus Iesus »« Jésus est le Seigneur ». En effet, lapotestas docendi comporte l'obéissance de la foi, afin que la Vérité qui est le Christ continue à resplendir dans sa grandeur et à retentir pour tous les hommes dans son intégrité et sa pureté, de sorte qu'il n'y ait qu'un unique troupeau, rassemblé autour de l'unique pasteur.

 

Parvenir au témoignage commun de la foi de tous les chrétiens constitue donc la priorité de l'Eglise de chaque époque, dans le but de conduire tous les hommes à la rencontre avec Dieu. Dans cet esprit, je compte en particulier sur l'engagement du dicastère pour que soient surmontés les problèmes doctrinaux qui demeurent encore, afin de parvenir à la pleine communion avec l'Eglise de la part de laFraternité Saint Pie X.

 

Je désire, en outre, me réjouir de l'engagement en faveur de la pleine intégration de groupes de fidèles et de personnes, appartenant auparavant à l'anglicanisme, dans la vie de l'Eglise catholique, selon ce qui est établi dans la Constitution apostolique Anglicanorum coetibus. La fidèle adhésion de ces groupes à la vérité reçue du Christ et proposée par le Magistère de l'Eglise n'est en aucune manière contraire au mouvement œcuménique, mais révèle en revanche son objectif ultime qui consiste à parvenir à la communion pleine et visible des disciples du Seigneur.

 

Dans le précieux service que vous rendez au Vicaire du Christ, j'ai à cœur de rappeler également que la Congrégation pour la doctrine de la foi, en septembre 2008, a publié l'InstructionDignitas personaesur plusieurs questions de bioéthique. Après l'encycliqueEvangelium vitaedu serviteur de DieuJean-Paul II, en mars 1995, ce document doctrinal, centré sur le thème de la dignité de la personne, créée en Christ et pour le Christ, représente un nouveau point de référence dans l'annonce de l'Evangile, en pleine continuité avec l'InstructionDonum vitae, publiée par ce dicastère en février 1987.

 

A propos de thèmes aussi délicats et actuels que ceux concernant la procréation et les nouvelles propositions thérapeutiques qui comportent la manipulation de l'embryon et du patrimoine génétique humain, l'Instruction a rappelé que « la valeur éthique de la science biomédicale se mesure par sa référence tant au respect inconditionné dû à tout être humain, à chaque instant de son existence, qu'à la sauvegarde de la spécificité des actes personnels qui transmettent la vie » (Instr.Dignitas personae, n. 10 ; cf.ORLFn. 51 du 23 décembre 2008). C'est ainsi que le Magistère de l'Eglise entend offrir sa propre contribution à la formation de la conscience non seulement des croyants, mais de tous ceux qui recherchent la vérité et entendent être à l'écoute des arguments qui proviennent de la foi, mais également de la raison elle-même. L'Eglise, en proposant des évaluations morales pour la recherche biomédicale sur la vie humaine, puise en effet à la lumière autant de la raison que de la foi (cf.ibid., n. 3), dans la mesure où sa conviction est que « ce qui est humain est non seulement écouté et respecté par lafoi, mais il est aussi purifié, élevé et porté à la perfection » (ibid., n. 7).

 

Dans ce contexte est également apportée une réponse à la mentalité diffuse selon laquelle la foi est présentée comme un obstacle à la liberté et à la recherche scientifique, car elle serait constituée par un ensemble de préjugés qui empêcheraient la compréhension objective de la réalité. Face à une telle attitude, qui tend à remplacer la vérité par le consensus, fragile et facilement manipulable, la foi chrétienne offre en revanche une contribution de vérité également dans le domaine éthique et philosophique, en ne fournissant pas des solutions préconstituées à des problèmes concrets, comme la recherche et l'expérimentation biomédicale, mais en proposant des perspectives morales fiables au sein desquelles la raison humaine peut rechercher et trouver des solutions valables.

 

En effet, il existe des contenus déterminés de la révélation chrétienne qui éclairent les problématiques bioéthiques : la valeur de la vie humaine, la dimension relationnelle et sociale de la personne, le lien entre l'aspect unifiant et l'aspect procréatif de la sexualité, la place centrale de la famille fondée sur le mariage d'un homme et d'une femme. Ces contenus, inscrits dans le cœur de l'homme, sont compréhensibles également de manière rationnelle comme des éléments de la loi morale naturelle et peuvent trouver un accueil également chez ceux qui ne se reconnaissent pas dans la foi chrétienne.

 

La loi morale naturelle n'est pas exclusivement ou avant tout confessionnelle, même si la Révélation chrétienne et l'accomplissement de l'homme dans le mystère du Christ en illumine et développe en plénitude la doctrine. Comme l'affirme leCatéchisme de l'Eglise catholique, celle-ci « indique les normes primordiales et essentielles qui réglementent la vie morale » (n. 1955). Fondée dans la nature humaine elle-même et accessible à toute créature rationnelle, la loi morale naturelle constitue ainsi la base pour entrer en dialogue avec tous les hommes qui recherchent la vérité et, de manière plus générale, avec la société civile et séculière. Cette loi, inscrite dans le cœur de chaque homme, touche l'un des points essentiels de la réflexion sur le droit et interpelle également la conscience et la responsabilité des législateurs.

 

En vous encourageant à poursuivre votre service exigeant et important, je désire vous exprimer également en cette circonstance ma proximité spirituelle, en donnant de tout cœur à chacun de vous, en gage d'affection et de gratitude, ma Bénédiction apostolique.

 

 

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7 avril 2011 4 07 /04 /avril /2011 17:43

Homélie du Pape Benoît XVI pour la 14e Journée de la Vie Consacrée, le 2 février 2010.

 

Chers frères et sœurs,

 

(…) La brève lecture tirée de la Lettre aux Hébreux qui vient d'être proclamée unit bien les motifs qui sont à l'origine de cette belle fête significative et nous offre quelques éléments de réflexion. Ce texte – il s'agit de deux versets, mais très denses – ouvre la seconde partie de la Lettre aux Hébreux, introduisant le thème central du Christ grand prêtre. Il faudrait, en vérité, prendre aussi en compte le verset qui précède immédiatement, et qui dit : "Donc, puisque nous avons un grand prêtre qui a pénétré les cieux, Jésus, Fils de Dieu, demeurons fermes dans la profession de notre foi" (He 4, 14). Ce verset montre Jésus qui monte vers le Père ; le suivant le montre qui descend vers les hommes. Le Christ est présenté comme le médiateur : il est vrai Dieu et vrai homme, il appartient par conséquent réellement au monde divin et au monde humain.

 

En réalité, c'est justement et seulement à partir de cette foi, de cette profession de foi en Jésus Christ, le Médiateur unique et définitif, qu'une vie consacrée a son sens dans l'Eglise, une vie consacrée à Dieu à travers le Christ. Elle n'a un sens que s'Il est vraiment médiateur entre Dieu et nous, autrement, il ne s'agirait que d'une forme de sublimation ou d'évasion. Si le Christ n'était pas vraiment Dieu, et s'il n'était pas en même temps pleinement homme, le fondement de la vie chrétienne en tant que telle disparaîtrait, et, de façon tout à fait particulière, le fondement de toute consécration chrétienne de l'homme et de la femme disparaîtrait. En effet, la vie consacrée témoigne et exprime justement de façon "forte" le fait que Dieu et l'homme se cherchent réciproquement, l'amour qui les attire ; la personne consacrée, du fait même qu'elle existe, représente comme un "pont" vers Dieu pour tous ceux qui la rencontrent, un rappel, un renvoi. Et tout cela grâce à la médiation de Jésus Christ, le Consacré du Père. Le fondement, c'est Lui! Lui, qui a partagé notre fragilité, afin que nous puissions participer de sa nature divine.

 

Notre texte insiste, plus que sur la foi, sur la "confiance" avec laquelle nous pouvons nous approcher du "trône de la grâce", du moment que notre grand prêtre a été, Lui-même, "mis à l'épreuve, en toute chose comme nous". Nous pouvons nous approcher pour recevoir "miséricorde", "trouver grâce", et pour "être aidés au moment opportun". Il me semble que ces paroles contiennent une grande vérité et en même temps un grand réconfort pour nous qui avons reçu le don et l'engagement d'une consécration spéciale dans l'Eglise. Je pense en particulier à vous, chers sœurs et frères. Vous vous êtes approchés avec une confiance totale du "trône de la grâce" qui est le Christ, de sa Croix, de son Cœur, de sa divine présence dans l'Eucharistie. Chacun de vous s'est approché de Lui comme de la source de l'Amour pur et fidèle, un amour si grand et si beau qu'il mérite tout, et même plus que notre tout, parce qu'une vie entière ne suffit pas à lui rendre ce que le Christ est et ce qu'il a fait pour nous. Mais vous vous êtes approchés et chaque jour, vous vous approchez de Lui, même pour être aidés au moment opportun et à l'heure de l'épreuve.

 

Les personnes consacrées sont appelées d'une façon particulière à être des témoins de cette miséricorde du Seigneur, dans laquelle l'homme trouve son Salut. Elles maintiennent vivante l'expérience du pardon de Dieu, parce qu'elles ont conscience d'être des personnes sauvées, d'être grandes quand elles se reconnaissent petites, de se sentir renouvelées et enveloppées de la sainteté de Dieu quand elles reconnaissent leur péché. C'est pourquoi, pour l'homme d'aujourd'hui aussi, la vie consacrée reste une école privilégiée de la "componction du cœur", de la reconnaissance humble de sa propre misère, mais pareillement, elle reste une école de la confiance dans la miséricorde de Dieu, dans son amour qui n'abandonne jamais. En réalité, plus on s'approche de Dieu, plus on est proche de Lui, plus on est utile aux autres. Les personnes consacrées font l'expérience de la grâce, de la miséricorde, et du pardon de Dieu non seulement pour elles-mêmes, mais aussi pour leurs frères, en étant appelées à porter dans leur cœur et dans la prière les angoisses et les attentes des hommes, spécialement de ceux qui sont loin de Dieu. En particulier, les communautés qui vivent en clôture, avec leur engagement spécifique de fidélité à "demeurer avec le Seigneur", à "demeurer au pied de la Croix", exercent souvent ce rôle de vicaire, unies au Christ de la Passion, en prenant sur elles les souffrances et les épreuves des autres et en offrant toute chose avec joie pour le Salut du monde.

 

Enfin, chers amis, nous voulons élever au Seigneur un hymne d'action de grâce et de louange pour la vie consacrée elle-même. Si elle n'existait pas, le monde serait tellement plus pauvre! Au-delà des évaluations fonctionnelles superficielles, la vie consacrée est importante justement du fait qu'elle est signe de gratuité et d'amour, et cela d'autant plus dans une société qui risque d'être étouffée dans le tourbillon de l'éphémère et de l'utile (cf. Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata, n. 105). Au contraire, la vie consacrée témoigne de la surabondance d'amour qui pousse à "perdre" sa vie, en réponse à la surabondance d'amour du Seigneur qui, le premier, a "perdu" sa vie pour nous. En ce moment, je pense aux personnes consacrées qui sentent le poids de la fatigue quotidienne pauvre en gratifications humaines, je pense aux religieux et aux religieuses âgés, malades, à ceux qui se sentent en difficulté dans leur apostolat... Aucun d'entre eux n'est inutile, parce que le Seigneur les associe au "trône de la grâce". Ils sont au contraire un don précieux pour l'Eglise et pour le monde, assoiffé de Dieu et de sa Parole.

 

Pleins de confiance et de reconnaissance, nous renouvelons donc nous aussi notre geste d'offrande totale de nous-mêmes en nous présentant au Temple. Que l'Année sacerdotale soit une occasion supplémentaire pour les religieux prêtres, d'intensifier leur chemin de sanctification, et, pour tous les consacrés et les consacrées, un encouragement pour accompagner et soutenir leur ministère à travers leur prière fervente.

 

 

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6 avril 2011 3 06 /04 /avril /2011 17:01

Discours du Pape Benoît XVI à l’Assemblée Générale de l’Académie Pontificale pour la vie, le 13 février 2010.

 

Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Illustres membres de l'Académie pontificale pour la vie,

Mesdames et messieurs,

 

Je suis heureux de vous accueillir et de vous saluer cordialement à l'occasion de l'Assemblée générale de l'Académie pontificale pour la vie, appelée à réfléchir sur des thèmes concernant le rapport entre bioéthique et loi naturelle, qui apparaissent toujours plus importants dans le contexte actuel du fait des constants développements dans ce domaine scientifique (…). Les problématiques qui tournent autour du thème de la bioéthique permettent de vérifier à quel point les questions sous-jacentes mettent au premier plan la question anthropologique. Comme je l'affirme dans ma dernière lettre encyclique, Caritas in veritate : « Un domaine primordial et crucial de l'affrontement culturel entre la technique considérée comme un absolu et la responsabilité morale de l'homme est aujourd'hui celui de la bioéthique, où se joue de manière radicale la possibilité même d'un développement humain intégral. Il s'agit d'un domaine particulièrement délicat et décisif, où émerge avec une force dramatique la question fondamentale de savoir si l'homme s'est produit lui-même ou s'il dépend de Dieu. Les découvertes scientifiques en ce domaine et les possibilités d'intervention technique semblent tellement avancées qu'elles imposent de choisir entre deux types de rationalité, celle de la raison ouverte à la transcendance et celle d'une raison close dans l'immanence technologique » (n. 74). Face à de telles questions, qui touchent de façon si décisive la vie humaine dans sa tension permanente entre immanence et transcendance, et qui ont une grande importance pour la culture des générations à venir, il est nécessaire de mettre en œuvre un projet pédagogique intégral, qui permette d'affronter de telles thématiques dans une vision positive, équilibrée et constructive, surtout dans le rapport entre la foi et la raison.

 

Les questions de bioéthique mettent souvent au premier plan le rappel de la dignité de la personne, un principe fondamental que la foi en Jésus Christ crucifié et ressuscité a toujours défendu, surtout lorsqu'il est négligé quand il s'agit de sujets plus simples et sans défense : Dieu aime chaque être humain de façon unique et profonde. Comme toute discipline, la bioéthique aussi a besoin d'un rappel capable de garantir une lecture cohérente des questions éthiques, qui, inévitablement, sont soulevées par les conflits d'interprétation possibles. C'est dans cet espace que s'ouvre le rappel normatif à la loi morale naturelle. La reconnaissance de la dignité humaine, en effet, en tant que droit inaliénable, trouve son premier fondement dans cette loi – qui n'est pas écrite par la main de l'homme, mais est inscrite par le Dieu Créateur dans le cœur de l'homme –, que toutes les législations sont appelées à reconnaître comme inviolable et que toute personne est tenue de respecter et de promouvoir (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique, nn. 1954-1960). Sans le principe fondamental de la dignité humaine, il serait très difficile de trouver une source des droits de la personne, et impossible d'arriver à un jugement éthique face aux conquêtes de la science qui interviennent directement dans la vie humaine. Il est par conséquent nécessaire de répéter avec fermeté qu'il n'existe pas de compréhension de la dignité humaine liée seulement à des éléments extérieurs comme le progrès de la science, les étapes de la formation de la vie humaine, ou une piété facile devant des situations limites. Lorsque l'on invoque le respect de la dignité de la personne, il est fondamental qu'il soit complet, total, et sans contraintes, sauf celle de reconnaître que l'on se trouve toujours devant une vie humaine. Certes, la vie humaine connaît un développement propre, et l'horizon des recherches scientifiques et de la bioéthique est ouvert, mais il faut répéter que lorsqu'il s'agit de domaines relatifs à l'être humain, les scientifiques ne peuvent jamais penser qu'ils ont entre les mains seulement de la matière inanimée, et manipulable. En effet, dès le premier instant, la vie de l'homme est caractérisée par le fait d'être vie humaine, et pour cette raison, elle est toujours, partout et malgré tout, porteuse d'une dignité propre (cf. Congr. pour la doctrine de la foi, Instruction Dignitas personae sur certaines questions de bioéthique, n. 5). Sinon, nous nous trouverions toujours devant le danger d'une utilisation instrumentale de la science, avec cette inévitable conséquence de tomber facilement dans l'arbitraire, dans la discrimination, et dans l'intérêt économique du plus fort.

 

Conjuguer bioéthique et loi morale naturelle permet de vérifier au mieux le rappel nécessaire et incontournable à la dignité que possède la vie humaine de façon intrinsèque, dès son premier instant jusqu'à sa fin naturelle. Au contraire, dans le contexte d'aujourd'hui, bien que le juste rappel des droits qui garantissent les droits de la personne émerge avec plus d'insistance, on remarque que de tels droits ne sont pas toujours reconnus à la vie humaine dans son développement naturel et au cours des étapes où elle est la plus faible. Une telle contradiction fait apparaître avec évidence l'engagement à assumer dans les différents milieux de la société et de la culture afin que la vie humaine soit toujours reconnue comme un sujet inaliénable de droit et jamais comme un objet soumis à l'arbitraire du plus fort. L'histoire a montré combien dangereux et délétère peut être un Etat qui légifère sur des questions qui touchent la personne et la société en prétendant être lui-même la source et le principe de l'éthique. Sans des principes universels qui permettent de vérifier un dénominateur commun pour toute l'humanité, le risque d'une dérive relativiste au niveau législatif ne doit absolument pas être sous-évalué (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique, n. 1959). La loi morale naturelle, forte de son caractère universel, permet de conjurer ce danger et surtout elle offre au législateur la garantie d'un respect authentique de la personne et de tout l'ordre de la Création. Elle se pose en force catalysante du consensus entre des personnes de cultures et de religions différentes et elle permet de dépasser les différences parce qu'elle affirme l'existence d'un ordre imprimé dans la nature par le Créateur et reconnu comme une instance de vrai jugement éthique rationnel pour chercher le bien et éviter le mal. La loi morale naturelle « appartient au grand patrimoine de la sagesse humaine que la Révélation, par sa lumière, a contribué à purifier et à développer davantage » (cf. Jean-Paul II, Discours à l'assemblée plénière de la Congrégation pour la doctrine de la foi, 6 février 2004).

 

Illustres membres de l'Académie pontificale pour la vie, dans le contexte actuel, votre engagement apparaît toujours plus délicat et difficile, mais la sensibilité croissante à l'égard de la vie humaine encourage à poursuivre avec un élan toujours plus grand et avec courage cet important service de la vie et de l'éducation aux valeurs évangéliques des générations futures. Je vous souhaite à tous de poursuivre l'étude et la recherche afin que l'œuvre de promotion et de défense de la vie soit toujours plus efficace et féconde.

 

 

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31 mars 2011 4 31 /03 /mars /2011 18:52

Audience générale du Pape Benoît XVI sur les Ordres Mendiants, le 13 janvier 2010.

 

Chers frères et sœurs,

 

(…) Nous nous penchons sur l'histoire du christianisme, pour voir comment se développe une histoire et comment elle peut être renouvelée. Dans celle-ci, nous pouvons voir que ce sont les saints, guidés par la lumière de Dieu, qui sont les authentiques réformateurs de la vie de l'Eglise et de la société. Maîtres à travers la parole et témoins à travers l'exemple, ils savent promouvoir un renouveau ecclésial stable et profond, car ils ont été eux-mêmes profondément renouvelés, ils sont en contact avec la véritable nouveauté : la présence de Dieu dans le monde. Cette réalité réconfortante, selon laquelle dans chaque génération naissent des saints qui apportent la créativité du renouveau, accompagne constamment l'histoire de l'Eglise parmi les tristesses et les aspects négatifs de son chemin. Nous voyons, en effet, siècle après siècle, naître également les forces de la réforme et du renouveau, car la nouveauté de Dieu est inexorable et donne toujours une force nouvelle pour aller de l'avant. C'est ce qui a eu lieu également au XIIIe siècle, avec la naissance et le développement extraordinaire des Ordres mendiants : un modèle de grand renouveau à une nouvelle époque historique. Ceux-ci furent appelés ainsi en raison de leur caractéristique de « mendier », c'est-à-dire d'avoir recours humblement au soutien économique des personnes pour vivre le vœu de pauvreté et accomplir leur mission évangélisatrice. Parmi les Ordres mendiants qui apparurent à cette époque, les plus connus et les plus importants sont les Frères mineurs et les Frères prêcheurs, connus comme franciscains et dominicains. Ils sont appelés ainsi en raison du nom de leurs fondateurs, respectivement François d'Assise et Dominique de Guzman. Ces deux grands saints eurent la capacité de lire avec intelligence « les signes des temps », percevant les défis que devait affronter l'Eglise de leur temps.

 

Un premier défi était représenté par l'expansion de divers groupes et mouvements de fidèles qui, bien qu'inspirés par un désir légitime d'authentique vie chrétienne, se plaçaient souvent en dehors de la communion ecclésiale. Ils étaient en profonde opposition avec l'Eglise riche et belle qui s'était développée précisément avec la diffusion du monachisme (…). De façon logique, s'était ainsi développée, dans un premier temps, une Eglise riche de propriété et également de biens immobiliers. Contre cette Eglise on opposa l'idée que le Christ vint sur terre pauvre et que la véritable Eglise aurait dû être précisément l'Eglise des pauvres ; le désir d'une véritable authenticité chrétienne s'opposa ainsi à la réalité de l'Eglise empirique. Il s'agit de ce que l'on a appelé les mouvements paupéristes du Moyen Age. Ils contestaient durement la façon de vivre des prêtres et des moines de l'époque, accusés d'avoir trahi l'Evangile et de ne pas pratiquer la pauvreté comme les premiers chrétiens, et ces mouvements opposèrent au ministère des évêques une véritable « hiérarchie parallèle ». En outre, pour justifier leurs choix, ils diffusèrent des doctrines incompatibles avec la foi catholique. Par exemple, le mouvement des cathares ou des albigeois reproposa d'antiques hérésies, comme la dévalorisation et le mépris du monde matériell'opposition à la richesse devint rapidement une opposition à la réalité matérielle en tant que telle – la négation de la libre volonté, puis le dualisme, l'existence d'un second principe, du mal comparé à Dieu. Ces mouvements eurent du succès, spécialement en France et en Italie, non seulement en vertu de leur solide organisation, mais également parce qu'ils dénonçaient un désordre réel dans l'Eglise, provoqué par le comportement peu exemplaire de divers représentants du clergé.

 

Les franciscains et les dominicains, dans le sillage de leurs fondateurs, montrèrent en revanche qu'il était possible de vivre la pauvreté évangélique, la vérité de l'Evangile comme telle, sans se séparer de l'Eglise ; ils montrèrent que l'Eglise reste le vrai, l'authentique lieu de l'Evangile et de l'Ecriture. Plus encore, Dominique et François tirèrent justement de l'intime communion avec l'Eglise et avec la papauté la force de leur témoignage. Avec un choix tout à fait original dans l'histoire de la vie consacrée, les membres de ces ordres non seulement renonçaient à la possession de biens personnels, comme le faisaient les moines depuis l'Antiquité, mais ils ne voulaient pas que fussent mis au nom de la communauté des terrains et des biens immobiliers. Ils entendaient ainsi témoigner d'une vie extrêmement sobre, pour être solidaires avec les pauvres et ne s'en remettre qu'à la Providence, vivre chaque jour de la Providence, de la confiance de se mettre entre les mains de Dieu. Ce style personnel et communautaire des ordres mendiants, uni à la totale adhésion à l'enseignement de l'Eglise et à son autorité, fut hautement apprécié par les Papes de l'époque, comme Innocent III et Honorius III, qui offrirent tout leur soutien à ces nouvelles expériences ecclésiales, en reconnaissant en elles la voix de l'Esprit. Et les fruits ne manquèrent pas : les groupes paupéristes qui s'étaient séparés de l'Eglise rentrèrent dans la communion ecclésiale où, lentement, ils trouvèrent une nouvelle dimension, avant de disparaître. Encore aujourd'hui, tout en vivant dans une société où prévaut souvent l'« avoir » sur l'« être », l'on est très sensible aux exemples de pauvreté et de solidarité, que les croyants offrent avec des choix courageux. Encore aujourd'hui, de semblables initiatives ne manquent pas : les mouvements, qui partent réellement de la nouveauté de l'Evangile et le vivent dans notre temps dans sa radicalité, en se mettant entre les mains de Dieu, pour servir leur prochain. Le monde, comme le rappelait Paul VI dans Evangelii nuntiandi, écoute volontiers les maîtres, quand ils sont aussi des témoins. Il s'agit d'une leçon à ne jamais oublier dans l'œuvre de diffusion de l'Evangile : être les premiers à vivre ce qui s'annonce, être le miroir de la charité divine.

 

Franciscains et dominicains furent des témoins, mais aussi des maîtres. En effet, une autre exigence répandue à leur époque était celle de l'instruction religieuse. Un grand nombre de fidèles laïcs, qui habitaient dans les villes en voie de grande expansion, désiraient pratiquer une vie chrétienne spirituellement intense. Ils essayaient donc d'approfondir la connaissance de la foi et d'être guidés sur le chemin difficile mais enthousiasmant de la sainteté. Les Ordres mendiants surent aussi avec bonheur aller à la rencontre de cette nécessité : l'annonce de l'Evangile dans la simplicité et dans sa profondeur et sa grandeur était un but, peut-être le but principal de ce mouvement. Avec beaucoup de zèle, en effet, ils se consacrèrent à la prédication. Les fidèles étaient très nombreux, souvent de véritables foules, à se réunir pour écouter les prédicateurs dans les églises et dans les lieux à ciel ouvert, pensons à saint Antoine par exemple. Des sujets proches de la vie des gens étaient traités, surtout la pratique des vertus théologales et morales, avec des exemples concrets, facilement compréhensibles. En outre, on enseignait des formes pour nourrir la vie de prière et la piété. Par exemple, les franciscains diffusèrent largement la dévotion relative à l'humanité du Christ, avec l'engagement d'imiter le Seigneur. L'on n'est donc pas surpris que fussent nombreux les fidèles, femmes et hommes, qui choisissaient de se faire accompagner sur le chemin chrétien par des frères franciscains et dominicains, directeurs spirituels et confesseurs recherchés et appréciés. Ainsi naquirent des associations de fidèles laïcs qui s'inspiraient de la spiritualité de Saint François et de Saint Dominique, adaptée à leur état de vie. Il s'agit du Tiers Ordre, tant franciscain que dominicain. En d'autres termes, la proposition d'une « sainteté laïque » conquit un grand nombre de personnes. Comme l'a rappelé le Concile œcuménique Vatican II, la vocation à la sainteté n'est pas réservée à quelques-uns, mais elle est universelle (cf. Lumen gentium, n. 40). Dans tous les états de vie, on trouve la possibilité de vivre l'Evangile selon les exigences de chacun d'eux. Encore aujourd'hui, tout chrétien doit tendre à la « haute mesure de la vie chrétienne », quel que soit l'état de vie auquel il appartient.

 

L'importance des Ordres mendiants s'accrut tellement au Moyen-âge que les institutions laïques, telles que les organisations du travail, les anciennes corporations et les autorités civiles elles-mêmes, avaient souvent recours à la consultation spirituelle des membres de ces Ordres pour la rédaction de leurs règlements et, parfois, pour la résolution des différends internes et externes. Les franciscains et les dominicains devinrent les animateurs spirituels de la cité médiévale. Avec une profonde intuition, ils mirent en œuvre une stratégie pastorale adaptée aux transformations de la société. Etant donné que de nombreuses personnes se déplaçaient des campagnes vers les villes, ils placèrent leurs couvents non plus dans des zones rurales mais urbaines. En outre, pour exercer leur activité au bénéfice des âmes, il était nécessaire de se déplacer selon les exigences pastorales. Effectuant un autre choix entièrement innovateur, les Ordres mendiants abandonnèrent le principe de la stabilité, typique du monachisme antique, pour choisir une autre manière d'agir. Les mineurs et les prêcheurs voyageaient d'un lieu à l'autre, avec ferveur missionnaire. En conséquence, ils se dotèrent d'une organisation différente par rapport à celle de la grande partie des Ordres monastiques. A la place de la traditionnelle autonomie dont jouissait chaque monastère, ils réservèrent une plus grande importance à l'Ordre en tant que tel et au Supérieur général, ainsi qu'à la structure des provinces. Ainsi, les mendiants étaient davantage disponibles pour les exigences de l'Eglise universelle. Cette flexibilité rendit possible l'envoi des frères les plus adaptés au déroulement de missions spécifiques et les Ordres mendiants atteignirent l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient, le nord de l'Europe. Avec cette flexibilité, le dynamisme missionnaire fut renouvelé.

 

Un autre grand défi était représenté par les transformations culturelles en cours pendant cette période. De nouvelles questions rendaient vivant le débat dans les universités, qui sont nées à la fin du XIIe siècle. Les mineurs et les prêcheurs n'hésitèrent pas à assumer également cet engagement et, en tant qu'étudiants et professeurs, ils entrèrent dans les universités les plus célèbres de l'époque, créèrent des centres d'études, produisirent des textes de grande valeur, donnèrent naissance à de véritables écoles de pensée, furent les acteurs de la théologie scolastique au plus fort de sa période, intervenant de manière significative dans le développement de la pensée. Les plus grands penseurs, Saint Thomas d'Aquin et Saint Bonaventure, étaient mendiants, œuvrant précisément avec ce dynamisme de la nouvelle évangélisation, qui a également renouvelé le courage de la pensée, du dialogue entre raison et foi. Aujourd'hui aussi il existe une « charité de et dans la vérité », une « charité intellectuelle » à exercer, pour éclairer les intelligences et conjuguer la foi avec la culture. L'engagement dont firent preuve les franciscains et les dominicains dans les universités médiévales est une invitation, chers fidèles, à être présents dans les lieux d'élaboration du savoir, pour proposer, avec respect et conviction, la lumière de l'Evangile sur les questions fondamentales qui concernent l'homme, sa dignité, son destin éternel. En pensant au rôle des franciscains et des dominicains au Moyen-âge, au renouveau spirituel qu'ils suscitèrent, au souffle de vie nouvelle qu'ils communiquèrent dans le monde, un moine a dit : « A cette époque, le monde vieillissait. Deux Ordres naquirent dans l'Eglise, dont ils renouvelèrent la jeunesse comme celle d'un aigle » (Burchard d'Ursperg, Chronicon).

 

 

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