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27 janvier 2011 4 27 /01 /janvier /2011 21:10

Audience Générale du Pape Benoît XVI sur Hugues et Richard de Saint-Victor, le 25 novembre 2009.

 

Chers frères et soeurs,

 

Au cours de ces audiences du mercredi, je présente certaines figures exemplaires de croyants, qui se sont engagés à montrer la concorde entre la raison et la foi et à témoigner à travers leur vie de l'annonce de l'Evangile. J'entends vous parler aujourd'hui de Hugues et de Richard de Saint-Victor. Tous deux sont au nombre de ces philosophes et théologiens connus sous le nom de Victorins, parce qu'ils vécurent et enseignèrent dans l'abbaye de Saint-Victor, à Paris, fondée au début du XIIe siècle par Guillaume de Champeaux. Guillaume lui-même fut un maître renommé, qui parvint à donner à son abbaye une solide identité culturelle. A Saint-Victor, en effet, fut inaugurée une école pour la formation des moines, ouverte également aux étudiants extérieurs, où fut réalisée une heureuse synthèse entre les deux manières de faire de la théologie, dont j'ai déjà parlé dans les précédentes catéchèses : à savoir la théologie monastique, orientée davantage à la contemplation des mystères de la foi dans l'Ecriture, et la théologie scolastique, qui utilisait la raison pour tenter de scruter ces mystères avec des méthodes innovantes, de créer un système théologique.

 

Sur la vie d'Hugues de Saint-Victor, nous avons peu d'informations. La date et le lieu de sa naissance sont incertains : peut-être en Saxe et dans les Flandres. On sait que, arrivé à Paris – la capitale européenne de la culture de l'époque –, il passe le reste de sa vie à l'abbaye de Saint-Victor, où il fut d'abord disciple, puis enseignant. Dès avant sa mort, advenue en 1141, il connut une grande notoriété et estime, au point d'être appelé un "second Saint Augustin" : comme Augustin, en effet, il médita longuement sur le rapport entre foi et raison, entre sciences profanes et théologie. Selon Hugues de Saint-Victor, toutes les sciences sont non seulement utiles pour la compréhension des Ecritures, mais elles ont une valeur en elles-mêmes et doivent être cultivées pour élargir le savoir de l'homme, ainsi que pour répondre à sa soif de connaître la vérité. Cette saine curiosité intellectuelle le conduisit à recommander à ses étudiants de ne jamais restreindre le désir d'apprendre et dans son traité de méthodologie du savoir et de pédagogie, intitulé de manière significative Didascalicon (De l'enseignement), il recommandait : "Apprends volontiers de tous ce que tu ne sais pas. Le plus savant de tous est celui qui aura voulu apprendre quelque chose de tous. Qui reçoit quelque chose de tous, finit par devenir le plus riche de tous".

 

La science dont s'occupent les philosophes et les théologiens dit Victorins est en particulier la théologie, qui exige avant tout l'étude pleine d'amour des Ecritures Saintes. Pour connaître Dieu, en effet, on ne peut que partir de ce que Dieu lui-même a voulu révéler de lui-même à travers les Ecritures. En ce sens, Hugues de Saint-Victor est un représentant typique de la théologie monastique, entièrement fondée sur l'exégèse biblique. Pour interpréter les Ecritures, il propose l'articulation traditionnelle patristique et médiévale, à savoir le sens historique et littéral, tout d'abord, puis les sens allégorique et anagogique, et enfin, le sens moral. Il s'agit des quatre dimensions du sens de l'Ecriture, qu'aujourd'hui encore, l'on redécouvre à nouveau, par lesquelles on voit que dans le texte et dans la narration offerte se cache une indication plus profonde : le fil de la foi, qui nous conduit vers le haut et nous guide sur cette terre, en nous enseignant comment vivre. Toutefois, tout en respectant ces quatre dimensions du sens de l'Ecriture, de manière originale par rapport à ses contemporains, il insiste – et cela est nouveau – sur l'importance du sens historique et littéral. En d'autres termes, avant de découvrir la valeur symbolique, les dimensions plus profondes du texte biblique, il faut connaître et approfondir la signification de l'Histoire racontée dans l'Ecriture : sinon – prévient-il en recourant à une comparaison efficace – on risque d'être comme des érudits de la grammaire qui ignorent l'alphabet. A qui connaît le sens de l'Histoire décrite dans la Bible, les événements humains apparaissent comme marqués par la Providence divine, selon son dessein bien ordonné. Ainsi, pour Hugues de Saint-Victor, l'Histoire n'est pas le résultat d'un destin aveugle ou d'un hasard absurde, comme il pourrait apparaître. Au contraire, dans l'Histoire humaine oeuvre l'Esprit Saint, qui suscite un dialogue merveilleux des hommes avec Dieu, leur ami. Cette vision théologique de l'Histoire met en évidence l'intervention surprenante et salvifique de Dieu, qui entre réellement et agit dans l'Histoire, prend presque part à notre Histoire, mais en sauvegardant et en respectant toujours la liberté et la responsabilité de l'homme.

 

Pour notre auteur, l'étude de l'Ecriture Sainte et de sa signification historique et littérale rend possible la véritable théologie, c'est-à-dire l'illustration systématique des vérités, connaître leur structure, l'illustration des dogmes de la foi, qu'il présente dans une solide synthèse dans le traité De Sacramentis christianae fidei (Les sacrements de la foi chrétienne), où se trouve, entre autres, une définition de "sacrement" qui, ultérieurement perfectionnée par d'autres théologiens, contient des idées encore aujourd'hui très intéressantes. "Le sacrement, écrit-il, est un élément corporel ou matériel proposé de manière extérieure et sensible, qui représente avec sa ressemblance une grâce invisible et spirituelle, qui la signifie, car il a été institué dans ce but, et la contient, car il est capable de sanctifier". D'une part, la visibilité dans le symbole, la "corporéité" du don de Dieu, dans lequel toutefois, d'autre part, se cache la grâce divine qui provient d'une Histoire : Jésus Christ lui-même a créé les symboles fondamentaux. Trois éléments concourent donc à définir un sacrement, selon Hugues de Saint-Victor : l'institution de la part du Christ, la communication de la grâce, et l'analogie entre l'élément visible, matériel, et l'élément invisible, qui sont les dons divins. Il s'agit d'une vision très proche de la sensibilité contemporaine, car les sacrements sont présentés avec un langage tissé de symboles et d'images capables de parler immédiatement au coeur des hommes. Il est important, également aujourd'hui, que les animateurs liturgiques, et en particulier les prêtres, valorisent avec sagesse pastorale les signes propres aux rites sacramentaux – cette visibilité et tangibilité de la Grâce – en en soignant attentivement la catéchèse, afin que chaque célébration des sacrements soit vécue par tous les fidèles avec dévotion, intensité et joie spirituelle.

 

Richard, originaire d'Ecosse, est un digne disciple d'Hugues de Saint-Victor. Il fut prieur de l'abbaye de Saint-Victor de 1162 à 1173, année de sa mort. Richard aussi, naturellement, accorde un rôle fondamental à l'étude de la Bible, mais, à la différence de son maître, il privilégie le sens allégorique, la signification symbolique de l'Ecriture avec laquelle, par exemple, il interprète la figure vétérotestamentaire de Benjamin, fils de Jacob, comme symbole de contemplation et sommet de la vie spirituelle. Richard traite ce thème dans deux textes, Benjamin mineur et Benjamin majeur, dans lesquels il propose aux fidèles un chemin spirituel qui invite tout d'abord à exercer les différentes vertus, en apprenant à discipliner et à ordonner avec la raison les sentiments et les mouvements intérieurs affectifs et émotifs. Ce n'est que lorsque l'homme a atteint l'équilibre et la maturation humaine dans ce domaine, qu'il est prêt à accéder à la contemplation, que Richard définit comme "un regard profond et pur de l'âme déversé sur les merveilles de la sagesse, associé à un sens extatique d'émerveillement et d'admiration".

 

La contemplation est donc le point d'arrivée, le résultat d'un chemin difficile, qui comporte le dialogue entre la foi et la raison, c'est-à-dire – encore une fois – un discours théologique. La théologie part des vérités qui sont l'objet de la foi, mais elle cherche à en approfondir la connaissance avec l'usage de la raison, en s'appropriant du don de la foi. Cette application du raisonnement à la compréhension de la foi est pratiquée de manière convaincante dans le chef-d'oeuvre de Richard, l'un des grands livres de l'Histoire, le De Trinitate (La Trinité). Dans les six livres qui le composent, il réfléchit avec profondeur sur le Mystère de Dieu un et trine. Selon notre auteur, puisque Dieu est amour, l'unique substance divine comporte communication, oblation et amour entre deux Personnes, le Père et le Fils, entre lesquels existe un échange éternel d'amour. Mais la perfection du bonheur et de la bonté n'admet pas d'exclusivité et de fermetures ; elle demande au contraire la présence éternelle d'une troisième Personne, l'Esprit Saint. L'amour trinitaire est participatif, concorde, et comporte une surabondance de délice, une jouissance de joie incessante. C'est-à-dire que Richard suppose que Dieu est amour, il analyse l'essence de l'amour, ce qui est impliqué dans la réalité 'amour', en arrivant ainsi à la Trinité des Personnes, qui est réellement l'expression logique du fait que Dieu est amour.

 

Richard est toutefois conscient que l'amour, bien qu'il nous révèle l'essence de Dieu, qu'il nous fasse "comprendre" le Mystère de la Trinité, est cependant toujours une analogie pour parler d'un Mystère qui dépasse l'esprit humain, et – en poète mystique qu'il est – il a recours également à d'autres images. Il compare par exemple la divinité à un fleuve, à une vague d'amour qui jaillit du Père, qui va et qui vient dans le Fils, pour être ensuite diffusée avec bonheur dans l'Esprit Saint.

 

Chers amis, des auteurs comme Hugues et Richard de Saint-Victor élèvent notre âme à la contemplation des réalités divines. Dans le même temps, l'immense joie que nous procurent la pensée, l'admiration et la louange de la Très Sainte Trinité, fonde et soutient l'engagement concret à nous inspirer de ce modèle parfait de communion dans l'amour pour construire nos relations humaines de chaque jour. La Trinité est vraiment communion parfaite! Comme le monde changerait si dans les familles, dans les paroisses et dans chaque autre communauté, les relations étaient vécues en suivant toujours l'exemple des trois Personnes divines, en qui chacune vit non seulement avec l'autre, mais pour l'autre et dans l'autre! Je le rappelais il y a quelques mois à l'Angelus"Seul l'amour nous rend heureux, car nous vivons en relation, et nous vivons pour aimer et être aimés". C'est l'amour qui accomplit ce miracle incessant : comme dans la vie de la Très Sainte Trinité, la pluralité se recompose en unité, où tout est complaisance et joie. Avec Saint Augustin, tenu en grand honneur par les Victorins, nous pouvons nous exclamer nous aussi : "Vides Trinitatem, si caritatem vides - tu contemples la Trinité, si tu vois la charité".

 

 

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26 janvier 2011 3 26 /01 /janvier /2011 21:03

Message du Pape Benoît XVI pour la XVIIIe Journée Mondiale du Malade, le 22 novembre 2009.

 

Chers frères et sœurs,

 

Le 11 février prochain, en la mémoire liturgique de la bienheureuse Vierge Marie de Lourdes, on célébrera, en la basilique vaticane, la XVIIIe Journée mondiale du malade […].

 

A travers l'annuelle Journée mondiale du malade, l'Eglise entend […] sensibiliser la communauté internationale de façon étendue sur l'importance du service pastoral dans le vaste monde de la santé, un service qui fait partie intégrante de sa mission, puisqu'elle s'inscrit dans le sillon de la mission salvifique elle-même du Christ. Lui, le divin Médecin, « a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient au pouvoir du diable » (Ac 10, 38). C'est dans le mystère de sa Passion, de sa mort et de sa résurrection, que la souffrance humaine puise sens et plénitude de lumière. Dans sa Lettre apostolique Salvifici doloris, le serviteur de Dieu Jean-Paul II a, à ce propos, des paroles éclairantes : « La souffrance humaine – a-t-il écrit – a atteint son sommet dans la Passion du Christ. Et, simultanément, elle a revêtu une dimension complètement nouvelle et est entrée dans un ordre nouveau : elle a été liée à l'amour, (...) à l'amour qui crée le bien, en le tirant même du mal, en le tirant au moyen de la souffrance, de même que le bien suprême de la Rédemption du monde a été tiré de la Croix du Christ et trouve continuellement en elle son point de départ. La Croix du Christ est devenue une source d'où coulent des fleuves d'eau vive » (n. 18).

 

Le Seigneur Jésus, à la Dernière Cène, avant de retourner vers le Père, s'est incliné pour laver les pieds des apôtres, en anticipant l'acte suprême d'amour sur la Croix. Par ce geste, il a invité ses disciples à entrer dans sa logique d'amour qui se donne en particulier aux plus petits et aux personnes dans le besoin (cf. Jn 13, 12-17). En suivant son exemple, chaque chrétien est appelé à revivre, dans des contextes divers et toujours nouveaux, la parabole du Bon Samaritain, qui, en passant à côté d'un homme laissé à moitié mort par les brigands au bord de la route, « le vit et fut pris de pitié. Il s'approcha, banda ses plaies, y versant de l'huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l'hôtellerie et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers et les donna à l'hôtelier, en disant : "Prends soin de lui, et ce que tu auras dépense en plus, je te le rembourserai, moi au retour" » (Lc 10, 33-35).

 

En concluant la parabole, Jésus dit : « Va, et toi aussi fais de même » (Lc 10, 37). Avec ces paroles, il s'adresse aussi à nous. Il nous exhorte à nous pencher sur les blessures du corps et de l'esprit de tant de nos frères et sœurs que nous rencontrons sur les routes du monde ; il nous aide à comprendre que, par la grâce de Dieu accueillie et vécue dans la vie de chaque jour, l'expérience de la maladie et de la souffrance peut devenir une école d'espérance. En vérité, comme je l'ai affirmé dans l'encyclique Spe salvi, « ce n'est pas le fait d'esquiver la souffrance, de fuir devant la douleur, qui guérit l'homme, mais la capacité d'accepter les tribulations et de mûrir par elles, d'y trouver un sens par l'union au Christ, qui a souffert avec un amour infini » (n. 37).

 

Déjà, le concile œcuménique Vatican II rappelait l'important devoir pour l'Eglise de prendre soin de la souffrance humaine. Nous lisons, dans la constitution dogmatique Lumen gentium que « comme le Christ a été envoyé par le Père "pour porter la bonne nouvelle aux pauvres... guérir les cœurs brisés " (Lc 4, 18), "chercher et sauver ce qui était perdu" (Lc 19, 10), de même l'Eglise entoure tous ceux qu'afflige l'infirmité humaine ; bien plus, elle reconnaît dans les pauvres et en ceux qui souffrent l'image de son Fondateur pauvre et souffrant, elle s'emploie à soulager leur détresse et veut servir le Christ en eux » (n. 8). Cette action humanitaire et spirituelle de la communauté ecclésiale envers les malades et les souffrants s'est exprimée au cours des siècles sous des formes et dans des structures sanitaires multiples, y compris à caractère institutionnel. Je voudrais rappeler ici celles qui sont directement gérées par les diocèses et celles qui sont nées de la générosité de différents instituts religieux. Il s'agit d'un « patrimoine » précieux répondant au fait que l'amour a besoin aussi d'organisation comme le présupposé d'un service communautaire ordonné (cf. Deus caritas est, n. 20). La création duConseil pontifical pour les Agents de la santé, il y a vingt-cinq ans, s'inscrit dans cette sollicitude ecclésiale pour le monde de la santé. Et je tiens à ajouter que, en ce moment historique et culturel actuel, on ressent encore plus l'exigence d'une présence ecclésiale attentive et étendue auprès des malades, ainsi qu'une présence dans la société qui soit capable de transmettre de façon efficace les valeurs évangéliques pour protéger la vie humaine à toutes ses étapes, de sa conception à sa fin naturelle.

 

Je voudrais ici reprendre le Message aux pauvres, aux malades et à tous ceux qui souffrent, que les pères conciliaires ont adressé au monde, au terme du concile œcuménique Vatican II : « Vous tous qui ressentez plus lourdement le poids de la Croix, ont-ils dit, (...) vous qui pleurez (...), vous les inconnus de la douleur, reprenez courage : vous êtes les préférés du royaume de Dieu, le royaume de l'espérance, du bonheur, et de la vie ; vous êtes les frères du Christ souffrant, et avec lui, si vous le voulez, vous sauvez le monde » (Ench. Vat., I, n. 523* [p. 313]). Je remercie de tout cœur les personnes qui, chaque jour, sont au service des malades et des souffrants, en faisant en sorte que « l'apostolat de la miséricorde de Dieu, qu'ils mettent en œuvre, réponde toujours mieux aux nouvelles exigences » (Jean-Paul II, Const. ap. Pastor Bonus, art. 152).

 

En cette année sacerdotale, ma pensée se tourne particulièrement vers vous, chers prêtres, « ministres des malades », [qui êtes] signe et instrument de la compassion du Christ, qui doit rejoindre chaque homme marqué par la souffrance. Je vous invite, chers prêtres, à ne pas vous économiser pour leur apporter des soins et du réconfort. Le temps passé auprès de celui qui est dans l'épreuve se révèle fécond en grâce pour toutes les autres dimensions de la pastorale. Je m'adresse enfin à vous, chers malades, et je vous demande de prier et d'offrir vos souffrances pour les prêtres, afin qu'ils puissent demeurer fidèles à leur vocation et que leur ministère soit riche en fruits spirituels, au bénéfice de toute l'Eglise.

 

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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 12:56

Audience Générale du Pape Benoît XVI pour la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, le 20 janvier 2010.

 

Chers frères et sœurs!

 

Nous sommes au cœur de la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens, une initiative œcuménique, qui s'est progressivement structurée depuis désormais plus d'un siècle, et qui attire chaque année l'attention sur un thème, celui de l'unité visible entre les chrétiens, qui implique la conscience et stimule l'engagement de ceux qui croient dans le Christ. Et elle le fait avant tout à travers l'invitation à la prière, à l'imitation de Jésus lui-même, qui demande au Père pour ses disciples « que tous soient un, afin que le monde croie » (Jn 17, 21). Le rappel persévérant à la prière pour la pleine communion entre les disciples du Seigneur manifeste l'orientation la plus authentique et la plus profonde de toute la recherche œcuménique, parce que l'unité, avant tout, est un don de Dieu. En effet, comme l'affirme le Concile Vatican II : « Ce projet sacré, la réconciliation de tous les chrétiens dans l'unité d'une seule et unique Eglise du Christ, dépasse les forces et les capacités humaines » (Unitatis redintegratio, n. 24). Par conséquent, outre notre effort de développer des relations fraternelles et de promouvoir le dialogue pour éclaircir et résoudre les divergences qui séparent les Eglises et les communautés ecclésiales, est nécessaire l'invocation confiante et concorde au Seigneur.

 

Le thème de cette année est tiré de l'Evangile de saint Luc, des dernières paroles du Ressuscité à ses disciples « De cela vous êtes témoins » (Lc 24, 48). La proposition du thème a été demandé par le Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, en accord avec la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Eglises, à un groupe œcuménique d'Ecosse. Il y a un siècle, la Conférence mondiale pour la considération des problèmes en référence au monde non chrétien se tint précisément à Edimbourg, en Ecosse, du 13 au 24 juin 1910. Parmi les problèmes qui furent alors débattus, il y eut celui de la difficulté objective de proposer avec crédibilité l'annonce évangélique au monde non chrétien de la part des chrétiens divisés entre eux. Si à un monde qui ne connaît pas le Christ, qui s'est éloigné de Lui ou qui se montre indifférent à l'Evangile, les chrétiens ne se présentent pas unis, et même souvent opposés, l'annonce du Christ comme unique Sauveur du monde et notre paix sera-t-elle crédible? Le rapport entre unité et mission a dès lors représenté une dimension essentielle de toute l'action œcuménique et son point de départ. Et c'est pour cette contribution spécifique que la Conférence d'Edimbourg demeure comme l'un des points fermes de l'œcuménisme moderne. L'Eglise catholique, lors du Concile Vatican II, reprit et réaffirma avec vigueur cette perspective, en affirmant que la division entre les disciples de Jésus « s'oppose ouvertement à la volonté du Christ, elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l'Evangile à toute créature » (Unitatis redintegratio, n. 1).

 

C'est dans ce contexte théologique et spirituel que s'inscrit le thème proposé pour cette Semaine à la méditation et à la prière : l'exigence d'un témoignage commun au Christ. Le bref texte proposé comme thème « De cela vous serez témoins » doit être lu dans le contexte de tout le chapitre 24 de l'Evangile selon Luc […].

 

Si nous envisageons le contexte du chapitre, « cela » veut dire avant tout la Croix et la Résurrection : les disciples ont vu la crucifixion du Seigneur, ils voient le Ressuscité et commencent ainsi à comprendre toutes les Ecritures qui parlent du mystère de la Passion et du don de la Résurrection. « Cela » est donc le mystère du Christ, du Fils de Dieu qui s'est fait homme, mort pour nous et ressuscité, vivant pour toujours et ainsi garant de notre vie éternelle.

 

Mais connaissant le Christ – c'est le point essentiel – nous connaissons le visage de Dieu. A toutes les époques, les hommes perçoivent l'existence de Dieu, un Dieu unique, mais qui est loin et ne se montre pas. Dans le Christ, ce Dieu se montre, le Dieu lointain devient proche. « Cela » est donc, surtout avec le mystère du Christ, Dieu qui s'est fait proche de nous. Cela implique une autre dimension : le Christ n'est jamais seul ; il est venu au milieu de nous, il est mort seul, mais il est ressuscité pour attirer chacun à soi. Le Christ, comme le disent les Ecritures, s'est créé un corps, a réuni toute l'humanité dans sa réalité de vie immortelle. Et ainsi, dans le Christ qui réunit l'humanité, nous connaissons l'avenir de l'humanité : la vie éternelle. Cela, par conséquent, est très simple, en dernier ressort : nous connaissons Dieu en connaissant le Christ, son corps, le mystère de l'Eglise et la promesse de la vie éternelle.

 

Venons-en à présent à la seconde question. Comment pouvons-nous être témoins de « cela »? Nous ne pouvons être témoins qu'en connaissant le Christ et, en connaissant le Christ, en connaissant aussi Dieu. Mais connaître le Christ implique assurément une dimension intellectuelle – apprendre ce que nous connaissons du Christ – mais c'est toujours bien plus qu'un processus intellectuel : c'est un processus existentiel, c'est un processus de l'ouverture de mon ‘moi’, de ma transformation par la présence et par la force du Christ, et ainsi c'est aussi un processus d'ouverture à tous les autres qui doivent être le corps du Christ. De cette manière, il est évident que connaître le Christ, comme processus intellectuel et surtout existentiel, est un processus qui fait de nous des témoins. En d'autres mots, nous ne pouvons être témoins que si nous connaissons le Christ de première main et pas seulement par des intermédiaires, par notre propre vie, par notre rencontre personnelle avec le Christ. En le rencontrant réellement dans notre vie de foi nous devenons des témoins et nous pouvons ainsi contribuer à la nouveauté du monde, à la vie éternelle. Le Catéchisme de l'Eglise catholique nous donne une indication également quant au contenu de ce « cela ». L'Eglise a rassemblé et résumé l'essentiel de ce que le Seigneur nous a donné dans la Révélation, dans le « Symbole dit de Nicée-Constantinople, qui tient sa grande autorité du fait de ce qu'il est issu des deux premiers Conciles œcuméniques (325 et 381) » (CEC, n. 195). Le Catéchisme précise que ce Symbole « demeure commun, aujourd'hui encore, à toutes les grandes Eglises d'Orient et d'Occident » (ibid.). Dans ce Symbole se trouvent donc les vérités de foi que les chrétiens peuvent professer et témoigner ensemble, afin que le monde croie, manifestant, avec le désir et l'engagement de surmonter les divergences existantes, la volonté de marcher vers la pleine communion, l'unité du Corps du Christ.

 

La célébration de la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens nous amène à considérer d'autres aspects importants pour l'œcuménisme. Tout d'abord, le grand progrès réalisé dans les relations entre les Eglises et les Communautés ecclésiales après la Conférence d'Edimbourg, il y a un siècle. Le mouvement œcuménique moderne s'est développé de manière si significative qu'il est devenu, au cours du siècle dernier, un élément important dans la vie de l'Eglise, rappelant le problème de l'unité entre tous les chrétiens et soutenant également la croissance de la communion entre eux. Celui-ci favorise non seulement les rapports fraternels entre les Eglises et les Communautés ecclésiales en réponse au commandement de l'amour, mais il stimule également la recherche théologique. En outre, il interpelle la vie concrète des Eglises et des Communautés ecclésiales avec des thématiques qui touchent la pastorale et la vie sacramentelle, comme, par exemple, la reconnaissance mutuelle du Baptême, les questions relatives aux mariages mixtes, les cas partiaux de comunicatio in sacris dans des situations particulières bien définies. Dans le sillage de cet esprit œcuménique, les contacts se sont élargis également aux mouvements pentecôtistes, évangéliques et charismatiques, en vue d'une plus grande connaissance réciproque, bien que les problèmes graves ne manquent pas dans ce domaine.

 

L'Eglise catholique, depuis le Concile Vatican II, est entrée en relation fraternelle avec toutes les Eglises d'Orient et les Communautés ecclésiales d'Occident, organisant, en particulier, avec la plupart de celles-ci, des dialogues théologiques bilatéraux, qui ont conduit à trouver des convergences ou également des consensus sur divers points, approfondissant ainsi les liens de communion. Au cours de l'année qui vient de s'écouler, les différents dialogues ont enregistré des pas positifs. Avec les Eglises orthodoxes, la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique a entamé, lors de la XIe session plénière qui s'est déroulée à Paphos de Chypre en octobre 2009, l'étude d'un thème crucial dans le dialogue entre les catholiques et les orthodoxes : Le rôle de l'évêque de Rome dans la communion de l'Eglise au cours du premier millénaire, c'est-à-dire à l'époque où les chrétiens d'Orient et d'Occident vivaient dans la pleine communion. Cette étude s'étendra ensuite au deuxième millénaire. J'ai déjà plusieurs fois demandé la prière des catholiques pour ce dialogue délicat et essentiel pour tout le mouvement œcuménique. Cette même Commission mixte a également rencontré les antiques Eglises orthodoxes d'Orient (copte, éthiopienne, syrienne, arménienne) du 26 au 30 janvier de l'année dernière. Ces initiatives importantes attestent qu'un dialogue profond et riche d'espérance est en cours avec toutes les Eglises d'Orient qui ne sont pas en pleine communion avec Rome, dans leur propre spécificité.

 

Au cours de l'année dernière, on a examiné avec les Communautés ecclésiales d'Occident les résultats obtenus dans les différents dialogues au cours de ces quarante ans, en s'arrêtant en particulier sur ceux avec la Communion anglicane, avec la Fédération luthérienne mondiale, avec l'Alliance réformée mondiale et avec le Conseil mondial méthodiste. A cet égard, le Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens a réalisé une étude pour souligner les points de convergence auxquels on est parvenu dans les dialogues bilatéraux correspondants, et signaler, dans le même temps, les problèmes ouverts sur lesquels il faudra commencer une nouvelle phase de concertation.

 

Parmi les récents événements, je voudrais mentionner la commémoration du dixième anniversaire de la Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification, célébré ensemble par les catholiques et les luthériens le 31 octobre 2009, pour stimuler la poursuite du dialogue, ainsi que la visite à Rome de l'archevêque de Canterbury, le docteur Rowan Williams, qui a également eu des entretiens sur la situation particulière dans laquelle se trouve la Communion anglicane. L'engagement commun de poursuivre les relations et le dialogue est un signe positif, qui manifeste à quel point le désir de l'unité est intense, malgré tous les problèmes qui s'y opposent. Nous voyons ainsi qu'il existe une dimension qui est de notre responsabilité, lorsque nous accomplissons tout ce qui est possible pour arriver réellement à l'unité, mais il existe une autre dimension, celle de l'action divine, car seul Dieu peut donner l'unité à l'Eglise. Une unité « auto-réalisée » serait humaine, mais ce que nous désirons, c’est l'Eglise de Dieu, réalisée par Dieu, qui lorsqu'il le voudra et lorsque nous serons prêts, créera l'unité. Nous devons également avoir à l'esprit les progrès réels qui ont été atteints dans la collaboration et dans la fraternité au cours de toutes ces années, durant les derniers cinquante ans. Dans le même temps, nous devons savoir que le travail œcuménique n'est pas un processus linéaire. En effet, les vieux problèmes, nés dans le contexte d'une autre époque, perdent leur poids, alors que dans le contexte moderne naissent de nouveaux problèmes et de nouvelles difficultés. Il nous faut toujours rester disponibles pour un processus de purification, au sein duquel le Seigneur nous mettra en mesure d'être unis.

 

Chers frères et sœurs, je demande la prière de tous pour la réalité œcuménique complexe, pour la promotion du dialogue, et afin que les chrétiens de notre époque puissent donner un nouveau témoignage commun de fidélité au Christ face à notre monde. Que le Seigneur écoute notre invocation et celle de tous les chrétiens, qui au cours de cette semaine s'élève vers Lui avec une intensité particulière.

 

 

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21 janvier 2011 5 21 /01 /janvier /2011 00:00

Audience Générale du Pape Benoît XVI sur la confrontation de deux modèles théologiques : Saint Bernard et Abélard, le 4 novembre 2009.

 

Chers frères et sœurs,

 

Dans la dernière catéchèse, j'ai présenté les caractéristiques principales de la théologie monastique et de la théologie scolastique du XIIe siècle, que nous pourrions appeler, d'une certaine manière, respectivement "théologie du cœur" et "théologie de la raison". Entre les représentants de chacun de ces courants théologiques s'est développé un vaste débat, parfois animé, représenté symboliquement par la controverse entre Saint Bernard de Clairvaux et Abélard.

 

Pour comprendre cette confrontation entre les deux grands maîtres, il est bon de rappeler que la théologie est la recherche d'une compréhension rationnelle, dans la mesure du possible, des mystères de la Révélation chrétienne, auxquels on croit dans la foi : fides quaerens intellectumla foi cherche l'intelligibilité – pour reprendre une définition traditionnelle, concise et efficace. Or, tandis que Saint Bernard, typique représentant de la théologie monastique, met l'accent sur la première partie de la définition, c'est-à-dire sur la fides – la foi, Abélard, qui est un scolastique, insiste sur la deuxième partie, c'est-à-dire sur l'intellectus, sur la compréhension au moyen de la raison. Pour Bernard, la foi elle-même est dotée d'une intime certitude, fondée sur le témoignage de l'Ecriture et sur l'enseignement des Pères de l'Eglise. En outre, la foi est renforcée par le témoignage des saints et par l'inspiration de l'Esprit Saint dans l'âme des croyants. Dans les cas de doute et d'ambiguïté, la foi est protégée et illuminée par l'exercice du Magistère ecclésial. Ainsi, Bernard a des difficultés à être d'accord avec Abélard, et plus généralement avec ceux qui soumettaient les vérités de la foi à l'examen critique de la raison ; un examen qui comportait, à son avis, un grave danger, c'est-à-dire l'intellectualisme, la relativisation de la vérité, la remise en question des vérités mêmes de la foi. Dans cette façon de procéder, Bernard voyait un élan audacieux poussé jusqu'à l'absence de scrupules, fruit de l'orgueil de l'intelligence humaine, qui prétend "capturer" le mystère de Dieu. Dans l'une de ses lettres, empli de douleur, il écrit : « L'esprit humain s'empare de tout, et ne laisse plus rien à la foi. Il affronte ce qui est au-dessus de lui, il scrute ce qui lui est supérieur, fait irruption dans le monde de Dieu, altère les mystères de la foi, au lieu de les illuminer ; il n'ouvre pas ce qui est fermé et scellé, mais le déracine, et ce qu'il considère impossible à parcourir par lui-même, il le considère comme nul et refuse d'y croire » (Epistola CLXXXVIII, 1; PL 182, I, 353).

  

Pour Bernard, la théologie a un unique but : celui de promouvoir l'expérience vivante et intime de Dieu. La théologie est alors une aide pour aimer toujours plus et toujours mieux le Seigneur, comme le dit le titre du traité sur le « Devoir d'aimer Dieu » (De diligendo Deo). Sur ce chemin, il existe différentes étapes, que Bernard décrit de façon approfondie, jusqu'au bout, lorsque l'âme du croyant s'enivre aux sommets de l'amour. L'âme humaine peut atteindre déjà sur terre cette union mystique avec le Verbe divin, union que le Doctor Mellifluus décrit comme des "noces spirituelles". Le Verbe divin la visite, élimine ses dernières résistances, l'illumine, l'enflamme et la transforme. Dans une telle union mystique, elle jouit d'une grande sérénité et douceur, et chante à son Epoux un hymne de joie. Comme je l'ai rappelé dans la catéchèse consacrée à la vie et à la doctrine de Saint Bernard, la théologie pour lui ne peut que se nourrir de la prière contemplative, en d'autres termes de l'union affective du cœur et de l'esprit avec Dieu.

 

Abélard, qui est par ailleurs précisément celui qui a introduit le terme de "théologie" au sens où nous l'entendons aujourd'hui, se place en revanche dans une perspective différente. Né en Bretagne, en France, ce célèbre maître du XIIe siècle était doué d'une intelligence très vive et l'étude était sa vocation. Il s'occupa d'abord de philosophie, puis appliqua les résultats obtenus dans cette discipline à la théologie, dont il fut un maître dans la ville la plus cultivée de l'époque, Paris, et par la suite dans les monastères où il vécut. C'était un brillant orateur : ses leçons étaient suivies par de véritables foules d'étudiants. Un esprit religieux, mais une personnalité inquiète, son existence fut riche de coups de théâtre : il contesta ses maîtres, eut un enfant d'une femme cultivée et intelligente, Eloïse. Il entra souvent en polémique avec ses collègues théologiens, il subit aussi des condamnations ecclésiastiques, bien qu'il mourût en pleine communion avec l'Eglise, à l'autorité de laquelle il se soumit avec un esprit de foi. C'est précisément Saint Bernard qui contribua à la condamnation de certaines doctrines d'Abélard lors du synode provincial de Sens en 1140, et qui sollicita également l'intervention du Pape Innocent II. L'abbé de Clairvaux contestait, comme nous l'avons rappelé, la méthode trop intellectualiste d'Abélard, qui, à ses yeux, réduisait la foi à une simple opinion détachée de la vérité révélée. Les craintes de Bernard n'étaient pas infondées et elles étaient partagées, du reste, également par d'autres grands penseurs de l'époque. En effet, un recours excessif à la philosophie rendit dangereusement fragile la doctrine trinitaire d'Abélard, et par conséquent, son idée de Dieu. Dans le domaine moral, son enseignement n'était pas dépourvu d'ambiguïtés : il insistait pour considérer l'intention du sujet comme l'unique source pour décrire la bonté ou la méchanceté des actes moraux, en négligeant ainsi la signification et la valeur morale objectives des actions : un subjectivisme dangereux. C'est là – nous le savons bien – un aspect très actuel pour notre époque, où la culture apparaît souvent marquée par une tendance croissante au relativisme éthique : seul le ‘moi’ décide ce qui serait bon pour moi, en ce moment. Quoi qu'il en soit, il ne faut pas non plus oublier les grands mérites d'Abélard, qui eut de nombreux disciples et contribua de manière décisive au développement de la théologie scolastique, destinée à s'exprimer de manière plus mûre et féconde au siècle suivant. Pas plus qu'il ne faut sous-évaluer certaines de ses intuitions, comme par exemple lorsqu'il affirmait que, dans les traditions religieuses non chrétiennes, il y a déjà une préparation à l'accueil du Christ, Verbe divin.

 

Que pouvons-nous apprendre, aujourd'hui, de la confrontation, aux tons souvent enflammés, entre Bernard et Abélard, et, en général, entre la théologie monastique et la théologie scolastique ? Je crois tout d'abord que cette confrontation montre l'utilité et la nécessité d'une saine discussion théologique dans l'Eglise, surtout lorsque les questions débattues n'ont pas été définies par le Magistère, qui reste, cependant, un point de référence inéluctable. Saint Bernard, mais également Abélard lui-même, en reconnurent toujours sans hésitation l'autorité. En outre, les condamnations que ce dernier subit nous rappellent que dans le domaine théologique doit exister un équilibre entre ce que nous pouvons appeler les principes architectoniques qui nous sont donnés par la Révélation et qui conservent donc toujours l'importance prioritaire, et les principes interprétatifs suggérés par la philosophie, c'est-à-dire par la raison, et qui ont une fonction importante mais uniquement instrumentale. Quand cet équilibre entre l'architecture et les instruments d'interprétation fait défaut, la réflexion théologique risque d'être entachée par des erreurs, et c'est alors au Magistère que revient l'exercice de ce service nécessaire à la vérité, qui lui est propre. En outre, il faut souligner que, parmi les motivations qui poussèrent Bernard à "se ranger" contre Abélard et à solliciter l'intervention du Magistère, il y eut également la préoccupation de sauvegarder les croyants simples et humbles, qui doivent être défendus lorsqu'ils risquent d'être confondus ou égarés par des opinions trop personnelles et par des argumentations théologiques anticonformistes, qui pourraient mettre leur foi en péril.

 

Je voudrais enfin rappeler que la confrontation théologique entre Bernard et Abélard se conclut par une pleine réconciliation entre les deux hommes, grâce à la médiation d'un ami commun, l'abbé de Cluny, Pierre le Vénérable, dont j'ai parlé dans l'une des catéchèses précédentes. Abélard montra de l'humilité en reconnaissant ses erreurs, Bernard fit preuve d'une grande bienveillance. Chez tous les deux prévalut ce qui doit vraiment tenir à cœur lorsque naît une controverse théologique, c'est-à-dire sauvegarder la foi de l'Eglise et faire triompher la vérité dans la charité. Que ce soit aujourd'hui aussi l'attitude avec laquelle on se confronte avec l'Eglise, en ayant toujours comme objectif la recherche de la vérité.

 

 

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20 janvier 2011 4 20 /01 /janvier /2011 13:45

Audience Générale du Pape Benoît XVI sur la théologie monastique et théologie scolastique, le 28 octobre 2009.

 

Chers frères et sœurs,

 

Aujourd'hui, je m'arrête sur une page intéressante de l'Histoire, relative à l'essor de la théologie latine au XIIe siècle, qui a eu lieu grâce à une succession providentielle de coïncidences. Dans les pays d'Europe occidentale régnait alors une paix relative, qui assurait à la société développement économique et renforcement des structures politiques, et favorisait une activité culturelle dynamique, notamment grâce aux contacts avec l'Orient. Au sein de l'Eglise, se percevaient les bienfaits de la vaste action connue comme « réforme grégorienne » qui, vigoureusement promue au siècle précédent, avait apporté une plus grande pureté évangélique dans la vie de la communauté ecclésiale, en particulier chez le clergé, et avait restitué à l'Eglise et à la papauté une authentique liberté d'action. En outre, se diffusait un vaste renouveau spirituel, soutenu par le développement important de la vie consacrée : de nouveaux Ordres religieux naissaient et s'étendaient, tandis que ceux déjà existants connaissaient une reprise prometteuse.

 

La théologie refleurit également, en acquérant une plus grande conscience de sa nature : elle affina sa méthode, affronta de nouveaux problèmes, avança dans la contemplation des mystères de Dieu, produisit des œuvres fondamentales, inspira des initiatives importantes de la culture, de l'art à la littérature, et prépara les chefs-d'œuvre du siècle suivant, le siècle de Thomas d'Aquin et de Bonaventure de Bagnoregio. Cette fervente activité théologique s'accomplit dans deux milieux : les monastères et les écoles de la ville, les scholae, certaines desquelles donnèrent bientôt naissance aux Universités, qui constituent l'une des « inventions » propres au Moyen âge chrétien. C'est précisément à partir de ces deux milieux, les monastères et les scholae, que l'on peut parler de deux modèles différents de théologie : la « théologie monastique », et la « théologie scolastique ». Les représentants de la théologie monastique étaient des moines, en général des abbés, dotés de sagesse et de ferveur évangélique, consacrés essentiellement à susciter et à nourrir le désir amoureux de Dieu. Les représentants de la théologie scolastique étaient des hommes cultivés, passionnés par la recherche ; des magistri désireux de montrer la sagesse et le bien-fondé des mystères de Dieu et de l'homme, auxquels ils croyaient grâce à la foi, certes, mais qu'ils comprenaient également par la raison. La finalité différente explique la différence de leur méthode et de leur façon de faire de la théologie.

 

Dans les monastères du XIIe siècle, la méthode théologique était liée principalement à l'explication des Ecritures Saintes, de la sacra pagina, pour nous exprimer comme les auteurs de cette période ; on pratiquait en particulier la théologie biblique. C'est-à-dire que les moines écoutaient et lisaient tous avec dévotion les Ecritures Saintes, et l'une de leurs occupations principales consistait dans la lectio divina, c'est-à-dire dans la lecture priée de la Bible. Pour eux, la simple lecture du Texte sacré ne suffisait pas à en percevoir le sens profond, l'unité intérieure et le message transcendant. Il fallait donc pratiquer une « lecture spirituelle », conduite dans la docilité à l'Esprit Saint. A l'école des Pères, la Bible était ainsi interprétée de façon allégorique, pour découvrir dans chaque page de l'Ancien comme du Nouveau Testament, ce qu'elle dit du Christ et de son œuvre de Salut.

 

Le synode des évêques de l'année dernière sur la « Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Eglise » a rappelé l'importance de l'approche spirituelle des Saintes Ecritures. Dans ce but, il est utile de tirer profit de la théologie monastique, une exégèse biblique ininterrompue, tout comme des œuvres composées par ses représentants, de précieux commentaires ascétiques des livres de la Bible. La théologie monastique unissait donc à la préparation littéraire la préparation spirituelle. C'est-à-dire qu'elle était consciente qu'une lecture purement théorique et profane ne suffit pas : pour entrer dans le cœur de l'Ecriture Sainte, il faut la lire dans l'esprit dans lequel elle a été écrite et créée. La préparation littéraire était nécessaire pour connaître la signification exacte des mots et faciliter la compréhension du texte, en affinant la sensibilité grammaticale et philologique. Le chercheur bénédictin du siècle dernier, Jean Leclercq, a ainsi intitulé l'essai avec lequel il présente les caractéristiques de la théologie monastique : l'amour des lettres et le désir de Dieu. En effet, le désir de connaître et d'aimer Dieu, qui vient à notre rencontre à travers sa Parole à accueillir, à méditer et à pratiquer, conduit à chercher à approfondir les textes bibliques dans toutes leurs dimensions. Il existe aussi une autre aptitude sur laquelle insistent ceux qui pratiquent la théologie monastique, c'est-à-dire une profonde attitude de prière, qui doit précéder, accompagner et compléter l'étude de l'Ecriture Sainte. Etant donné que, en dernière analyse, la théologie monastique est l'écoute de la Parole de Dieu, on ne peut que purifier son cœur pour l'accueillir et, surtout, on ne peut que brûler de ferveur pour rencontrer le Seigneur. La théologie devient donc méditation, prière, chant de louange et elle incite à une conversion sincère. De nombreux représentants de la théologie monastique sont parvenus, par cette voie, aux plus hauts sommets de l'expérience mystique, et ils constituent pour nous aussi une invitation à nourrir notre existence de la Parole de Dieu, par exemple, à travers une écoute plus attentive des lectures de l'Evangile, en particulier pendant la Messe dominicale. Il est en outre important de réserver chaque jour un certain temps à la méditation de la Bible, pour que la Parole de Dieu soit la lampe qui illumine notre chemin quotidien sur la terre.

 

 La théologie scolastique, en revanche – comme nous le disions –, était prêchée dans les scholae, nées à côtés des grandes cathédrales de l'époque, pour la préparation du clergé, ou autour d'un maître de théologie et de ses disciples, pour former des professionnels de la culture, à une époque où le savoir était toujours plus apprécié. Dans la méthode des scolastiques, la quaestio était centrale, c'est-à-dire le problème qui se pose au lecteur en affrontant les paroles de l'Ecriture et de la Tradition. Devant le problème que posent ces textes faisant autorités, on soulevait des questions et le débat naissait entre le maître et les étudiants. Dans ce débat apparaissent, d'une part, les arguments de l'autorité et, de l'autre, ceux de la raison et le débat se développe dans le sens de trouver, à la fin, une synthèse entre autorité et raison, pour parvenir à une compréhension plus profonde de la Parole de Dieu. A cet égard, Saint Bonaventure dit que la théologie est « per additionem », c'est-à-dire que la théologie (scolastique) ajoute la dimension de la raison à la Parole de Dieu et crée ainsi une foi plus profonde, plus personnelle et donc aussi plus concrète dans la vie de l'homme. Dans ce sens, on trouvait différentes solutions et on formait des conclusions qui commençaient à construire un système de théologie. L'organisation des quaestiones conduisait à la compilation de synthèses toujours plus longues, c'est-à-dire que l'on composait les différentes quaestiones avec les réponses qui étaient apparues, en créant ainsi une synthèse, les summae, qui étaient, en réalité, de longs traités de théologie dogmatique nés de la confrontation de la raison humaine avec la Parole de Dieu. La théologie scolastique visait à présenter l'unité et l'harmonie de la Révélation chrétienne avec une méthode, appelée précisément « scolastique », de l'école, qui fait confiance à la raison humaine : la grammaire et la philologie sont au service du savoir théologique, mais plus encore la logique, c'est-à-dire la discipline qui étudie le « fonctionnement » du raisonnement humain, de manière qu'apparaisse avec évidence la vérité d'une proposition. Aujourd'hui encore, en lisant les summae scolastiques on est frappé par l'ordre, la clarté, l'enchaînement logique des arguments, et par la profondeur de certaines intuitions. A travers le langage technique, à chaque mot est attribuée une signification précise et, entre croire et comprendre, en vient à s'établir un mouvement réciproque de clarification.

 

Chers frères et sœurs, en faisant écho à l'invitation de la Première Lettre de Pierre, la théologie scolastique nous encourage à être toujours prêts à répondre à quiconque nous demande raison de l'espérance qui est en nous (cf. 3, 15). A entendre les questions comme nôtres et être ainsi capables également d'apporter une réponse. Elle nous rappelle qu'entre foi et raison existe une amitié naturelle, fondée dans l'ordre même de la Création. Le Serviteur Dieu Jean-Paul II, dans l'incipit de l'encyclique Fides et ratio écrit : « La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité ». La foi est ouverte à l'effort de compréhension de la part de la raison, la raison, à son tour, reconnaît que la foi ne l'opprime pas, mais la soutient au contraire vers des horizons plus amples et élevés. Ici s'inscrit la leçon éternelle de la théologie monastique. Foi et raison, dans un dialogue réciproque, vibrent de joie lorsqu'elles sont toutes deux animées par la recherche de l'union intime avec Dieu. Lorsque l'amour vivifie la dimension orante de la théologie, la connaissance, acquise par la raison, s'élargit. La vérité est recherchée avec humilité, accueillie avec émerveillement et gratitude : en un mot, la connaissance croît uniquement si elle aime la vérité. L'amour devient intelligence et la théologie authentique sagesse du cœur, qui oriente et soutient la foi et la vie des croyants. Nous prions donc pour que le chemin de la connaissance et de l'approfondissement des Mystères de Dieu soit toujours éclairé par l'amour divin.

 

 

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15 janvier 2011 6 15 /01 /janvier /2011 12:16

Audience Générale du Pape Benoît XVI sur Saint Bernard de Clairvaux, le 21 octobre 2009.

 

Chers frères et sœurs,

 

Aujourd'hui je voudrais parler de saint Bernard de Clairvaux, appelé le dernier des Pères de l'Eglise, car au XIIe siècle, il a encore une fois souligné et rendue présente la grande théologie des pères. Nous ne connaissons pas en détail les années de son enfance; nous savons cependant qu'il naquit en 1090 à Fontaines en France, dans une famille nombreuse et assez aisée. Dans son adolescence, il se consacra à l'étude de ce que l'on appelle les arts libéraux – en particulier de la grammaire, de la rhétorique et de la dialectique – à l'école des chanoines de l'église de Saint-Vorles, à Châtillon-sur-Seine et il mûrit lentement la décision d'entrer dans la vie religieuse. Vers vingt ans, il entra à Cîteaux, une fondation monastique nouvelle, plus souple par rapport aux anciens et vénérables monastères de l'époque et, dans le même temps, plus rigoureuse dans la pratique des conseils évangéliques. Quelques années plus tard, en 1115, Bernard fut envoyé par saint Etienne Harding, troisième abbé de Cîteaux, pour fonder le monastère de Clairvaux. C'est là que le jeune abbé (il n'avait que 25 ans) put affiner sa propre conception de la vie monastique, et s'engager à la traduire dans la pratique. En regardant la discipline des autres monastères, Bernard rappela avec fermeté la nécessité d'une vie sobre et mesurée, à table comme dans l'habillement et dans les édifices monastiques, recommandant de soutenir et de prendre soin des pauvres. Entre temps, la communauté de Clairvaux devenait toujours plus nombreuse et multipliait ses fondations.

 

Au cours de ces mêmes années, avant 1130, Bernard commença une longue correspondance avec de nombreuses personnes, aussi bien importantes que de conditions sociales modestes. Aux multiples Lettres de cette période, il faut ajouter les nombreux Sermons, ainsi que les Sentences et les Traités. C'est toujours à cette époque que remonte la grande amitié de Bernard avec Guillaume, abbé de Saint-Thierry, et avec Guillaume de Champeaux, des figures parmi les plus importantes du XIIe siècle. A partir de 1130, il commença à s'occuper de nombreuses et graves questions du Saint-Siège et de l'Eglise. C'est pour cette raison qu'il dut sortir toujours plus souvent de son monastère, et parfois hors de France. Il fonda également quelques monastères féminins, et engagea une vive correspondance avec Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, dont j'ai parlé mercredi dernier. Il dirigea surtout ses écrits polémiques contre Abélard, le grand penseur qui a lancé une nouvelle manière de faire de la théologie en introduisant en particulier la méthode dialectique-philosophique dans la construction de la pensée théologique. Un autre front sur lequel Bernard a lutté était l'hérésie des Cathares, qui méprisaient la matière et le corps humain, méprisant en conséquence le Créateur. En revanche, il sentit le devoir de prendre la défense des juifs, en condamnant les vagues d'antisémitisme toujours plus diffuses. C'est pour ce dernier aspect de son action apostolique que, quelques dizaines d'années plus tard, Ephraïm, rabbin de Bonn, adressa un vibrant hommage à Bernard.

 

Au cours de cette même période, le saint abbé rédigea ses œuvres les plus fameuses, comme les très célèbres Sermons sur le Cantique des Cantiques. Au cours des dernières années de sa vie – sa mort survint en 1153 – Bernard dut limiter les voyages, sans pourtant les interrompre complètement. Il en profita pour revoir définitivement l'ensemble desLettres, des Sermons, et des Traités. Un ouvrage assez singulier, qu'il termina précisément en cette période, en 1145, quand un de ses élèves, Bernardo Pignatelli, fut élu Pape sous le nom d'Eugène III, mérite d'être mentionné. En cette circonstance, Bernard, en qualité de Père spirituel, écrivit à son fils spirituel le texte De Consideratione, qui contient un enseignement en vue d'être un bon Pape. Dans ce livre, qui demeure une lecture intéressante pour les Papes de tous les temps, Bernard n'indique pas seulement comment bien faire le Pape, mais présente également une profonde vision des mystères de l'Eglise et du mystère du Christ, qui se résout, à la fin, dans la contemplation du mystère de Dieu un et trine : "On devrait encore poursuivre la recherche de ce Dieu, qui n'est pas encore assez recherché", écrit le saint abbé : "mais on peut peut-être mieux le chercher et le trouver plus facilement avec la prière qu'avec la discussion. Nous mettons alors ici un terme au livre, mais non à la recherche", à être en chemin vers Dieu.

 

Je voudrais à présent m'arrêter sur deux aspects centraux de la riche doctrine de Bernard : elles concernent Jésus Christ et la Très Sainte Vierge Marie, sa Mère. Sa sollicitude à l'égard de la participation intime et vitale du chrétien à l'amour de Dieu en Jésus Christ n'apporte pas d'orientations nouvelles dans le statut scientifique de la théologie. Mais, de manière plus décidée que jamais, l'abbé de Clairvaux configure le théologien au contemplatif et au mystique. Seul Jésus – insiste Bernard face aux raisonnements dialectiques complexes de son temps – seul Jésus est "miel à la bouche, cantique à l'oreille, joie dans le cœur". C'est précisément de là que vient le titre, que lui attribue la tradition, deDoctor mellifluus : sa louange de Jésus Christ, en effet, "coule comme le miel". Dans les batailles exténuantes entre nominalistes et réalistes – deux courants philosophiques de l'époque –, dans ces batailles, l'Abbé de Clairvaux ne se lasse pas de répéter qu'il n'y a qu'un nom qui compte, celui de Jésus le Nazaréen. "Aride est toute nourriture de l'âme", confesse-t-il, "si elle n'est pas baignée de cette huile; insipide, si elle n'est pas agrémentée de ce sel. Ce que tu écris n'a aucun goût pour moi, si je n'y ai pas lu le Nom de Jésus". Et il conclut : "Lorsque tu discutes ou que tu parles, rien n'a de saveur pour moi, si je n'ai pas entendu résonner le nom de Jésus". En effet, pour Bernard, la véritable connaissance de Dieu consiste dans l'expérience personnelle et profonde de Jésus Christ et de son amour. Et cela, chers frères et sœurs, vaut pour chaque chrétien : la foi est avant tout une rencontre personnelle, intime avec Jésus, et doit faire l'expérience de sa proximité, de son amitié, de son amour, et ce n'est qu'ainsi que l'on apprend à le connaître toujours plus, à l'aimer et le suivre toujours plus. Que cela puisse advenir pour chacun de nous!

 

Dans un autre célèbre Sermon le dimanche entre l'octave de l'Assomption, le saint Abbé décrit en termes passionnés l'intime participation de Marie au sacrifice rédempteur du Fils. "O sainte Mère – s'exclame-t-il –, vraiment, une épée a transpercé ton âme!... La violence de la douleur a transpercé à tel point ton âme que nous pouvons t'appeler à juste titre plus que martyr, car en toi, la participation à la passion du Fils dépassa de loin dans l'intensité les souffrances physiques du martyre". Bernard n'a aucun doute : "per Mariam ad Iesum", à travers Marie, nous sommes conduits à Jésus. Il atteste avec clarté l'obéissance de Marie à Jésus, selon les fondements de la mariologie traditionnelle. Mais le corps du Sermon documente également la place privilégiée de la Vierge dans l'économie du Salut, à la suite de la participation très particulière de la Mère (compassio) au sacrifice du Fils. Ce n'est pas par hasard qu'un siècle et demi après la mort de Bernard, Dante Alighieri, dans le dernier cantique de la Divine Comédie, placera sur les lèvres du "Doctor mellifluus" la sublime prière à Marie : "Vierge Mère, fille de ton Fils, / humble et élevée plus qu'aucune autre créature / terme fixe d'un éternel conseil,...".

 

Ces réflexions, caractéristiques d'un amoureux de Jésus et de Marie comme Saint Bernard, interpellent aujourd'hui encore de façon salutaire non seulement les théologiens, mais tous les croyants. On prétend parfois résoudre les questions fondamentales sur Dieu, sur l'homme et sur le monde à travers les seules forces de la raison. Saint Bernard, au contraire, solidement ancré dans la Bible, et dans les Pères de l'Eglise, nous rappelle que sans une profonde foi en Dieu alimentée par la prière et par la contemplation, par un rapport intime avec le Seigneur, nos réflexions sur les mystères divins risquent de devenir un vain exercice intellectuel, et perdent leur crédibilité. La théologie renvoie à la "science des Saints", à leur intuition des mystères du Dieu vivant, à leur sagesse, don de l'Esprit Saint, qui deviennent un point de référence de la pensée théologique. Avec Bernard de Clairvaux, nous aussi nous devons reconnaître que l'homme cherche mieux et trouve plus facilement Dieu "avec la prière qu'avec la discussion". A la fin, la figure la plus authentique du théologien et de toute évangélisation demeure celle de l'Apôtre Jean, qui a appuyé sa tête sur le cœur du Maître.

 

Je voudrais conclure ces réflexions sur Saint Bernard par les invocations à Marie, que nous lisons dans une belle homélie. "Dans les dangers, les difficultés, les incertitudes – dit-il – pense à Marie, invoque Marie. Qu'elle ne se détache jamais de tes lèvres, qu'elle ne se détache jamais de ton cœur ; et afin que tu puisses obtenir l'aide de sa prière, n'oublie jamais l'exemple de sa vie. Si tu la suis, tu ne te tromperas pas de chemin; si tu la pries, tu ne désespéreras pas ; si tu penses à elle, tu ne peux pas te tromper. Si elle te soutient, tu ne tombes pas ; si elle te protège, tu n'as rien à craindre ; si elle te guide, tu ne te fatigues pas ; si elle t'est propice, tu arriveras à destination..." (Hom. II super "Missus est", 17 : PL 183, 70-71).

 

 

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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 17:47

Audience Générale du Pape Benoît XVI sur Saint Jean Léonardi, le 7 octobre 2009.

 

Chers frères et sœurs!

 

[Nous allons célébrer] les 400 ans de la mort de saint Jean Léonardi, fondateur de l'Ordre religieux des clercs réguliers de la Mère de Dieu, canonisé le 17 avril 1938 et élu patron des pharmaciens le 8 août 2006. Il est également rappelé pour son grand élan missionnaire. Avec Mgr Juan Bautista Vives et le jésuite Martin de Funes, il projeta et contribua à l'institution d'une Congrégation spécifique du Saint-Siège pour les missions, celle de Propaganda Fide, et à la future naissance du Collège urbain de Propaganda Fide qui, au cours des siècles, a formé des milliers de prêtres, dont un grand nombre de martyrs, pour évangéliser les peuples. Il s'agit donc d'une figure lumineuse de prêtre, que j'ai plaisir à montrer comme exemple à tous les prêtres en cette année sacerdotale. Il mourut en 1609 à la suite d'une grippe contractée alors qu'il soignait tous ceux qui, dans le quartier romain de Campitelli, avaient été touchés par la maladie.

 

Jean Léonardi naquit en 1541 à Diecimo, dans la province de Lucques. Dernier de sept frères, son adolescence fut marquée par les rythmes de foi vécus dans un noyau familial sain et travailleur, et par la fréquentation assidue d'une boutique d'épices et de médicaments de son pays natal. A l'âge de 17 ans, son père l'inscrivit à un cours régulier d'apothicaire à Lucques, dans le but d'en faire un futur pharmacien, ou plutôt un apothicaire, comme on disait alors. Pendant presque dix ans, le jeune Jean Léonardi fréquenta ce cours de façon attentive et assidue, mais lorsque, selon les normes prévues par l'antique République de Lucques, il reçut la reconnaissance officielle qui devait l'autoriser à ouvrir sa boutique d'apothicaire, il se demanda si le moment n'était pas venu de réaliser un projet qui lui tenait à cœur depuis longtemps. Après une mûre réflexion, il décida de se consacrer au sacerdoce. Et ainsi, ayant quitté la boutique de l'apothicaire, et ayant reçu une formation théologique adéquate, il fut ordonné prêtre et, le jour de l'Epiphanie de 1572, il célébra sa première Messe. Toutefois, il n'abandonna pas la passion pour la pharmacie, car il sentait que la médiation professionnelle de pharmacien lui aurait permis de réaliser pleinement sa vocation, celle de transmettre aux hommes, à travers une vie sainte, "la médecine de Dieu", qui est Jésus Christ, mort et ressuscité, "mesure de toute chose".

 

Animé par la conviction que tous les êtres humains avaient besoin plus que tout autre chose de cette médecine, saint Jean Léonardi tenta de faire de la rencontre personnelle avec Jésus Christ la raison fondamentale de son existence. "Il est nécessaire de repartir du Christ", aimait-il répéter très souvent. Le primat du Christ sur tout devint pour lui le critère concret de jugement et d'action et le principe moteur de son activité sacerdotale, qu'il exerça tandis qu'était en cours un mouvement vaste et diffus de renouveau spirituel dans l'Eglise, grâce à la floraison de nouveaux Instituts religieux et au témoignage lumineux de saints tels que Charles Borromée, Philippe Neri, Ignace de Loyola, Joseph Calasanzio, Camille de Lellis, Louis Gonzague. Il se consacra avec enthousiasme à l'apostolat auprès des jeunes à travers la Compagnie de la Doctrine chrétienne, en rassemblant autour de lui un groupe de jeunes avec lesquels, le 1er septembre 1574, il fonda la Congrégation des prêtres réformés de la Bienheureuse Vierge, appelé par la suite Ordre des clercs réguliers de la Mère de Dieu. A ses disciples, il recommandait d'avoir "devant les yeux de l'esprit uniquement l'honneur, le service et la gloire de Jésus Christ crucifié" et, en bon pharmacien habitué à doser les potions grâce à une référence précise, il ajoutait : "Elevez un peu plus vos yeux vers Dieu et mesurez les choses avec Lui".

 

Soutenu par son zèle apostolique, en mai 1605, il envoya au Pape Paul V qui venait d'être élu un Mémorial, dans lequel il suggérait les critères d'un authentique renouveau dans l'Eglise. En observant qu'il est "nécessaire que ceux qui aspirent à la réforme des mœurs des hommes recherchent en particulier, et en premier lieu, la gloire de Dieu", il ajoutait qu'ils devaient resplendir "par l'intégrité de leur vie et l'excellence de leurs mœurs, ainsi, plus que l'imposer, ils conduiront doucement à la réforme". Il observait, en outre, que "celui qui veut opérer une sérieuse réforme religieuse et morale doit faire avant tout, comme un bon médecin, un diagnostic attentif des maux qui tourmentent l'Eglise pour pouvoir ainsi être en mesure de prescrire pour chacun d'eux le remède le plus approprié". Et il notait que "le renouveau de l'Eglise doit avoir lieu également chez les responsables et les subalternes, en haut et en bas. Il doit commencer par celui qui commande et s'étendre aux sujets". Ce fut pour cette raison que, tandis qu'il sollicitait le Pape à promouvoir une "réforme universelle de l'Eglise", il se préoccupait de la formation chrétienne du peuple et en particulier des enfants, qu'il fallait éduquer "dès les premières années... dans la pureté de la foi chrétienne et des saintes traditions".

 

Chers frères et sœurs, la figure lumineuse de ce Saint invite tout d'abord les prêtres, et tous les chrétiens, à tendre constamment vers la "haute mesure de la vie chrétienne" qui est la sainteté, naturellement chacun selon son état. En effet, ce n'est que de la fidélité au Christ que peut naître l'authentique renouveau ecclésial. Au cours de ces années, lors du passage culturel et social entre le XVIe siècle et le XVIIe siècle, commencèrent à se dessiner les prémisses de la future culture contemporaine, caractérisée par une scission indue entre foi et raison, qui a produit parmi ses effets négatifs la marginalisation de Dieu, avec l'illusion d'une possible et totale autonomie de l'homme qui choisit de vivre "comme si Dieu n'existait pas". C'est la crise de la pensée moderne, que j'ai eu plusieurs fois l'occasion de souligner et qui débouche souvent sur des formes de relativisme. Jean Léonardi eut l'intuition du véritable remède pour ces maux spirituels et il la synthétisa dans l'expression : "le Christ avant tout", le Christ au centre du cœur, au centre de l'histoire et de l'univers. Et l'humanité a un besoin extrême du Christ – affirmait-il avec force –, car Il est notre "mesure". Il n'y a pas de milieu qui ne puisse être touché par sa force ; il n'y a pas de maux qui ne trouvent en Lui un remède, il n'y a pas de problème qui ne se résolvent en Lui. "Ou le Christ ou rien"! Voilà sa recette pour chaque type de réforme spirituelle et sociale.

 

Il existe un autre aspect de la spiritualité de saint Jean Léonardi qu'il me plaît de souligner. En diverses circonstances, il réaffirma que la rencontre vivante avec le Christ se réalise dans son Eglise, sainte mais fragile, enracinée dans l'histoire et dans son devenir parfois obscur, où le blé et l'ivraie croissent ensemble (cf. Mt 13, 30), mais toutefois toujours Sacrement de Salut. Ayant clairement conscience du fait que l'Eglise est le champ de Dieu (cf. Mt 13, 24), il ne se scandalisa pas de ses faiblesses humaines. Pour faire obstacle à l'ivraie, il choisit d'être le bon grain : c'est-à-dire qu'il décida d'aimer le Christ dans l'Eglise et de contribuer à la rendre toujours davantage un signe transparent de sa personne. Avec un grand réalisme, il vit l'Eglise, sa fragilité humaine, mais également sa manière d'être "champ de Dieu", instrument de Dieu pour le Salut de l'humanité. Pas seulement. Par amour du Christ, il travailla avec zèle pour purifier l'Eglise, pour la rendre plus belle et sainte. Il comprit que toute réforme doit être faite dans l'Eglise et jamais contre l'Eglise. En cela, Saint Jean Léonardi a vraiment été extraordinaire et son exemple reste toujours actuel. Chaque réforme concerne assurément les structures, mais elle doit tout d'abord toucher le cœur des croyants. Seuls les Saints, les hommes et les femmes qui se laissent guider par l'Esprit divin, prêts à accomplir des choix radicaux et courageux à la lumière de l'Evangile, renouvellent l'Eglise et contribuent, de manière déterminante, à construire un monde meilleur.

 

Chers frères et sœurs, l'existence de saint Jean Léonardi fut toujours illuminée par la splendeur de la "Sainte Face" de Jésus, conservée et vénérée dans l'église-cathédrale de Lucques, devenue le symbole éloquent et la synthèse indiscutable de la foi qui l'animait. Conquis par le Christ comme l'apôtre Paul, il indiqua à ses disciples, et il continue de nous indiquer à tous, l'idéal christocentrique pour lequel "il faut se dépouiller de chaque intérêt personnel et ne voir que le service de Dieu", en ayant "devant les yeux de l'esprit uniquement l'honneur, le service et la gloire du Christ Jésus crucifié". A côté de la face du Christ, il fixa son regard sur le visage maternel de Marie. Celle qu'il élit Patronne de son ordre, fut pour lui maîtresse, sœur, mère, et il fit l'expérience de sa constante protection. Que l'exemple et l'intercession de cet "homme de Dieu fascinant" soient, en particulier en cette Année sacerdotale, un appel et un encouragement pour les prêtres et pour tous les chrétiens à vivre avec passion et enthousiasme sa propre vocation.

 

 

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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 17:06

Extrait du discours prononcé par le Pape Benoît XVI lors de sa rencontre avec les artistes, le 21 novembre 2009.

 

[…] Le moment actuel est malheureusement marqué, non seulement par des phénomènes négatifs au niveau social et économique, mais également par un affaiblissement de l'espérance, par un certain manque de confiance dans les relations humaines, c'est la raison pour laquelle augmentent les signes de résignation, d'agressivité, de désespoir. Ensuite, le monde dans lequel nous vivons risque de changer de visage à cause de l'œuvre qui n'est pas toujours sage de l'homme qui, au lieu d'en cultiver la beauté, exploite sans conscience les ressources de la planète au bénéfice d'un petit nombre et qui souvent en défigure les merveilles naturelles. Qu'est-ce qui peut redonner l'enthousiasme et la confiance, qu'est-ce qui peut encourager l'âme humaine à retrouver le chemin, à lever le regard vers l'horizon, à rêver d'une vie digne de sa vocation sinon la beauté? Chers artistes, vous savez bien que l'expérience du beau, du beau authentique, pas éphémère ni superficiel, n'est pas quelque chose d'accessoire ou de secondaire dans la recherche du sens et du bonheur, car cette expérience n'éloigne pas de la réalité, mais, au contraire, elle mène à une confrontation étroite avec le vécu quotidien, pour le libérer de l'obscurité et le transfigurer, pour le rendre lumineux, beau.

 

Une fonction essentielle de la véritable beauté, en effet, déjà évidente chez Platon, consiste à donner à l'homme une "secousse" salutaire, qui le fait sortir de lui-même, l'arrache à la résignation, au compromis avec le quotidien, le fait souffrir aussi, comme un dard qui blesse, mais précisément ainsi le "réveille", en lui ouvrant à nouveau les yeux du cœur et de l'esprit, en lui mettant des ailes, en le poussant vers le haut. L'expression de Dostoïevski que je vais citer est sans aucun doute hardie et paradoxale, mais elle invite à réfléchir : "L'humanité peut vivre – dit-il – sans la science, elle peut vivre sans pain, mais il n'y a que sans la beauté qu'elle ne pourrait plus vivre, car il n'y aurait plus rien à faire au monde. Tout le secret est là, toute l'histoire est là". Le peintre Georges Braque lui fait écho : "L'art est fait pour troubler, alors que la science rassure". La beauté frappe, mais précisément ainsi elle rappelle l'homme à son destin ultime, elle le remet en marche, elle le remplit à nouveau d'espérance, elle lui donne le courage de vivre jusqu'au bout le don unique de l'existence. La recherche de la beauté dont je parle ne consiste bien évidemment en aucune fuite dans l'irrationnel ou dans le pur esthétisme.

 

Mais trop souvent la beauté qui est publicisée est illusoire et mensongère, superficielle et éblouissante jusqu'à l'étourdissement et, au lieu de faire sortir les hommes d'eux-mêmes et de les ouvrir à des horizons de véritable liberté, en les attirant vers le haut, elle les emprisonne en eux-mêmes et les rend encore plus esclaves, privés d'espérance et de joie. Il s'agit d'une beauté séduisante mais hypocrite, qui réveille le désir, la volonté de pouvoir, de possession, de domination sur l'autre et qui se transforme, bien vite, en son contraire, assumant les visages de l'obscénité, de la transgression ou de la provocation pour elle-même. En revanche, la beauté authentique ouvre le cœur humain à la nostalgie, au désir profond de connaître, d'aimer, d'aller vers l'Autre, vers ce qui est Au-delà de soi. Si nous laissons la beauté nous toucher profondément, nous blesser, nous ouvrir les yeux, alors nous redécouvrons la joie de la vision, de la capacité de saisir le sens profond de notre existence, le Mystère dont nous faisons partie et auquel nous pouvons puiser la plénitude, le bonheur, la passion de l'engagement quotidien. Jean-Paul II, dans la Lettre aux Artistes, cite, à ce propos, ces vers d'un poète polonais, Cyprian Norwid : "La beauté est pour susciter l'enthousiasme dans le travail / le travail est pour renaître" (n. 3). Et plus avant il ajoute : "Parce qu'il est recherche de la beauté, fruit d'une imagination qui va au-delà du quotidien, l'art est, par nature, une sorte d'appel au Mystère. Même lorsqu'il scrute les plus obscures profondeurs de l'âme ou les plus bouleversants aspects du mal, l'artiste se fait en quelque sorte la voix de l'attente universelle d'une rédemption" (n. 10). Et dans sa conclusion, il affirme : "La beauté est la clé du mystère et elle renvoie à la transcendance" (n. 16).

 

Ces dernières expressions nous poussent à accomplir un pas en avant dans notre réflexion. La beauté, de celle qui se manifeste dans l'univers et dans la nature à celle qui s'exprime à travers les créations artistiques, précisément en raison de sa capacité caractéristique d'ouvrir et d'élargir les horizons de la conscience humaine, de la renvoyer au-delà d'elle-même, de se pencher sur l'abîme de l'Infini, peut devenir une voie vers le Transcendant, vers le Mystère ultime, vers Dieu. L'art, dans toutes ses expressions, au moment où il se confronte avec les grandes interrogations de l'existence, peut assumer une valeur religieuse et se transformer en un parcours de profonde réflexion intérieure et de spiritualité. Cette affinité, cette harmonie entre parcours de foi et itinéraire artistique est attestée par un nombre incalculable d'œuvres d'art qui mettent en scène les personnages, les histoires, les symboles de cet immense dépôt de "figures" – au sens large – qu'est la Bible, l'Ecriture Sainte. Les grands récits bibliques, les thèmes, les images, les paraboles ont inspiré d'innombrables chefs-d'œuvre dans tous les domaines des arts, de même qu'ils ont parlé au cœur de chaque génération de croyants à travers les œuvres de l'artisanat et de l'art local, tout aussi éloquentes et saisissantes.

 

On parle, à ce propos, d'une via pulchritudinis, une voie de la beauté qui constitue dans le même temps un parcours artistique, esthétique, et un itinéraire de foi, de recherche théologique. Le théologien Hans Urs von Balthasar ouvre sa grande œuvre, intitulée « Gloire. Une esthétique théologique », par ces lignes suggestives : "Notre parole initiale s'appelle beauté. La beauté est la dernière parole que l'intellect pensant peut oser prononcer, car celle-ci ne fait que couronner, comme une auréole de splendeur insaisissable, le double astre du vrai et du bien et leur relation indissoluble". Il observe ensuite : "Elle est la beauté désintéressée sans laquelle il était impossible de comprendre le vieux monde, mais qui a pris congé sur la pointe des pieds du monde moderne des intérêts, pour l'abandonner à sa cupidité et à sa tristesse. Elle est la beauté qui n'est plus aimée ni sauvegardée, pas même par la religion". Et il conclut:  "De celui qui, à son nom, plisse ses lèvres dans un sourire, la jugeant comme le bibelot exotique d'un passé bourgeois, de celui-ci, on peut être sûr que – secrètement ou ouvertement – il n'est plus capable de prier et, bientôt, plus capable d'aimer". La voie de la beauté nous conduit donc à saisir le Tout dans le fragment, l'infini dans le fini, Dieu dans l'histoire de l'humanité. Simone Weil écrivait à ce propos : "Dans tout ce qui suscite en nous le sentiment pur et authentique de la beauté, il y a réellement la présence de Dieu. Il y a presque une incarnation de Dieu dans le monde, dont la beauté est le signe. La beauté est la preuve expérimentale que l'incarnation est possible. C'est pourquoi chaque art de premier ordre est, par essence, religieux". L'affirmation de Hermann Hesse est encore plus incisive : "L'art signifie : montrer Dieu en chaque chose". En faisant écho aux paroles du Pape Paul VI, le serviteur de Dieu Jean-Paul II a réaffirmé le désir de l'Eglise de renouveler le dialogue et la collaboration avec les artistes : "Pour transmettre le message qui lui a été confié par le Christ, l'Eglise a besoin de l'art" (Lettre aux Artistes, n. 12) ; mais il demandait immédiatement après : "L'art a-t-il besoin de l'Eglise?", invitant ainsi les artistes à retrouver dans l'expérience religieuse, dans la révélation chrétienne et dans le "grand codex" qu'est la Bible une source d'inspiration renouvelée et motivée.

 

Chers artistes, m'approchant de la conclusion, je voudrais adresser moi aussi, comme le fit déjà mon prédécesseur, un appel cordial, amical et passionné. Vous êtes les gardiens de la beauté ; vous avez, grâce à votre talent, la possibilité de parler au cœur de l'humanité, de toucher la sensibilité individuelle et collective, de susciter des rêves et des espérances, d'élargir les horizons de la connaissance et de l'engagement humain. Soyez donc reconnaissants des dons reçus et pleinement conscients de la grande responsabilité de communiquer la beauté, de faire communiquer dans la beauté et à travers la beauté! Soyez vous aussi, à travers votre art, des annonciateurs et des témoins d'espérance pour l'humanité! Et n'ayez pas peur de vous confronter avec la source première et ultime de la beauté, de dialoguer avec les croyants, avec ceux qui, comme vous, se sentent en pèlerinage dans le monde et dans l'histoire, vers la Beauté infinie! La foi n'ôte rien à votre génie, à votre art, au contraire elle les exalte et les nourrit, elle les encourage à franchir le seuil et à contempler avec des yeux fascinés et émus le but ultime et définitif, le soleil sans crépuscule qui illumine et embellit le présent.

 

Saint Augustin, chantre amoureux de la beauté, en réfléchissant sur le destin ultime de l'homme et presque en commentant ante litteram la scène du Jugement que vous avez aujourd'hui devant les yeux, écrivait ainsi : "Nous jouirons donc d'une vision, ô frères, jamais contemplée par les yeux, jamais entendue par les oreilles, jamais imaginée par la fantaisie : une vision qui dépasse toutes les beautés terrestres, celle de l'or, de l'argent, des bois et des champs, de la mer et du ciel, du soleil et de la lune, des étoiles et des anges ; la raison est la suivante : celle-ci est la source de toute autre beauté" (In Ep. Jo. Tr. 4,5:  PL 35, 2008). Je souhaite à vous tous, chers artistes, d'emporter dans vos yeux, dans vos mains, dans votre cœur cette vision, pour qu'elle vous donne la joie et inspire toujours vos belles œuvres. Alors que je vous bénis de tout cœur, je vous salue, comme le fit déjà Paul VI, avec un seul mot : au revoir!

 

Je suis heureux de saluer tous les artistes présents. Chers amis, je vous encourage à découvrir et à exprimer toujours mieux, à travers la beauté de vos œuvres, le mystère de Dieu et le mystère de l'homme. Que Dieu vous bénisse!

 

 

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12 janvier 2011 3 12 /01 /janvier /2011 13:56

Extrait du discours prononcé par le Pape Benoît XVI lors de sa rencontre avec les artistes, le 21 novembre 2009.

 

Messieurs les cardinaux,

Vénérés frères dans l'épiscopat

et dans le sacerdoce,

Mesdames et Messieurs!

 

C'est avec une grande joie que je vous accueille dans ce lieu solennel et riche d'art et de mémoire. J'adresse à tous et à chacun mon salut cordial et je vous remercie pour avoir accueilli mon invitation. Avec cette rencontre, je désire exprimer et renouveler l'amitié de l'Eglise avec le monde de l'art, une amitié consolidée dans le temps, car le christianisme, dès ses origines, a bien compris la valeur des arts et en a utilisé avec sagesse les langages multiformes pour communiquer son message immuable de Salut. Cette amitié doit sans cesse être promue et soutenue, afin qu'elle soit authentique et féconde, adaptée aux temps et tienne compte des situations et des changements sociaux et culturels. Voilà le motif de notre rendez-vous. Je remercie de tout cœur Mgr Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical de la culture et de la Commission pontificale pour les biens culturels de l'Eglise, pour l'avoir promu et préparé, avec ses collaborateurs, ainsi que pour les paroles qu'il vient de m'adresser. Je salue les cardinaux, les évêques, les prêtres et les éminentes personnalités présentes. Je remercie également la Chapelle musicale pontificale sixtine qui accompagne ce moment significatif. C'est vous qui êtes les acteurs de cette rencontre, chers et illustres artistes, appartenant à des pays, des cultures et des religions différentes, peut-être même éloignés d'expériences religieuses, mais désireux de maintenir vivante une communication avec l'Eglise catholique et de ne pas restreindre les horizons de l'existence au pur aspect matériel, à une vision réductrice et banalisante. Vous représentez le monde varié des arts et, précisément pour cela, à travers vous je voudrais faire parvenir à tous les artistes mon invitation à l'amitié, au dialogue, à la collaboration.

 

Plusieurs circonstances significatives enrichissent ce moment. Rappelons le dixième anniversaire de la Lettre aux Artistes de mon vénéré prédécesseur, le serviteur de Dieu Jean-Paul II. Pour la première fois, à la veille du grand Jubilé de l'An 2000, ce Pape, lui aussi artiste, écrivit directement aux artistes avec la solennité d'un document pontifical et le ton amical d'une conversation entre "ceux qui – comme le dit l'adresse –, avec un dévouement passionné, cherchent de nouvelles ‘épiphanies’ de la beauté". Ce même Pape, il y a vingt-cinq ans, avait proclamé Beato Angelico patron des artistes, indiquant en lui un modèle de parfaite harmonie entre foi et art.

 

Ma pensée va ensuite au 7 mai 1964, il y a quarante-cinq ans, lorsque, en ce même lieu, se déroula un événement historique, fortement voulu par le Pape Paul VI pour réaffirmer l'amitié entre l'Eglise et les arts. Les paroles qu'il prononça en cette circonstance retentissent encore aujourd'hui sous la voûte de cette Chapelle sixtine, touchant le cœur et l'esprit. "Nous avons besoin de vous – dit-il. Notre ministère a besoin de votre collaboration. Car, comme vous le savez, Notre ministère est celui de prêcher et de rendre accessible et compréhensible, et même émouvant, le monde de l'esprit, de l'invisible, de l'ineffable, de Dieu. Et dans cette opération... vous êtes des maîtres. C'est votre métier, votre mission ; et votre art est celui de saisir du ciel de l'esprit ses trésors et de les revêtir de mots, de couleurs, de formes, d'accessibilité" (Insegnamenti II, [1964], 313). L'estime de Paul VI pour les artistes était si forte qu'elle le poussa à formuler des expressions vraiment hardies : "Et si votre aide Nous manquait – poursuivait-il –, le ministère deviendrait balbutiant et incertain et aurait besoin de faire un effort, dirions-nous, de devenir lui-même artistique, ou mieux de devenir prophétique. Pour s'élever à la force d'expression lyrique de la beauté intuitive, il aurait besoin de faire coïncider le sacerdoce avec l'art" (ibid., 314). En cette occasion, Paul VI prit l'engagement de "rétablir l'amitié entre l'Eglise et les artistes", et il leur demanda de faire leur et de partager cet engagement, en analysant avec sérieux et objectivité les motifs qui avaient troublé cette relation et en assumant chacun avec courage et passion la responsabilité d'un itinéraire renouvelé et approfondi de connaissance et de dialogue, en vue d'une authentique "renaissance" de l'art, dans le contexte d'un nouvel humanisme.

 

Cette rencontre historique, comme je le disais, eut lieu ici, dans ce sanctuaire de foi et de créativité humaine. Ce n'est donc pas un hasard si nous nous retrouvons précisément en ce lieu, précieux en raison de son architecture et de ses dimensions symboliques, mais encore davantage de ses fresques qui le rendent unique, à commencer par les chefs-d'œuvre du Pérugin et de Botticelli, de Ghirlandaio et de Cosimo Rosselli, de Luca Signorelli et d'autres, pour arriver aux Histoires de la Genèse et au Jugement dernier, œuvres éminentes de Michel-Ange Buonarrotti, qui a laissé ici l'une de ses créations les plus extraordinaires de toute l'histoire de l'art. Ici a également souvent retenti le langage universel de la musique, grâce au génie des grands musiciens, qui ont mis leur art au service de la liturgie, en aidant l'âme à s'élever vers Dieu. Dans le même temps, la Chapelle sixtine est un écrin particulier de souvenirs, car elle constitue le décor, solennel et austère, d'événements qui marquent l'histoire de l'Eglise et de l'humanité. Ici, comme vous le savez, le Collège des cardinaux élit le Pape ; ici j'ai vécu moi aussi, avec impatience et une confiance absolue dans le Seigneur, le moment inoubliable de mon élection comme Successeur de l'Apôtre Pierre.

 

Chers amis, laissons ces fresques nous parler aujourd'hui, en nous attirant vers le but ultime de l'Histoire humaine. Le Jugement dernier, qui trône derrière moi, rappelle que l'Histoire de l'humanité est mouvement et ascension, est une tension inépuisable vers la plénitude, vers le bonheur ultime, vers un horizon qui dépasse toujours le présent alors qu'il le traverse. Cependant, dans son caractère dramatique, cette fresque place également devant nos yeux le danger de la chute définitive de l'homme, une menace qui pèse sur l'humanité lorsqu'elle se laisse séduire par les forces du mal. La fresque lance cependant un cri prophétique puissant contre le mal; contre toute forme d'injustice. Mais pour les croyants le Christ ressuscité est le Chemin, la Vérité et la Vie. Pour celui qui le suit fidèlement, il est la Porte qui introduit à ce "face à face", à cette vision de Dieu dont naît sans aucune limite le bonheur plein et définitif. Michel-Ange offre ainsi à notre vision l'Alpha et l'Omega, le Principe et la Fin de l'histoire, et il nous invite à parcourir avec joie, courage et espérance l'itinéraire de la vie. La beauté dramatique de la peinture de Michel-Ange, avec ses couleurs et ses formes, se fait donc annonce d'espérance, invitation puissante à élever le regard vers l'horizon ultime. Le lien profond entre beauté et espérance constituait également le noyau essentiel du suggestif Message que Paul VI adressa aux artistes, lors de la clôture du Concile œcuménique Vatican II, le 8 décembre 1965 : "A vous tous, proclama-t-il solennellement, l'Eglise du Concile dit à travers Notre voix : si vous êtes les amis de l'art véritable, vous êtes Nos amis!" (Enchiridion Vaticanum, 1, p. 305). Et il ajouta : "Ce monde dans lequel Nous vivons a besoin de beauté pour ne pas sombrer dans le désespoir. La beauté, comme la vérité, est ce qui apporte la joie au cœur des hommes, elle est ce fruit précieux qui résiste à l'usure du temps, qui unit les générations et les fait communiquer dans l'admiration. Et cela grâce à vos mains... Rappelez-vous que vous êtes les gardiens de la beauté de notre monde" (ibid.).

 

 

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11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 00:00

Extrait du discours prononcé par le Pape Benoît XVI au Corps diplomatique, le 11 janvier 2010.

 

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

 

Cette rencontre traditionnelle du début de l’année, deux semaines après la célébration de la naissance du Verbe incarné, est pour moi une grande joie. Comme nous l’avons proclamé dans la liturgie : « Dans le mystère de la Nativité, celui qui par nature est invisible se rend visible à nos yeux ; engendré avant le temps, Il entre dans le cours du temps. Faisant renaître en Lui la création déchue, Il restaure toute chose » (2ème préface de la Nativité). A Noël, nous avons donc contemplé le mystère de Dieu et celui de la Création : par l’annonce des anges aux bergers, nous est parvenue la Bonne nouvelle du Salut de l’homme et du renouvellement de tout l’univers. C’est pourquoi, dans le Message pour la célébration de la Journée Mondiale de la Paix de cette année, j’ai invité toutes les personnes de bonne volonté, à qui les anges ont promis justement la paix, à protéger la Création […].

 

L’Eglise est ouverte à tous parce que, en Dieu, elle existe pour les autres ! Elle participe donc intensément au sort de l’humanité qui, en cette année à peine commencée, apparaît encore marquée par la crise dramatique qui a frappé l’économie mondiale, provoquant une instabilité sociale grave et diffuse. Dans l’Encyclique Caritas in veritate, j’ai invité à rechercher les racines profondes de cette situation : en dernière analyse, elles résident dans une mentalité courante égoïste et matérialiste, oublieuse des limites inhérentes à toute créature. Aujourd’hui, je voudrais souligner que cette même mentalité menace également la Création. Chacun de nous pourrait citer, probablement, un exemple des dommages qu’elle provoque à l’environnement, partout dans le monde. J’en cite un, parmi tant d’autres, dans l’histoire récente de l’Europe : il y a vingt ans, quand tomba le mur de Berlin et quand s’écroulèrent les régimes matérialistes et athées qui avaient dominé pendant plusieurs décennies une partie de ce continent, n’a-t-on pas pu prendre la mesure des profondes blessures qu’un système économique privé de références fondées sur la vérité de l’homme avait infligé non seulement à la dignité et à la liberté des personnes et des peuples, mais aussi à la nature, avec la pollution du sol, des eaux et de l’air ? La négation de Dieu défigure la liberté de la personne humaine, mais dévaste aussi la Création. Il s’ensuit que la sauvegarde de la Création ne répond pas principalement à une exigence esthétique, mais bien davantage à une exigence morale, car la nature exprime un dessein d’amour et de vérité qui nous précède et qui vient de Dieu.

 

C’est pourquoi je partage la préoccupation majeure que causent les résistances d’ordre économique et politique à la lutte contre la dégradation de l’environnement […]. Il convient, toutefois, que cette attention et cet engagement pour l’environnement soient bien ordonnés dans l’ensemble des grands défis qui se posent à l’humanité. Si l’on veut construire une vraie paix, comment serait-il possible de séparer, ou même d’opposer, la protection de l’environnement et celle de la vie humaine, y compris la vie avant la naissance ? C’est dans le respect que la personne humaine a d’elle-même que se manifeste son sens de la responsabilité pour la Création. Car, comme saint Thomas d’Aquin l’enseigne, l’homme représente ce qu’il y a de plus noble dans l’univers (cf. Summa Theologiae, I, q. 29, a.3). En outre, et je l’ai rappelé lors du récent Sommet mondial de la FAO sur la Sécurité alimentaire, « la terre est en mesure de nourrir tous ses habitants » (Discours du 16 novembre 2009, n. 2), pourvu que l’égoïsme ne conduise pas à l’accaparement par quelques-uns des biens destinés à tous !

 

Je voudrais souligner encore que la sauvegarde de la Création implique une gestion correcte des ressources naturelles des pays et, en premier lieu, de ceux qui sont économiquement défavorisés. Ma pensée va au continent africain, que j’ai eu la joie de visiter au mois de mars dernier, lors de mon voyage au Cameroun et en Angola, et auquel ont été consacrés les travaux de la récente Assemblée spéciale du Synode des Evêques. Les Pères synodaux ont signalé avec préoccupation l’érosion et la désertification de grandes étendues de terre cultivable, à cause de la surexploitation et de la pollution de l’environnement. En Afrique, comme ailleurs, il est nécessaire d’adopter des choix politiques et économiques qui assurent des formes de production agricole et industrielle respectueuses de l’ordre de la Création et satisfaisantes pour les besoins essentiels de tous (cf. Message pour la célébration de la Journée Mondiale de la Paix 2010, n. 10) […].

 

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, je n’ai évoqué jusqu’ici que quelques aspects liés à la problématique de l’environnement. Cependant, les racines de la situation qui est sous les yeux de tous, sont d’ordre moral et la question doit être affrontée dans le cadre d’un grand effort d’éducation, afin de promouvoir un changement effectif des mentalités et d’établir de nouveaux modes de vie. La communauté des croyants peut et veut y participer, mais, pour ce faire, il faut que son rôle public soit reconnu. Malheureusement, dans certains pays, surtout occidentaux, se diffuse parmi les milieux politiques et culturels, ainsi que dans les médias, un sentiment de peu de considération et parfois d’hostilité, pour ne pas dire de mépris, envers la religion, en particulier la religion chrétienne. Il est clair que si le relativisme est considéré comme un élément constitutif essentiel de la démocratie, on risque de ne concevoir la laïcité qu’en termes d’exclusion ou, plus exactement, de refus de l’importance sociale du fait religieux. Une telle approche, cependant, crée confrontation et division, blesse la paix, perturbe l’écologie humaine et, en rejetant par principe les attitudes différentes de la sienne, devient une voie sans issue. Il est donc urgent de définir une laïcité positive, ouverte, qui, fondée sur une juste autonomie de l’ordre temporel et de l’ordre spirituel, favorise une saine collaboration et un esprit de responsabilité partagée. Dans cette perspective, je pense à l’Europe, qui, avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, a ouvert une nouvelle phase de son processus d’intégration, que le Saint-Siège continuera à suivre avec respect et avec une attention bienveillante. Notant avec satisfaction que le Traité prévoit que l’Union européenne maintienne avec les Eglises un dialogue « ouvert, transparent et régulier » (art. 17), je forme des vœux afin que, dans la construction de son avenir, l’Europe sache toujours puiser aux sources de sa propre identité chrétienne. Comme je l’ai dit, durant mon voyage apostolique en République Tchèque, au mois de septembre dernier, celle-ci a un rôle irremplaçable pour la formation de la conscience de chaque génération et la promotion d’un consensus éthique de base qui est utile à toute personne qui appelle ce continent ‘ma maison’ ! (cf. Rencontre avec les Autorités politiques et civiles et avec le Corps diplomatique, 26 septembre 2009).

 

Poursuivant notre réflexion, il est nécessaire de relever que la problématique de l’environnement est complexe ; on pourrait dire qu’il s’agit d’un prisme aux facettes multiples. Les créatures sont différentes les unes des autres et peuvent être protégées, ou au contraire mises en danger de diverses manières, comme nous le montre l’expérience quotidienne. Une de ces attaques provient des lois ou des projets qui, au nom de la lutte contre la discrimination, attentent au fondement biologique de la différence entre les sexes. Je me réfère, par exemple, à des pays européens ou du continent américain. « Si tu enlèves la liberté, tu enlèves la dignité », dit Saint Colomban (Epist. N. 4 ad Attela, in S. Columbani Opera, Dublin, 1957, p. 34). Toutefois la liberté ne peut être absolue, parce que l’homme n’est pas Dieu, mais image de Dieu, sa créature. Pour l’homme, le chemin à suivre ne peut être fixé par l’arbitraire ou le désir, mais doit consister, plutôt, à correspondre à la structure voulue par le Créateur […].

 

 

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