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7 août 2010 6 07 /08 /août /2010 10:41

 

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6 août 2010 5 06 /08 /août /2010 17:23

Logo Terre SainteDiscours prononcé par le Pape Benoît XVI lors de sa visite de courtoisie au Président d’Israël, à Jérusalem le 11 mai 2009.

 

 Monsieur le Président,

 Excellences,

 Mesdames, Messieurs,

 

Visite de courtoisie à Shimon Peres

 

En signe de cordiale hospitalité, le Président Peres nous accueille ici dans sa résidence, me permettant ainsi de vous saluer tous et de saisir cette occasion pour partager quelques réflexions avec vous. Je vous remercie, Monsieur le Président, de cet aimable accueil et des vœux courtois que vous m’avez adressés, vous offrant cordialement à mon tour les miens. Je remercie également les chanteurs et les musiciens qui nous ont réjoui par leur belle interprétation.

 

Monsieur le Président, dans le message de félicitations que je vous avais adressé au moment où vous inauguriez votre mandat, j’évoquais avec plaisir votre remarquable service du bien commun caractérisé par un engagement résolu à poursuivre les efforts de justice et de paix. Cet après-midi, je souhaite vous redire, à vous-même, au nouveau Gouvernement, ainsi qu’à tout le peuple de l’État d’Israël, que le pèlerinage que j’accomplis aux Lieux Saints, est une démarche de prière pour le don précieux de l’unité et de la paix pour le Moyen-Orient et pour toute l’humanité. Oui, je prie chaque jour pour que la paix, née de la justice, revienne en Terre Sainte et dans toute la région, apportant la sécurité et une espérance renouvelée pour tous.

 

La paix est avant tout un don divin. Car la paix est la promesse du Tout-Puissant à l’humanité et elle est porteuse d’unité. Dans le Livre du prophète Jérémie nous lisons : « Car je sais, moi – c’est le Seigneur qui parle – les desseins que je forme pour vous, desseins de paix et non de malheur, pour vous donner un avenir et une espérance » (29, 11). Le Prophète nous rappelle la promesse du Tout-Puissant, disant qu’Il « se laisse trouver », qu’Il « écoutera », et qu’Il « nous rassemblera ». Mais il y a une condition : nous devons « le chercher » et le « chercher de tout notre cœur » (cf. ibid. 12-14).

 

Aux Chefs religieux qui sont ici présents, je souhaite dire que la contribution spécifique des religions à la recherche de la paix se trouve essentiellement dans une recherche de Dieu authentique, ardente et unifiée. Il nous revient de proclamer – et d’en être les témoins –, que le Tout-Puissant est présent, qu’Il peut être connu même s’il semble caché à notre regard, qu’Il agit dans notre monde pour notre bien et que l’avenir de la société est marqué du sceau de l’espérance quand elle se met en syntonie avec l’ordre divin. C’est la présence dynamique de Dieu qui pousse les cœurs à se rassembler et qui assure l’unité. En effet, le fondement ultime de l’unité entre les personnes se trouve dans la parfaite unité et universalité de Dieu, qui a créé l’homme et la femme à son image et à sa ressemblance afin de nous attirer dans sa propre vie divine pour que tous soient un.

 

Les Chefs religieux doivent donc être attentifs au fait que toute division ou tension, toute tendance au repliement sur soi ou à la suspicion parmi les croyants ou entre des communautés, peut facilement conduire à une contradiction qui masque l’unité du Tout-Puissant, trahit notre propre unité et s’oppose à l’Unique qui se révèle lui-même comme Celui qui est « riche en grâce et en fidélité » (Ex 34, 6 ; Ps 138, 2 ; Ps 85, 11). Mes amis : Jérusalem, qui a longtemps été un carrefour pour de nombreux peuples d’origines différentes, est une cité qui permet aux Juifs, aux Chrétiens et aux Musulmans aussi bien d’assumer le devoir et de jouir du privilège de témoigner ensemble de la coexistence pacifique depuis si longtemps désirée par ceux qui adorent le Dieu unique ; de mettre en évidence le dessein du Tout-Puissant sur l’unité de la famille humaine annoncée à Abraham ; et de proclamer la nature véritable de l’homme qui est d’être un chercheur de Dieu. Prenons la résolution de faire en sorte que, à travers l’enseignement et l’orientation que nous donnons à nos communautés respectives, nous aidions leurs membres à être fidèles à ce qu’ils sont en tant que croyants, toujours plus conscients de la bonté infinie de Dieu, de l’inviolable dignité de tout être humain et de l’unité de la famille humaine tout entière.

 

La Sainte Écriture nous offre aussi une manière de comprendre la sécurité. Selon l’usage juif, la sécurité – batah – naît de la confiance, elle ne fait pas seulement référence à l’absence de menace, mais aussi au sentiment de quiétude et de confiance. Dans le Livre du prophète Isaïe nous lisons ce qui a trait à une période de bénédiction divine : « Une fois encore, se répand sur nous l’Esprit d’en haut… Dans le désert s’établira le droit et la justice habitera le verger. Le fruit de la justice sera la paix, et l’effet de la justice repos et sécurité à jamais » (32, 15-17). La sécurité, le droit, la justice et la paix ! Dans le dessein de Dieu sur le monde, tout cela est inséparable. Loin d’être le simple fruit des efforts de l’homme, ce sont des valeurs qui jaillissent de la relation fondamentale de Dieu avec l’homme et qui demeurent comme un patrimoine commun dans le cœur de chaque personne.

 

Il n’y a qu’une manière de protéger et de promouvoir ces valeurs : les mettre en pratique ! En vivre ! Aucune personne, famille, communauté ou nation n’est exemptée du devoir de vivre selon la justice et de travailler à la paix. Il va de soi que l’on attend des dirigeants civils et politiques qu’ils assurent une sécurité juste et convenable aux personnes qu’ils ont mission de servir. Cet objectif fait partie de la promotion authentique des valeurs communes à l’humanité et ne peut donc pas entrer en conflit avec l’unité de la famille humaine. Les valeurs authentiques et les buts d’une société, qui protègent toujours la dignité humaine, sont indivisibles, universels et interdépendants (cf. Allocution aux Nations Unies, 18 avril 2008). Ils ne peuvent plus être respectés quand ils deviennent la proie d’intérêts particuliers ou de politiques sectorisées. Le véritable intérêt d’une nation est toujours servi par la recherche de la justice pour tous.

 

Mesdames et Messieurs, la question de la sécurité durable repose sur la confiance, elle s’alimente aux sources de la justice et de la probité, et elle est scellée par la conversion des cœurs qui nous pousse à regarder l’autre dans les yeux et à reconnaître le Toi comme mon égal, mon frère, ma sœur. N’est-ce pas de cette manière que la société elle-même devient le « verger » (Is 32,15) où fleurissent non pas des blocs opposés et l’obstruction, mais la cohésion et l’accord ? Ne peut-elle pas devenir une communauté ayant de nobles aspirations où tous peuvent avoir un accès sans restriction à l’éducation, à un toit, à un travail, une société décidée à construire sur les fondements solides de l’espérance.

 

En concluant, je voudrais me tourner vers les familles simples de cette ville et de cette terre. Quels sont les parents qui pourraient vouloir la violence, l’insécurité ou la désunion pour leur fils ou leur fille ? Quel but politique humain peut-il être jamais servi par le conflit et la violence ? J’entends le cri de ceux qui vivent dans ce pays et qui réclament la justice, la paix, le respect de leur dignité, la sécurité durable, une vie quotidienne sans crainte des menaces venant de l’extérieur ou d’une violence aveugle. Et je sais qu’un nombre important d’hommes et de femmes, de jeunes aussi, travaillent en faveur de la paix et de la solidarité à travers des programmes culturels et des initiatives qui manifestent concrètement compassion et souci de l’autre ; ils sont assez humbles pour savoir pardonner, ils ont le courage de saisir le rêve auquel ils ont droit.

 

Monsieur le Président, je vous remercie de votre courtoisie à mon égard et je vous assure encore de ma prière pour le Gouvernement et pour tous les citoyens de cet État. Puisse une authentique conversion de tous les cœurs conduire à un engagement toujours plus résolu et fort en faveur de la paix et de la sécurité à travers la justice pour chacun ! Shalom !

 

Visite de courtoisie à Shimon Peres 2

Source 

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5 août 2010 4 05 /08 /août /2010 16:07

Logo Terre SainteDiscours du président Shimon Peres, Prix Nobel de la Paix, et du Pape Benoît XVI lors de l’arrivée du Saint Père à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv (Israël), le 11 mai 2009.

 

Discours du président Shimon Peres

 

Votre Sainteté, Pape Benoît XVI,

 

Aéroport de Tel-AvivJe vous accueille à votre arrivée au nom de l'Etat d'Israël et je vous souhaite la bienvenue. Shalom ! Ave Benedicte, princeps fidelium qui hodie terram sanctam visitas (Je vous salue, Benoît, premier parmi les fidèles, qui visitez aujourd'hui la Terre Sainte). Je vois votre visite ici, en Terre Sainte, comme une mission spirituelle importante du plus haut niveau : une mission de paix. La mission de planter des semences de tolérance et d'arracher les mauvaises herbes du fanatisme.

 

J'apprécie vos appels et vos actions pour abaisser le niveau de la violence et de la haine dans le monde. Je suis certain que le dialogue entre le judaïsme et le christianisme se poursuivra dans l'esprit des prophètes.

 

J'honore vos efforts pour nourrir les affamés et pour apaiser la soif humaine de foi dans l'homme et dans le Créateur de l'univers. Dans notre pays, les juifs, les chrétiens, les musulmans, les bédouins, et les circassiens vivent tous ensemble. Ils vivent sur la même terre. Ils vivent sous le même ciel. Ils prient le Dieu Tout Puissant. Chacun prie dans sa langue, selon le livre de prières qui lui est propre, sans aucune interférence extérieure.

 

Israël sauvegarde l'absolue liberté de la pratique religieuse et le libre accès aux lieux saints. Nous sommes toujours heureux de recevoir en Terre Sainte des pèlerins du monde entier.

 

Depuis le temps d'Abraham notre ancêtre, nous croyons que l'homme doit aspirer à être un invité désiré et un hôte agréable. La tente d'Abraham était ouverte dans toutes les directions. Il était facile à l'air pur et au vent d'entrer du nord, du sud, de l'est, de l'ouest.

 

Comme il est écrit dans la livre d'Isaïe (ch. 56, v. 7) : « Ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les Nations ».

 

Notre pays est pauvre en ressources, mais riche de foi. Notre pays est pour moitié un désert, mais nous avons construit un commerce florissant par la force du capital humain et une société qui cherche la justice pour tout enfant venu au monde.

 

Nous avons fait la paix avec l'Egypte et la Jordanie, et nous sommes en train de négocier pour faire la paix avec les Palestiniens et même pour arriver à une paix régionale complète.

 

Votre visite ici apporte une compréhension bénie entre les religions et répand la paix pour qui est proche et pour qui est loin. L'Israël historique et l'Israël renouvelé accueillent ensemble votre arrivée comme pavant la grande route de la paix de ville en ville.

 

Bienvenu en Terre Sainte !

Bienvenu à Jérusalem !

Bienvenu sous notre toit !

Bienvenu !

 

Source

 

Discours du Pape Benoît XVI

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier Ministre,

Excellences, Mesdames et Messieurs,

 

Merci de votre chaleureux accueil dans l’État d’Israël, sur cette terre qui est tenue pour Sainte par des millions de croyants à travers le monde. Je suis reconnaissant au Président, Monsieur Shimon Peres, pour ses aimables paroles, et j’apprécie l’opportunité qui m’a été offerte de venir en pèlerinage sur une terre consacrée par les pas des Patriarches et des Prophètes, une terre que les chrétiens ont en particulière vénération puisque c’est là que se déroulèrent la vie, la mort et la résurrection de Jésus Christ. Je prends place dans une longue file de pèlerins chrétiens venus dans ces lieux, un cortège qui remonte aux premiers siècles de l’Histoire de l’Église et qui, j’en suis sûr, se prolongera dans le futur. Je viens, comme tant d’autres avant moi, pour prier sur ces lieux saints, pour prier spécialement pour la paix – la paix ici en Terre Sainte, et la paix dans le monde.

 

Monsieur le Président, le Saint-Siège et l’État d’Israël partagent de nombreuses valeurs, en particulier la préoccupation de donner à la religion sa juste place dans la société. Le juste ordonnancement des relations sociales présuppose et requiert le respect de la liberté et de la dignité de chaque être humain, que les Chrétiens, tout comme les Musulmans et les Juifs, croient être créé par un Dieu aimant en vue de la vie éternelle. Quand la dimension religieuse de la personne est niée ou marginalisée, le fondement même de la juste compréhension des droits humains inaliénables est mis en péril.

 

Le peuple juif a tragiquement fait l’expérience des terribles conséquences d’idéologies qui nient la dignité fondamentale de toute personne humaine. Il est juste et opportun que, pendant mon séjour en Israël, je puisse avoir la possibilité d’honorer la mémoire des six millions de Juifs victimes de la Shoah, et de prier pour que l’humanité ne soit plus jamais témoin d’un crime d’une telle ampleur. Malheureusement, l’antisémitisme continue de relever sa sinistre tête en beaucoup d’endroits de notre monde. Ceci est totalement inacceptable. Tous les efforts doivent être faits pour combattre l’antisémitisme où qu’il se manifeste, et pour promouvoir le respect et l’estime pour les personnes de toute race, peuple, langue et nation dans le monde entier.

 

Durant mon séjour à Jérusalem, j’aurai le plaisir de rencontrer de nombreux responsables religieux éminents de ce pays. Les trois grandes religions monothéistes ont, entre autres, en commun une vénération particulière pour cette Cité Sainte. C’est mon espérance la plus chère que tous les pèlerins qui se rendent sur les lieux saints puissent y avoir accès librement et sans restriction, qu’ils puissent prendre part aux célébrations religieuses et qu’ils puissent soutenir le digne entretien des lieux de culte qui se trouvent sur les sites sacrés. Puissent les termes de la prophétie d’Isaïe s’accomplir : de nombreuses nations afflueront vers la montagne du Temple du Seigneur, pour qu’Il puisse leur enseigner ses chemins, pour qu’elles puissent suivre ses sentiers – des sentiers de paix et de justice, des sentiers qui conduisent à la réconciliation et à l’harmonie (cf. Is 2, 2-5).

 

Bien que le nom de Jérusalem signifie « ville de la paix », il est trop évident que, depuis des décennies, la paix a tragiquement fait défaut aux habitants de cette Terre Sainte. Les yeux du monde sont tournés vers les peuples de cette région alors qu’ils s’efforcent de trouver une solution juste et durable aux conflits qui ont causé tant de souffrances. Les espoirs d’innombrables hommes, femmes et enfants de connaître un avenir plus stable et plus sûr dépend de l’issue des négociations pour la paix entre Israéliens et Palestiniens. Avec les hommes de bonne volonté, où qu’ils soient, je plaide pour qu’avec tous les responsables soient explorées toutes les possibilités afin d’aboutir à une solution juste aux difficultés persistantes, de telle sorte que les deux peuples puissent vivre en paix dans leur propre pays, à l’intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues. À cet égard, j’espère et je prie pour qu’un climat de plus grande confiance puisse bientôt être créé qui permettra aux parties d’accomplir de réels progrès sur la route de la paix et de la stabilité.

 

J’adresse un salut particulier aux Évêques catholiques et aux fidèles ici présents. Sur cette terre, où Pierre a reçu la mission de faire paître le troupeau du Seigneur, je viens comme le successeur de Pierre pour exercer mon ministère parmi vous. Ce sera une joie toute spéciale pour moi de me joindre à vous pour les célébrations finales de l’Année de la Famille, qui se dérouleront précisément à Nazareth, foyer de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph. Comme je l’ai dit l’an dernier dans mon Message pour la Journée mondiale de la Paix, la famille est « la première et irremplaçable éducatrice de la paix » (n. 3) ; elle a donc un rôle vital à jouer dans la guérison des divisions qui blessent la société humaine à tous les niveaux. Aux communautés chrétiennes de Terre Sainte, je dis : par votre témoignage de foi en Celui qui a prêché la réconciliation et le pardon, par votre engagement pour défendre le caractère sacré de toute vie humaine, vous pouvez apporter une contribution significative à la cessation des hostilités qui ont trop longtemps affligé cette terre. Je prie pour que votre présence continue en Israël et sur les territoires palestiniens porte beaucoup de fruits pour que grandisse la paix et le respect mutuel entre les peuples qui vivent sur les terres de la Bible.

 

 

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1 août 2010 7 01 /08 /août /2010 16:44

Suite de notre discussion avec Claude sur la question du péché origine. Je précise que Claude n’est pas catholique, mais qu’il réfléchit à le devenir. D’où ses positions très hétérodoxes qui témoignent d’une intelligence en recherche – en dépit des certitudes affichées.

 

Claude : Mon cher ami, j'ai bien lu, j'ai bien cherché, en long et en large. Je crois être arrivé à une vérité fulgurante et définitive. Je t'annonce que je vais te répondre très clairement sur le sujet du péché originel dans quelque temps, dans la plus grande clarté possible.

 

Matthieu : Tu me fais peur....... Mais bon, je suis curieux (et impatient malgré tout!) de voir où ta réflexion t'a menée !

 

Claude : C'est parti ! Si l'on considère que la perfection était au début, il n'y aurait jamais eu de Christ car sa vocation de rédempteur telle que la conçoit Saint Augustin (mais aussi Luther, les jansénistes), n'avait plus lieu d'être. Il s'agit donc d'une aberration. Avec la connaissance du Bon et du Mauvais, l'homme a besoin d'un médiateur. Et nous n'étions pas non plus des Christ puisque, sinon, nous aurions repoussé Satan – et Eve n'était pas une figura Mariam puisqu'elle a été tentée.

 

Saint Irénée de Lyon, IIe siècle, dans son grand traité contre les gnostiques, développe la pensée de Paul : le premier homme a été inachevé. La plénitude, la perfection, n'est pas au commencement (comme le disaient les deux frères de ta vidéo), à l'origine, mais au terme, à la fin.

 

Le péché originel est l'état qui précède la sainteté.

 

Dans la pensée de Paul, qui est la pensée de l'Eglise de Rome depuis les origines jusqu'à aujourd'hui, la perfection, la plénitude, n'était pas du tout à l'origine. Elle sera réalité à la fin, grâce au Christ, celui qui a reçu l'onction royale, prophétique, sacerdotale.

 

Comme l’écrit Tresmontant : « Ce que l'Eglise entend par ou sous l'expression empruntée à Augustin, peccatum originale, c'est l'état qui précède l'entrée dans l'économie de la grâce, qui est la nouvelle Création, qui est l'Eglise, l'état qui précède l'entrée dans l'économie de la sainteté ; qui est la transformation totale, la métamorphose de l'homme ancien en Homme nouveau par l'Esprit saint, qui est l'Esprit de Dieu, qui est Dieu qui est Esprit. »

 

« Pour Paul, Genèse 1,26 et 1,27 est un texte PROPHETIQUE qui porte sur l'Homme qui va venir, l'Homme qui est dans le dessein de Dieu depuis les origines, l'Homme véritable. Pour Paul, le premier Homme était fait de la terre, il était une âme vivante. L'homme spirituel viendra après, plus tard. Ce n'est pas le spirituel qui est premier, c'est l'animal. La perfection n'est pas dans le passé, mais au temps de l'histoire de la Création, dans l'avenir. »

 

« Pour Saint Augustin, c'est la concupiscence (désir, semence qui la contient) qui effectue la transmission du péché originel. Saint Thomas a corrigé cette conception ; l'Eglise aussi : "La concupiscentia : l'Eglise catholique n'a jamais compris qu'il y ait lieu de l'appeler péché" (Concile de Trente) "Tous les hommes ont perdu l'innocence dans la transgression d'Adam" ».

 

Sainteté = Création de l'Homme nouveau et véritable en nous, avec notre consentement et notre coopération.

 

Conclusion : L'expression "péché originel" désigne tout simplement l'état dans lequel nous naissons tous, état qui précède la nouvelle naissance, la Création en nous de l'homme nouveau. Saint Augustin a cru, comme presque tout le monde de son temps chez les Latins, que le mot hébreu Adam désignait au signifiait un nom propre, alors que l'hébreu ha-adam signifie l'homme, purement et simplement.

 

Le récit de Genèse 3 est donc un Maschal, un texte prophétique. De là découle toute la compréhension de la mystique chrétienne. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais c'est fulgurant Matthieu. Remarquable de clarté et de vérité.

 

On peut d'autant plus faire confiance aux Hébreux qui ont compris ce texte : ils ne parlent pas de "péché originel" dans le sens augustinien.

 

Matthieu : Cher Claude, j'essaye de répondre rapidement à ton dernier post.

 

1. "Si l'on considère que le perfection était au début, il n'y aurait jamais eu de Christ car sa vocation de rédempteur (...) n'avait plus lieu d'être. Il s'agit donc d'une aberration." Mais le Christ aurait eu alors une autre vocation : celle de récapituler toute la Création en Lui par son Incarnation et le don eucharistique de sa vie (qui aurait pu se produire sans le sacrifice de la Croix – comme au soir du Jeudi Saint).

 

2. "Avec la connaissance du Bon et du Mauvais, l'homme a besoin d'un médiateur." En fait, je pense exactement l'inverse : avec la connaissance du Bon et du Mauvais (je suppose que tu veux dire par là : une certaine expérience du mal), l'homme a besoin d'un Rédempteur. Sans cette expérience, le Rédempteur n'a plus lieu d'être, mais le Médiateur, lui, garde tout son sens, puisque du fait de la distance infinie, ontologique, qui sépare l'homme de Dieu, on peut penser qu'il y aurait eu de toute façon besoin d'un "pont" entre l'homme et Dieu : ce pont ne pouvant être (parce que c’est le plus excellent) que le Verbe incarné unissant parfaitement en sa personne la divinité et l'humanité – et récapitulant tout en lui. N’oublions pas que tout a été créé POUR lui, le Fils bien-aimé (avant même donc qu’il fût question de Chute – car tel était le dessein originel du Père, cf. Col 1. 16).

 

3. "Le premier homme a été inachevé. La plénitude, la perfection, n'est pas au commencement (comme le disaient les deux frères de ta vidéo), à l'origine, mais au terme, à la fin." Il faut distinguer ici la perfection naturelle et la perfection divine. La créature originelle était parfaite sur le plan naturel, mais elle était inachevée... car c'est en Dieu que l'homme trouve son plein accomplissement. Autrement dit : l'homme est inachevé tant qu'il n'est pas divinisé – quelque parfaite que puisse être sa nature. Regarde la Vierge Marie : elle était parfaite ici-bas sur la terre (toute immaculée, et vierge de tout péché personnel tout au long de sa vie). Mais sa perfection était celle d’une créature qui ne possède pas en elle-même toute la connaissance, et qui, de ce fait, tâtonne dans l’obscurité et cherche, au point de se cogner parfois (comme lors de la disparition de Jésus à l’âge de 12 ans, au moment du pèlerinage familial à Jérusalem, où Jésus adresse le doux reproche à sa Mère de ne pas avoir su qu’il devait être aux affaires de son père – cf. Lc 2. 41-52 ; ou encore lorsqu’elle se joint au reste de la famille pour tenter de « récupérer » Jésus, hâpé par les exigences de son ministère public, et dont ses proches estiment qu’il a perdu la tête… - cf. Mc 3. 21 & Mt 46. 50). Ce n'est qu'après son Assomption-divinisation qu'elle est entrée dans son plein achèvement – dont le rayonnement glorieux transparaît dans chacune de ses Apparitions sur la terre.

 

4. "Le péché originel est l'état qui précède la sainteté." Pas forcément – il n'y a pas de déterminisme. La damnation aussi est une possibilité... Le péché originel est donc un état qui peut précéder la damnation.

 

5. "Dans la pensée de Paul, qui est la pensée de l'Eglise de Rome depuis les origines jusqu'à aujourd'hui, la perfection, la plénitude, n'était pas du tout à l'origine. Elle sera réalité à la fin, grâce au Christ, celui qui a reçu l'onction royale, prophétique, sacerdotale." Mais dans la pensée de Paul, il est aussi question d'une Chute. Paul raisonne à partir du présupposé (justifié par la Révélation) de la Chute originelle. Il intègre à sa doctrine toute l'économie du Salut – et il faut loyalement en tenir compte si l'on veut rendre compte avec justesse de sa pensée – qui est effectivement la pensée de l'Eglise de Rome depuis les origines.

 

6. "Pour Saint Augustin, c'est la concupiscence qui effectue la transmission du péché originel. Saint Thomas a corrigé cette conception ; l'Eglise aussi : "La concupiscentia : l'Eglise catholique n'a jamais compris qu'il y ait lieu de l'appeler péché" (Concile de Trente)". Attention à ne pas confondre. Le péché originel a introduit une faille dans notre humaine nature : c'est la concupiscence. La concupiscence n'est pas le péché, mais cette mystérieuse inclinaison vers le mal que le péché originel a inoculé dans notre nature. Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas de péché en amont (le péché originel) ni en aval (notre péché personnel). La transmission de l'état de péché est un effet du péché originel, non de la concupiscence en quoi réside précisément cet état de péché.

 

7. "Tous les hommes ont perdu l'innocence dans la transgression d'Adam" : c'est bien pour cela que l'on parle d'une Chute.

 

8. "Saint Augustin a cru, comme presque tout le monde de son temps chez les Latins, que le mot hébreu Adam désignait au signifiait un nom propre, alors que l'hébreu ha-adam signifie l'homme, purement et simplement." Le nom de Jésus signifie "Dieu sauve" : cela ne veut pas dire que Jésus n'est pas une personne…

 

Si l'état de péché était notre état brut après la Création divine sans connotation morale de faute, de transgression, de désobéissance, alors... cela voudrait dire que Dieu a partie liée avec le mal et la souffrance qui sévissent sur la terre (puisqu'il les aurait créés avec la matière brute) et on ne comprend plus dès lors la théologie catholique : de quoi Jésus est-il venu nous sauver ? Pourquoi est-il mort sur la Croix (n’y avait-il pas un moyen moins onéreux de nous conduire vers notre plein achèvement) ? Et puis : pourquoi les hommes n'ont-ils pas été créés saints et immaculés à l'instar de la Vierge Marie, puisque Dieu le pouvait ? De quoi celle-ci a-t-elle été préservée, et pourquoi ? Et encore : pourquoi les hommes qui ont été régénérés dans l'eau du baptême continuent-ils de pécher, puisqu'ils sont devenus des hommes nouveaux dans le Christ (alors que théoriquement, leur Création est achevée)? etc, etc, etc.

 

Ma conclusion à moi est que tu dois absolument lire l'ouvrage de Mgr Léonard (qui fut, pour mémoire, le prédicateur de la retraite de Carême du pape Jean-Paul II l’année du Grand Jubilé de l’Incarnation, en 2000), ainsi que l'enseignement du Catéchisme de l'Eglise catholique sur le sujet.

 

Claude : Le mot de rédemption veut dire "libérer" / Rédemption = guérison (comme le Christ guérit un aveugle, il re-créé à partir de l'aveugle), libération, re-création et achèvement, divinisation de l'humanité ; de Makar = vendre / Racheter, libérer = padah ou gaal. Le Christ libère si on suit son ontologie mystique. Avec Tresmontant, ce qui est bien, est sa justesse sur l'hébreu. "Il sait l'hébreu" comme disait le rabbin Képlan à son sujet.

 

La théorie du péché originel a une histoire, tu le sais ; d'abord, c'est saint Augustin qui, pour répondre aux manichéens (et je n'en fais pas partie !), a posé la question de ce "peccatum originale" et il croyait que le monde était déjà achevé. Nous savons que cette vision-là est fausse. De même, nous savons que les Pères ont travaillé cette notion, ont cherché à la comprendre. Saint Thomas lui même a remis en question cette théorie : "ce qui est naturel à l'homme ni n'est ôté ni n'est ajouté à l'homme par le péché" (somme théologique, I q. 98, a 2) Dieu ne "punit" pas l'homme, il présente les conséquences de l'acte.

 

J'ai une question polémique à te poser (mais elle se veut salvatrice) : Quelle est la différence entre la théorie luthérienne du péché originel et la tienne ?

 

Ce que tu nommes Rédempteur est à mon avis le bon Médiateur. Mais tu penses le rédempteur en terme de "rachats" quand je le conçois en terme de "libérateur". Le Christ prend sur lui le péché du monde, il prend l'état originel, le vieil homme sur lui (que l'Eglise nomme "péché originel") et il le montre à la face de l'humanité qui, sans lui, est pécheresse et ne peut être en union avec Dieu.

 

Mais ce fait de l'évolution constatée nous invite à suivre le Christ pour nous libérer du vieil homme. Jean Duns Scot a très bien montré que le Christ était bien plus que rédempteur. Il était surtout la finalité ultime de la Création.

 

Concernant l'Enfer, je suis très optimiste, je pense être très chrétien à ce sujet : je vis dans l'espérance. Il a existé des hommes honorables qui ont pardonné. Pourquoi Dieu ne le ferait-il pas ? Attention, cette espérance ne doit pas nous libérer de toute responsabilité, bien au contraire. Elle nous invite à la clémence, l'humilité et l'enthousiasme même. Une de mes devises favorites du Christ : "Ne crains pas, crois seulement" Marc 5,35.

 

J'aimerais que tu me donnes un seul passage où Paul parle de Chute. Car justement, Paul dit le contraire d'Origène (pour qui le premier homme était céleste, parfait puis chute) = le premier homme, la première humanité, elle est terrestre, animale (le vieil homme) pour Saint Paul. La conception de Chute vient d'une erreur de traduction selon Tresmontant. Mais tu sais, nous ne sommes pas loin d'être d'accord, selon moi. En définitive, ce que tu considères comme Chute est pour moi un état (que Dieu n'a pas voulu mais qui a été possible, car l'arbre était là) ; comme dit René Girard : "Bienheureuse faute d'Adam" ; cette "concupiscentia" est à la fois bonne car elle nous fait voir Dieu, à la fois mauvaise, car elle peut nous inviter à nous prendre pour des dieux. Tout le mystère est là, selon moi.

 

Matthieu : 1. "La théorie du péché originel a une histoire, tu le sais ; d'abord, c'est saint Augustin qui, pour répondre aux manichéens (et je n'en fais pas partie !), a posé la question de ce "peccatum originale" et il croyait que le monde était déjà achevé. Nous savons que cette vision-là est fausse." Saint Augustin, en bon lecteur de l’Ecriture, était paulinien. Il croyait donc que la perfection de l’homme est en Dieu, et que cette perfection ne sera pleinement réalisée qu’au ciel (cf. Ep. 4. 13) – quoiqu’il nous soit déjà donné d’en goûter les arrhes ici-bas à travers les sacrements qui nous configurent peu à peu au Royaume.

 

2."J'ai une question polémique à te poser (mais elle se veut salvatrice) : Quelle est la différence entre la théorie luthérienne du péché originel et la tienne ?" Sauf erreur (je ne suis pas un spécialiste de Luther), et ainsi que le rappelait Bruno dans son commentaire au précédent article (cf. commentaire n°1), Luther considérait que le péché originel avait infecté la nature au point de s’en trouver viscéralement corrompue. La nature issue du péché originel, pour Luther, est mauvaise en soi (il rejoint en cela Origène, les gnostiques et le puritanisme que tu abhorres – à juste titre). Il n’y a rien à en attendre lorsqu’elle est livrée à elle-même, à ses seules ressources. Il n’y a que l’action de la grâce surnaturelle qui peut la sauver. Ainsi : si un homme se convertit et devient chrétien, il n’y est pour rien ; il ne peut en retirer aucun mérite, puisque sa liberté est incapable par elle-même de choisir le Christ ; s’il choisit le Christ, c’est par l’effet de sa grâce et d’elle seule (on connaît la maladie protestante de la « solite aigüe » ! ).

 

La vision catholique est moins pessimiste : elle considère que la Chute n’a pas fait perdre à la nature sa bonté primordiale. Elle reste bonne en elle-même, quoique viciée et altérée. D’où la confiance de l’Eglise, par exemple, dans la raison naturelle de l’homme qui demeure un authentique chemin vers Dieu. D’où la notion de mérite aussi que l’Eglise reconnaît aux hommes qui se convertissent et s’efforcent de demeurer fidèles aux promesses de leur baptême – notion parfaitement biblique au demeurant, qui s’accorde parfaitement avec celle de grâce rédemptrice (le Salut est à la fois l’œuvre de la grâce et l’œuvre de l’homme : il est premièrement l’œuvre de la grâce et secondement l’œuvre de l’homme ; mais il ne peut y avoir de Salut sans l’œuvre seconde de l’homme qui a sa consistance propre).

 

3. "Le Christ prend sur lui le péché du monde, il prend l'état originel, le vieil homme sur lui (que l'Eglise nomme "péché originel") et il le montre à la face de l'humanité qui, sans lui, est pécheresse et ne peut être en union avec Dieu." Jésus ne fait pas que « montrer » l’horreur du péché aux hommes : il rachète en sa chair l’humanité pécheresse de l’intérieur. Parce qu’il est vraiment homme, il peut sauver tous les hommes avec qui il partage, de par son Incarnation, la même nature. Celle-ci n’est donc plus irrémédiablement viciée par le péché ; en Jésus, pour la première fois, un homme a dit OUI a Dieu, jusqu’au bout ; en Jésus, le péché est vaincu ; l’humanité recouvre sa splendeur originelle ; bien plus : elle trouve le chemin de la communion trinitaire et de la divinisation – qui devait procéder du OUI libre de l’homme à Dieu. Par sa mort et sa résurrection, Jésus a ouvert une brèche dans notre humanité blessée qui donne accès à l’humanité accomplie, à l’Homme nouveau – dont il est le Principe. Pour s’engouffrer dans cette brèche, il faut se greffer sur Lui. C’est dans les sacrements – spécialement le baptême et l’eucharistie – que s’opère cette greffe de l’homme ancien à l’Homme nouveau ; que l’homme ancien peut recevoir de l’Homme nouveau l’eau pure de la vie éternelle qui assainit les eaux mortes du péché et fait tout reverdir (cf. Ez 47. 1-12).

 

4. "Concernant l'Enfer, je suis très optimiste, je pense être très chrétien à ce sujet : je vis dans l'espérance. Il a existé des hommes honorables qui ont pardonné. Pourquoi Dieu ne le ferait-il pas ?" Ce n’est pas une question de pardon de Dieu. Le pardon, il est acquis du côté de Dieu (cf. Col 2. 13-14). La question, elle se trouve du côté du pécheur. Va-t-il oui ou non entrer dans ce pardon pour consentir dorénavant à ne plus vivre par et pour lui-même, mais à recevoir sa vie de Dieu ? L’Eglise catholique a tant de respect pour la liberté des hommes qu’elle se garde bien de répondre à leur place : elle invite à espérer pour tous, il est vrai ; mais aussi à considérer l’enfer comme une réelle possibilité pour chacun de nous, en vertu de cette liberté qui nous est donnée – et que personne ne peut exercer à notre place –, et de l’expérience des anges rebelles – les démons – qui nous révèlent que la liberté d’une créature peut malheureusement se dévoyer… jusqu’au refus éternel de Dieu – ce qu’est précisément la damnation.

 

5. "J'aimerais que tu me donnes un seul passage où Paul parle de Chute." Eh bien, relis la lettre aux Romains, au chapitre 5. Certes, le mot « Chute » n’est pas employé par Paul, mais la réalité, elle, s’y trouve indiscutablement. Ainsi, au verset 12, quand l’Apôtre écrit : « Par un seul homme, Adam, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, du fait que tous ont péché. » St Paul montre bien ici que le péché d’Adam a eu comme conséquence : 1°) la prolifération du péché et 2°) l’apparition de la mort ; deux choses qui n’étaient pas prévues originellement dans le projet créateur de Dieu, mais qui affecte substantiellement la Création… à cause d’Adam. Autrement dit : si Dieu est la cause première de la Création, Adam, lui, est la cause première de la prolifération du péché dans le monde et de la mort – qui n’était pas la destinée d’une humanité ayant accès à l’arbre de vie. Il y a donc bien une « Chute », en ce sens que le monde que nous voyons et dans lequel nous vivons n’est pas le Paradis terrestre innocent et immaculé tout droit sorti des mains de Dieu, mais un monde cassé, profondément marqué par le péché et par le mal ; un monde où la mort paraît triompher – puisque notre seule certitude ici-bas, comme disait Pascal, est que nous devions mourir…

 

« Tous sont devenus pécheurs parce qu'un seul homme a désobéi » dit St Paul au verset 19. Non pas : « parce que c’est l’état brut et primordial de l’homme ancien avant son complet achèvement dans le Christ ». Mais : « parce qu’un seul homme a désobéi ». C’est donc bien une désobéissance humaine qui a provoqué la régression du Paradis terrestre (dans lequel l’homme vivait à la fois dans un état de perfection naturelle et d’inachèvement dans l’attente de sa divinisation – de sa transfiguration en Dieu) à ce monde marqué par le péché, la mort, l’absurdité, le mal et la souffrance ; ce monde que le Christ Sauveur est venu assumer et restaurer dans son Incarnation, sa Passion et sa résurrection, de sorte que « si, à cause d'un seul homme, par la faute d'un seul homme, la mort a régné, combien plus, à cause de Jésus Christ et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en plénitude le don de la grâce qui les rend justes. » (v. 17).

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1 août 2010 7 01 /08 /août /2010 12:41

Logo Terre SainteExtrait du discours prononcé par le Pape Benoît XVI à Béthanie (Jordanie), le 10 mai 2009.

 

 Altesse Royale,

 Chers Frères Évêques,

 Chers Amis,

 

C’est avec une grande joie spirituelle que je viens bénir les premières pierres de deux églises catholiques qui seront construites près du Jourdain, lieu marqué par de nombreux événements mémorables dans l’histoire biblique. Le prophète Élie, le Tisbite, provenait de cet endroit, peu éloigné du nord de Galaad. Près d’ici, en face de Jéricho, les eaux du Jourdain s’ouvrirent devant Élie, qui fut enlevé par le Seigneur sur un char de feu (cf. 2 Rois 2, 9-12). Ici, l’Esprit du Seigneur appela Jean, le fils de Zacharie, à prêcher la conversion des cœurs. Jean l’Évangéliste situe également dans ce lieu la rencontre entre le Baptiste et Jésus, qui, à son Baptême, fut « oint » par l’Esprit de Dieu descendant sur Lui comme une colombe, et qui proclama le Fils bien-aimé du Père (cf. Jn 1, 28 ; Mc 1, 9-11).

 

(…) La première pierre d’une église est un symbole du Christ. L’Église repose sur le Christ ; elle est soutenue par lui et elle ne peut pas être séparée de lui. Il est l’unique fondement de toute communauté chrétienne, la pierre vivante, écartée par les bâtisseurs, mais choisie et précieuse aux yeux de Dieu comme la pierre d’angle (cf. 1P 2, 4-5, 7). Avec lui, nous aussi nous sommes des pierres vivantes construisant une maison spirituelle, une demeure pour Dieu (cf. Ep 2, 20-22 ; 1 P 2, 5). Saint Augustin aime se référer au mystère de l’Église comme au Christus totus, le Christ tout entier, signifiant la plénitude ou la totalité du Corps du Christ, Tête et membres. C’est la réalité de l’Église ; c’est le Christ et nous, le Christ avec nous. Il est avec nous comme la vigne avec ses propres sarments (cf. Jn 15, 1-8). L’Église est, dans le Christ, une communauté de vie nouvelle, une réalité dynamique de grâce qui découle de lui. Par l’Église, il purifie nos cœurs, il illumine nos esprits, il nous unit avec le Père et, dans l’unique Esprit, il nous pousse à mettre en pratique chaque jour l’amour chrétien. Nous confessons cette joyeuse réalité en tant qu’Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique.

 

Nous entrons dans l’Église par le Baptême. La mémoire du propre Baptême du Christ se présente de façon vivante à nous en ce lieu. Jésus s’est mis dans la file avec les pécheurs et il a accepté le Baptême de pénitence de Jean comme un signe prophétique de sa propre Passion, mort et résurrection pour le pardon des péchés. Depuis, à travers les siècles, de nombreux pèlerins sont venus au Jourdain pour y chercher leur purification, renouveler leur foi et se rapprocher du Seigneur. Comme Éthérie qui, à la fin du 4e siècle, laissa le récit écrit de sa visite. Le sacrement du baptême, formellement institué après la mort et la résurrection du Christ, sera particulièrement cher aux communautés chrétiennes qui se rassembleront entre les murs des nouvelles églises. Que le Jourdain vous rappelle sans cesse que vous avez été lavés dans les eaux du baptême et que vous êtes devenus membres de la famille de Jésus. Vos vies, en conformité avec sa Parole, ont été transformées à son image et à sa ressemblance. Alors que vous vous efforcez d’être fidèles à votre engagement baptismal de conversion, de témoignage et de mission, sachez que vous êtes fortifiés par le don de l’Esprit Saint.

 

Chers frères et sœurs, que la contemplation méditative de ces mystères vous enrichisse d’une joie spirituelle et d’une force morale. Avec l’Apôtre Paul, je vous encourage à grandir dans toute l’étendue des nobles attitudes contenues sous le nom bénie d’agapè, l’amour chrétien (cf. 1 Co 13, 1-13). Favorisez le dialogue et la compréhension dans la société civile, spécialement lorsque vous revendiquez vos droits légitimes. Au Moyen-Orient, marqué par des souffrances tragiques, par des années de violence et de tensions non résolues, les Chrétiens sont appelés à offrir leur contribution, inspirée par l’exemple de Jésus, à la réconciliation et à la paix à travers le pardon et la générosité. Continuez à être reconnaissants envers ceux qui vous conduisent et vous servent fidèlement comme ministres du Christ. Vous faites bien d’accepter leur accompagnement dans la foi, sachant qu’en recevant l’enseignement des Apôtres qu’ils transmettent, vous accueillez le Christ et vous accueillez Celui qui l’envoie (cf. Mt 10, 40).

 

Mes chers frères et sœurs, nous allons maintenant bénir ces deux pierres, commencement de deux nouveaux édifices sacrés. Que le Seigneur soutienne, renforce et accroisse les communautés qui y pratiqueront leur culte. Et qu’il vous bénisse tous par le don de sa paix. Amen !

 

 

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31 juillet 2010 6 31 /07 /juillet /2010 09:42

L’accompagnement spirituel… qu’est-ce que c’est ? Est-il nécessaire ? Que faut-il en attendre ? Le P. Pierre Mouton, prêtre du diocèse de Fréjus-Toulon, répond à ces questions et nous présente les qualités et les limites de ce chemin.

N'hésitez pas à adresser vos questions et commentaires à l'adresse suivante : accompagnement@webtvcn.fr.

 

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31 juillet 2010 6 31 /07 /juillet /2010 08:39

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Extrait de l’homélie prononcée par le Pape Benoît XVI au cours de la première messe publique de son séjour en Terre Sainte, au stade international d’Amman, devant plus de 30.000 personnes, le 10 mai 2009.


 

Stade international d'AmmanChers Frères et Sœurs dans le Christ,

 

Je me réjouis que nous puissions célébrer cette Eucharistie ensemble au début de mon pèlerinage en Terre sainte. Hier, depuis les hauteurs du Mont Nébo où je me tenais, je regardais avec attention cette terre magnifique, la terre de Moïse, d’Élie et de Jean le Baptiste, la terre où les antiques promesses de Dieu ont été accomplies par la venue du Messie, Jésus Notre Seigneur. Cette terre a été le témoin de sa prédication et de ses miracles, de sa mort et de sa résurrection, et de l’effusion de l’Esprit Saint sur l’Église, sacrement d’une humanité réconciliée et renouvelée. Alors que je considérais le mystère de la fidélité de Dieu, je priais pour que l’Église sur ces terres soit confirmée dans l’espérance et fortifiée dans son témoignage au Christ ressuscité, le Sauveur du genre humain. Vraiment, comme Saint Pierre nous le dit dans la première lecture de ce jour, « son nom, donné aux hommes, est le seul qui puisse nous sauver » (Ac 4, 12).

 

La joyeuse célébration du sacrifice eucharistique de ce jour exprime la riche diversité de l’Église catholique en Terre Sainte. Je vous salue tous avec affection dans le Seigneur (…). Dans l’Évangile que nous venons d’entendre, Jésus proclame : « Je suis le bon pasteur… qui donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10, 11). En tant que Successeur de Pierre, à qui le Seigneur a confié le soin de son troupeau (cf. Jn 21, 15-17), j’ai longtemps attendu cette opportunité de me tenir devant vous comme un témoin du Sauveur ressuscité, et de vous encourager à persévérer dans la foi, l’espérance et la charité, dans la fidélité aux traditions antiques et à l’histoire édifiante du témoignage chrétien qui remonte au temps apostolique. La communauté catholique, ici, est profondément touchée par les difficultés et les incertitudes qui affectent tous les peuples du Moyen-Orient. Puissiez-vous ne jamais oublier la grande dignité qui vient de votre héritage chrétien, ou manquer de sentir la solidarité affectueuse de tous vos frères et sœurs de l’Église à travers le monde entier !

 

« Je suis le bon pasteur », nous dit le Seigneur, « je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent » (Jn 10, 14). Aujourd’hui, en Jordanie, nous célébrons la Journée mondiale de Prière pour les Vocations. Alors que nous méditons sur l’Évangile du Bon Pasteur, demandons au Seigneur d’ouvrir nos cœurs et nos esprits toujours plus pleinement pour entendre son appel. Véritablement, Jésus « nous connaît », plus profondément que nous ne nous connaissons nous-mêmes, et il a un dessein pour chacun de nous. Nous savons aussi que, quelque soit son appel, nous trouverons le bonheur et l’épanouissement ; en effet, nous nous trouverons véritablement nous-mêmes (cf. Mt 10, 39). Aujourd’hui, j’invite les nombreux jeunes présents ici à considérer comment le Seigneur les appelle à le suivre et à construire son Église. Que ce soit dans le ministère sacerdotal, dans la vie consacrée ou dans le sacrement de mariage, Jésus a besoin de vous pour faire entendre sa voix et travailler à la croissance de son Royaume.

 

Dans la seconde lecture de ce jour, saint Jean nous invite à penser à « l’amour dont le Père nous a comblés » en faisant de nous ses enfants d’adoption dans le Christ. Entendre ces paroles devrait nous rendre reconnaissants pour l’expérience de l’amour du Père que nous avons faite dans nos familles, à travers l’amour de notre père et de notre mère, de nos grands-parents, de nos frères et sœurs. Pendant la célébration de l’Année de la Famille, l’Église en Terre Sainte a réfléchi sur la famille comme un mystère d’amour qui donne la vie, doué dans le dessein divin d’un appel et d’une mission propre : rayonner l’amour divin qui est la source et l’ultime accomplissement de tous les autres amours de nos vies. Que chaque famille chrétienne grandisse dans la fidélité à sa haute vocation pour être une véritable école de prière, où les enfants apprennent l’amour sincère de Dieu, où ils mûrissent par la maîtrise de soi et le souci du bien des autres, et où, modelés par la sagesse née de la foi, ils contribuent à construire une société toujours plus juste et fraternelle. Les fortes familles chrétiennes de ces contrées sont un legs précieux laissé par les générations précédentes. Puissent les familles d’aujourd’hui être fidèles à cet impressionnant héritage, et ne jamais manquer de l’assistance matérielle et morale dont elles ont besoin pour remplir leur rôle irremplaçable dans le service de la société !

 

Un aspect important de votre réflexion durant cette Année de la Famille a été consacré à la dignité particulière, à la vocation et à la mission des femmes dans le dessein de Dieu. Qui peut dire ce que l’Église ici présente doit au patient, aimant et fidèle témoignage d’innombrables mères chrétiennes, religieuses, enseignantes, médecins ou infirmières ! Qui peut dire ce que votre société doit à toutes ces femmes qui, de différentes et parfois de très courageuses manières, ont consacré leurs vies à construire la paix et à promouvoir l’amour ! Dès les premières pages de la Bible, nous voyons comment l’homme et la femme, crées à l’image de Dieu, sont destinés à se compléter l’un l’autre en tant qu’intendants des dons de Dieu et partenaires dans la communication du don qu’il fait de sa vie au monde, à la fois sur le plan biologique et spirituel. Malheureusement, cette dignité reçue de Dieu et ce rôle des femmes n’ont pas toujours été suffisamment compris et estimés. L’Église, et la société dans son ensemble, a commencé à saisir combien nous avons besoin de façon urgente de ce que le Pape Jean-Paul II appelait le « charisme prophétique » des femmes (cf. Mulieris Dignitatem, n.29) comme porteuses d’amour, enseignantes de la miséricorde et artisans de paix, apportant chaleur et humanité à un monde qui trop souvent juge la valeur des personnes d’après les froids critères de l’utilité et du profit. Par son témoignage public de respect vis-à-vis de la femme, et sa défense de la dignité innée de toute personne humaine, l’Église en Terre Sainte peut apporter une importante contribution au progrès d’une vraie culture humaniste et à la construction de la civilisation de l’amour (…).

 

La fidélité à vos racines chrétiennes, la fidélité à la mission de l’Église en Terre Sainte réclament de chacun de vous un courage singulier : le courage de la conviction, née d’une foi personnelle, qui ne soit pas seulement une convention sociale ou une tradition familiale ; le courage de dialoguer et de travailler aux côtés des autres chrétiens au service de l’Évangile et de la solidarité avec les pauvres, les personnes déplacées et les victimes des grandes tragédies humaines ; le courage de construire de nouveaux ponts pour rendre possible la rencontre fructueuse des personnes de religions et de cultures différentes, et donc d’enrichir le tissu de la société. Cela signifie également rendre témoignage à l’amour qui nous porte à donner nos vies au service des autres, et ainsi à contrecarrer des manières de penser qui justifient qu’on puisse « prendre » des vies innocentes.

 

« Je suis le bon berger ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent » (Jn 10, 14). Réjouissez-vous que le Seigneur vous ait appelés par votre nom et ait fait de vous les membres de son troupeau. Suivez-le avec joie et laissez-le vous guider sur tous vos chemins en toute chose ! Jésus sait à quels défis vous faites face, quelles épreuves vous endurez et le bien que vous faites en son nom. Faites-lui confiance, faites confiance à son amour inlassable pour chacun des membres de son troupeau, et persévérez dans le témoignage rendu au triomphe de cet amour. Puissent saint Jean-Baptiste, le patron de la Jordanie, et Marie, Vierge et Mère, vous encourager par leur exemple et leur prière, et vous conduire à la plénitude de la joie dans les pâturages éternels où nous ferons pour toujours l’expérience de la présence du Bon Pasteur et où nous connaîtrons pour toujours les profondeurs de son amour. Amen.

 

 

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29 juillet 2010 4 29 /07 /juillet /2010 08:25

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Extrait du discours prononcé par le Pape Benoît XVI aux responsables religieux musulmans, au corps diplomatique et aux recteurs d’université, au terme de sa visite de la mosquée Al-Hussein Ben Talal à Amman (Jordanie), le 9 mai 2009.

   

 

Altesse Royale,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

 

Mosquée Al-Hussain Ben TalalC’est une source de grande joie pour moi de vous rencontrer ce matin dans ce lieu magnifique (…). Des lieux de culte, comme cette splendide Mosquée Al-Hussein Ben Talal du nom du révéré Roi défunt, se dressent comme des joyaux sur la surface de la terre. Les anciens comme les modernes, les plus splendides comme les plus humbles, tous ces édifices nous orientent vers le Divin, l’Unique transcendant, le Tout-Puissant. A travers les siècles, ces sanctuaires ont attiré des hommes et des femmes dans leur espace sacré pour qu’ils s’arrêtent, qu’ils prient, pour qu’ils reconnaissent la présence du Tout-Puissant et pour qu’ils confessent que nous sommes tous ses créatures.

 

Pour cette raison, nous ne pouvons pas manquer d’être interpellés par le fait qu’aujourd’hui, avec une insistance croissante, certains affirment que la religion faillit dans son ambition à être, par nature, constructrice d’unité et d’harmonie, à être une expression de la communion entre les personnes et avec Dieu. Certains soutiennent même que la religion est nécessairement une cause de division dans notre monde ; et ils prétendent que moins d’attention est prêtée à la religion dans la sphère publique, mieux cela est. Certainement et malheureusement, l’existence de tensions et de divisions entre les membres des différentes traditions religieuses, ne peut être niée. Cependant, ne convient-il pas de reconnaître aussi que c’est souvent la manipulation idéologique de la religion, parfois à des fins politiques, qui est le véritable catalyseur des tensions et des divisions et, parfois même, des violences dans la société ? Face à cette situation, où les opposants à la religion cherchent non seulement à réduire sa voix au silence, mais à la remplacer par la leur, la nécessité pour les croyants d’être cohérents avec leurs principes et leurs croyances est ressentie toujours plus vivement. Musulmans et chrétiens, précisément à cause du poids de leur Histoire commune si souvent marquée par les incompréhensions, doivent aujourd’hui s’efforcer d’être connus et reconnus comme des adorateurs de Dieu fidèles à la prière, fermement décidés à observer et à vivre les commandements du Très Haut, miséricordieux et compatissant, cohérents dans le témoignage qu’ils rendent à tout ce qui est vrai et bon, et toujours conscients de l’origine commune et de la dignité de toute personne humaine, qui se trouve au sommet du dessein créateur de Dieu à l’égard du monde et de l’Histoire.

 

La détermination des éducateurs et des responsables civils et religieux jordaniens à s’assurer que le versant public de la religion reflète sa véritable nature, est digne d’éloge. L’exemple d’individus et de communautés, avec les cours et les programmes qui sont proposés, met en évidence la contribution positive de la religion dans les secteurs éducatif, culturel, social et caritatif de la société civile (…). Les nombreuses initiatives de dialogue interreligieux soutenues par la famille royale, par la communauté diplomatique, et parfois entrepris en coordination avec le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux sont aussi dignes d’éloge (…). De telles initiatives conduisent clairement à une meilleure connaissance réciproque, et elles favorisent un respect grandissant à la fois pour ce que nous avons en commun et pour ce que nous comprenons différemment. Ainsi, devraient-elles pousser les Chrétiens et les Musulmans à explorer toujours plus profondément la relation essentielle entre Dieu et ce monde de telle façon que nous puissions nous efforcer d’assurer que la société s’établisse en harmonie avec l’ordre divin. A cet égard, la coopération développée ici en Jordanie est une illustration exemplaire et encourageante pour la région, et même pour le monde, de la contribution positive et créatrice que la religion peut et doit apporter à la société civile.

 

Chers amis, je désire aujourd’hui mentionner une tâche dont j’ai parlé à de nombreuses reprises et dont je crois fermement que Chrétiens et Musulmans peuvent la prendre en charge, particulièrement à travers leurs contributions respectives à l’enseignement et à l’éducation ainsi qu’au service public. Il s’agit du défi de développer en vue du bien, en référence à la foi et à la vérité, le vaste potentiel de la raison humaine. Les Chrétiens parlent en effet de Dieu, parmi d’autres façons, en tant que Raison créatrice, qui ordonnes et gouverne le monde. Et Dieu nous rend capables de participer à sa raison et donc d’accomplir, en accord avec elle, ce qui est bon. Les Musulmans rendent un culte à Dieu, le Créateur du ciel et de la terre, qui a parlé à l’humanité. En tant que croyants au Dieu unique, nous savons que la raison humaine est elle-même un don de Dieu et qu’elle s’élève sur les cimes les plus hautes quand elle est éclairée par la lumière de la Vérité divine. En fait, quand la raison humaine accepte humblement d’être purifiée par la foi, elle est loin d’en être affaiblie ; mais elle en est plutôt renforcée pour résister à la présomption et pour dépasser ses propres limitations. De cette façon, la raison humaine est stimulée à poursuivre le noble but de servir le genre humain, en traduisant nos aspirations communes les plus profondes et en élargissant le débat public, plutôt qu’en le manipulant ou en le confinant. Ainsi, l’adhésion authentique à la religion – loin de rendre étroits nos esprits – élargit-elle l’horizon de la compréhension humaine. Elle protège la société civile des excès de l’égo débridé qui tend à absolutiser le fini et à éclipser l’infini, elle assure que la liberté s’exerce « main dans la main » avec la Vérité, et elle enrichit la culture avec des vues relatives à tout ce qui est vrai, bon et beau.

 

Cette manière de concevoir la raison, qui pousse continuellement l’esprit humain au-delà de lui-même dans la quête de l’Absolu, constitue un défi ; elle oblige à la fois à l’espérance et à la prudence. Chrétiens et Musulmans sont poussés, ensemble, à rechercher tout ce qui est juste et vrai. Nous sommes liés pour dépasser nos propres intérêts et pour encourager les autres, les fonctionnaires et les responsables en particulier, à agir de même pour faire leur la profonde satisfaction de servir le bien commun, même s’il doit en coûter personnellement. N’oublions pas que parce que c’est notre commune dignité humaine qui donne naissance aux droits humains universels, ceux-ci valent également pour tout homme et toute femme, quelque soit sa religion et quelque soit le groupe ethnique ou social auquel il appartienne. À cet égard, nous devons noter que le droit à la liberté religieuse dépasse la seule question du culte et inclut le droit – spécialement pour les minorités – d’avoir accès au marché de l’emploi et aux autres sphères de la vie publique (…).

 

Chers amis, je crois que les sentiments que j’ai exprimés aujourd’hui nous donnent une espérance renouvelée face à l’avenir. Notre amour et notre service devant le Tout Puissant s’expriment non seulement dans notre culte mais aussi dans notre amour et notre préoccupation pour les enfants et les jeunes – vos familles – et tous les Jordaniens. C’est pour eux que vous travaillez et ce sont eux qui motivent votre exigence de placer le bien de toute personne humaine au cœur des institutions, des lois et des travaux de la société. Puisse la raison, humble et ennoblie par la grandeur de la vérité de Dieu, continuer à modeler la vie et les institutions de ce pays, de telle sorte que les familles puissent prospérer et que tous puissent vivre en paix, en contribuant à la culture qui donne son unité à ce grand royaume et en la faisant grandir ! Merci beaucoup !  

 

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Mosquée Al-Hussain Ben Talal 2

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27 juillet 2010 2 27 /07 /juillet /2010 22:06

Logo Terre SainteExtrait du discours du Pape Benoît XVI pour la pose de la première pierre de l’université catholique de Madaba (Jordanie), le 9 mai 2009.

 

Chers frères Évêques,

Chers amis,

 

C’est pour moi une grande joie de bénir cette pierre de fondation de l’Université de Madaba (…). A juste raison, le Royaume de Jordanie a donné la priorité à la tâche de développer et de perfectionner l’éducation (…). Je rends hommage aux promoteurs de cette nouvelle institution pour leur courageuse confiance qu’une bonne éducation est un point d’appui essentiel pour l’épanouissement personnel et pour la paix et le développement de la région. Dans ce contexte, l’Université de Madaba conservera sûrement à l’esprit trois objectifs importants. En développant les talents et la noblesse de comportement des générations à venir d’étudiants, elle les préparera à servir une communauté plus large et à élever son niveau de vie. En transmettant la connaissance et en diffusant chez les étudiants l’amour de la vérité, elle fortifiera puissamment leur adhésion aux valeurs authentiques et leur liberté personnelle. Enfin, cette même formation intellectuelle aiguisera leur sens critique, dissipera ignorance et préjugés, et aidera à briser l’attrait exercé par des idéologies anciennes ou nouvelles. Le résultat de ce processus est une université qui n’est pas seulement un lieu où se fortifie l’adhésion à la Vérité et aux valeurs d’une culture donnée, mais un espace de dialogue et de compréhension. Tout en assimilant leur propre héritage, les jeunes jordaniens et les étudiants des pays voisins seront conduits à une connaissance plus profonde des réussites de l’humanité, seront enrichis par d’autres points de vue et formés à la compréhension, à la tolérance et à la paix.

 

Université de Madaba

Cette éducation «plus large», c’est ce que l’on attend des institutions d’enseignement supérieur et de leur environnement culturel, qu’il soit séculier ou religieux. En fait, croire en Dieu ne dispense pas de la recherche de la vérité ; tout au contraire, cela l’encourage. Saint Paul exhortait les premiers chrétiens à ouvrir leur esprit à « tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et mérite des éloges » (Ph 4, 8). Bien sûr, la religion, comme la science et la technologie, comme la philosophie et toutes les expressions de notre quête de la vérité, peut être corrompue. La religion est défigurée quand elle est mise au service de l’ignorance et du préjugé, du mépris, de la violence et des abus. Dans ce cas, nous ne constatons pas seulement une perversion de la religion, mais aussi une corruption de la liberté humaine, une étroitesse et un aveuglement de l’esprit. Il est clair qu’une telle issue n’est pas inévitable. En effet, quand nous promouvons l’éducation, nous exprimons au contraire notre confiance dans le don de la liberté. Le cœur humain peut être endurci par les conditionnements du milieu environnant, par les intérêts et les passions. Mais toute personne est aussi appelée à la sagesse et à l’intégrité, au choix décisif et fondamental du bien sur le mal, de la vérité sur la malhonnêteté, et elle peut être aidée dans cette tâche.

 

L’appel à l’intégrité morale est perçu par la personne vraiment religieuse parce que le Dieu de la vérité, de l’amour et de la beauté, ne peut pas être servi d’une autre façon. Croire en Dieu de façon mûre est grandement utile à l’acquisition et à l’application même de la connaissance. Science et technologie offrent d’extraordinaires bienfaits à la société et ont grandement amélioré la qualité de vie des êtres humains. C’est là, sans aucun doute, une des espérances de ceux qui promeuvent cette Université dont la devise est Sapientia et Scientia. En même temps, la science a ses limites. Elle ne peut répondre à toutes les questions qui concernent l’homme et son existence. En effet, la personne humaine, sa place et son rôle dans l’univers, ne peuvent être circonscrits dans les limites de la science. « La nature raisonnable de la personne humaine trouve, et doit trouver, sa perfection dans la sagesse qui attire avec douceur l’esprit de l’homme à rechercher le vrai et le bien » (cf. Gaudium et Spes, n. 15). L’usage des connaissances scientifiques requiert la lumière de la sagesse éthique. Telle est la sagesse qui a inspiré le serment d’Hippocrate, ou la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, ou la Convention de Genève et d’autres louables Traités internationaux. De là, le fait que la sagesse éthique et religieuse, en répondant au questionnement du sens et des valeurs, joue un rôle central dans la formation professionnelle. En conséquence, les universités où la quête de la vérité est liée à la recherche de ce qui est bon et noble, offrent une contribution indispensable à la société.

 

Dans le prolongement de ces réflexions, j’encourage d’une façon particulière les étudiants chrétiens de Jordanie et des régions voisines, à se consacrer avec sérieux à une formation morale et professionnelle appropriée. Vous êtes appelés à être les bâtisseurs d’une société juste et pacifique composée de personnes de religions différentes et d’origines ethniques diverses. Ces réalités – je désire le souligner une fois de plus – doivent conduire, non à des oppositions, mais à un enrichissement mutuel. La mission et la vocation de l’Université de Madaba sont précisément de vous aider à participer plus pleinement à cette tâche.

 

 

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25 juillet 2010 7 25 /07 /juillet /2010 15:06

Chers amis, je voudrais vous faire partager aujourd’hui un échange que j’ai récemment pu avoir avec un très sympathique interlocuteur, admirateur fervent de Claude Tresmontant (c’est pourquoi nous l’appellerons ici Claude), sur la question du péché originel. Outre que cet échange nous fait réfléchir sur l’un des aspects les plus mystérieux (et les plus fondamentaux !) de la doctrine chrétienne, il a le mérite de pointer les limites de la théologie de celui qui est certainement par ailleurs comme l’un des plus grands métaphysiciens des temps modernes.

 

Claude (citant Tresmontant) : "la conception luthérienne du péché originel est typiquement gnostique. C'est en effet un caractère constant de la Gnose à travers les siècles que de raconter des histoires tragiques qui n'ont aucun fondement dans l'expérience. La conception luthérienne du péché originel est typiquement gnostique parce qu'elle raconte une histoire tragique et épouvantable qui n'a aucun fondement dans aucune expérience objective scientifiquement explorée, - ce que Luther concède et même proclame ; - ni dans la Révélation objective, car jamais l'Ecriture sainte n'a raconté une histoire de corruption intégrale de la nature humaine. C'est une histoire pour faire peur aux petits enfants."

 

"Si donc l'Humanité n'était pas devenue librement criminelle comme elle l'est devenue de FAIT, elle était tenue en toute hypothèse à cette nouvelle naissance, à cette nouvelle Création, pour être en mesure d'entrer dans l'économie de la nouvelle Création, de la durée à venir, la participation à la vie personnelle de Dieu."

 

"Ce n'est donc pas une affaire de Chute, ni une histoire de Chute. Il s'agit d'une étape dans l'histoire de la Création."

 

Matthieu : J'émets beaucoup de réserves pour ma part sur l'appréciation du péché originel par Claude Tresmontant. C'est là à mon avis que sa théologie trouve ses limites. Car il me paraît difficile de faire l'économie d'une Chute dans l'Histoire du Salut.

 

D'une manière générale, j'ai envie de dire : confiance absolue dans le Tresmontant métaphysicien ; mais grande prudence (grande prudence !) avec le Tresmontant théologien.

 

Claude : Je me permets d'insister, tu me répondras quand tu le souhaiteras. Cette question du péché originel me hante beaucoup et j'en suis venu à en faire un Maschal : Imaginons un petit garçon qui tombe, il grandit, il fait des erreurs. Ensuite, une fois homme, il a un petit garçon avec sa femme. Ce qu'il va lui transmettre, c'est cette liberté : ou bien il lui montre les erreurs que lui même a commises dans le passé ou bien il ne les voit pas et il les tait. S'il les tait, l'enfant va avoir l'habitude du "péché" comme dirait saint Augustin. Mais si le père qui était petit garçon rappelle à son enfant ce qu'il a fait, l'enfant en prend conscience. Ensuite, c'est à l'enfant, libre, de choisir. Mais il est prévenu. Dans tous les cas, je trouve que ça peut rejoindre cette affaire du péché originel. Oui, il y a eu faute, c'est un fait. Mais Dieu a laissé libre. Adam s'est nourri de cette faute, de manière consciente sûrement (l'arbre de la connaissance) mais au fil des ans, par génération, cette faute s'est oubliée. C'est l'éducation qui la constitue qui est ou dangereuse ou salvatrice. Mais dans tous les cas, l'être qui la reçoit est libre de la refuser ou pas.

 

Si tu veux, la conception du péché originel selon Tresmontant me paraît la plus lucide, il comprend l'évolution de celui-ci dans la pensée chrétienne. Surtout, ce qui me ravit (et ne me ravit que la vérité), c'est de s'écarter de ce puritanisme. L'Eglise n'est pas puritaine, ne l'a jamais été et je ne veux pas qu'elle le soit. Comment concilier liberté et habitude du péché dans ce cas ? Il y a contradiction. Nous ne naissons pas saints, mais saints en devenir si nous le voulons. Mais nous ne naissons pas "mauvais" non plus.

 

Matthieu : Claude, le problème vient précisément de ce que l'on n’est pas libre de refuser ou non le péché originel. Notre liberté s'exerce au niveau de nos actes ; pas au niveau de notre état. Or, nous naissons tous en état de péché, bien avant qu'émerge en nous une conscience lucide du bien et du mal ("j'étais pécheur dès le sein de ma mère" dit le psalmiste – Ps 50. 7).

 

La Bible nous révèle que cette situation n'a pas été voulue par Dieu, mais qu'elle est la conséquence de la Chute de nos premiers parents.

 

Le monde issu du péché originel (qui est celui dans lequel nous vivons) n'est pas mauvais : il conserve la bonté foncière de la Création ("Et Dieu vit que cela était BON" dit l'auteur du récit de Gn 1). Mais il est abîmé ("livré au pouvoir du néant", dit St Paul – en Rm 8. 20) et a besoin d'être régénéré pour recouvrer sa beauté originelle (encore plus originelle que le péché!). Le Principe de la régénération de l'homme et du cosmos tout entier, c'est le Christ Seigneur.

 

Claude : Je te rejoins sur tout ce que tu as dit et ... Tresmontant dit la même chose, je t'assure ! Il parle d'état ; c'est le "vieil homme" en somme. Mais si tu veux, pour Tresmontant, la divinisation se situe au terme de l'existence, pas à rebours. Ce n'est pas une recherche du temps perdu. Regarde : "Techniquement parlant, le péché originel désigne l'état qui précède la sanctification, c'est à dire l'entrée dans l'économie de la grâce et de la divinisation, c'est à dire encore l'entrée dans l'Eglise (…). Le baptême [est le mode d’] entrée dans l'économie de la grâce et de la divinisation, l'entrée dans l'Eglise, [où] le peccatum originale est proprement éliminé. L'enfant est entré dans l'économie de la sanctification. L'état de péché originel (vieil homme), c'est l'état qui précède la nouvelle Création, la Création de l'Homme nouveau. Ce n'est pas donc pas une histoire gnostique (…) Ce n'est pas une affaire de Chute, ni une histoire de Chute. Il s'agit d'une ETAPE dans l'histoire de la Création (…). La Création de l'Univers, de la nature, de l'Homme, s'effectue par étapes, parce qu'il n'est pas possible qu'il en soit autrement."

 

N'est-ce pas sublime ?

 

Matthieu : Ce qu’enseigne la théologie catholique, c’est que la divinisation devait originellement se produire à partir de l'état de grâce de nos premiers parents – non à partir du péché.

 

On est d'accord sur la notion de l'évolution. Elle est présente dans toute l'oeuvre de la Création, et même dans l'oeuvre de la Révélation. Mais là où je ne suis pas d'accord avec Tresmontant, c'est lorsqu'il nie l'idée de Chute.

 

Dieu a créé l'homme en état de grâce (non en état de péché) pour le faire évoluer vers la divinisation. Le péché est un "accident" que Dieu n'a pas voulu et dont il est totalement innocent. De cela, Tresmontant ne rend absolument pas compte.

 

L'évolution devait se produire dans le dessein divin à partir de l'état de grâce originelle de nos premiers parents. Si elle doit se réaliser à partir d'une situation de péché, c'est qu'il s'est glissé un grain de sable qui a fait in-voluer l'humanité – relis à cet égard Romains 5. 12-21.

 

Quand Tresmontant écrit "L'état de péché originel (vieil homme), c'est l'état qui précède la nouvelle Création, la Création de l'Homme nouveau." il n'explique pas comment l'homme est arrivé à cet état de péché originel. Est-il sorti ainsi des mains de Dieu? Dieu a-t-il créé l'homme "vieux" et pécheur? – auquel cas Il porterait l'entière responsabilité de notre situation misérable actuelle. La Bible répond que non ; que c'est le résultat d'une Chute.

 

Autrement dit : le péché n'est pas une étape obligée sur le chemin de notre divinisation ! Nous aurions pu faire l'économie du péché, du mal, de la souffrance et de la mort si nos premiers parents avaient écouté Dieu ; s'ils ne lui avaient pas désobéi.

 

Claude : Merci Matthieu pour ton attention, ton écoute. Je me permets de renchérir sur des pensées que je te fais partager. Légitimer l'idée de Chute nous invite à légitimer la Gnose avec tout ce que cela impose. L'oeuvre de la Création est bonne en soi. L'acte de Création est une grâce. Elle met en oeuvre la liberté qui est amour. Cette liberté, infinie, a rendu possible l'existence du Mal comme un corps (bon) peut engendrer des bactéries ou des virus. Ce n'est pas Dieu qui a créé le mal – il faut éviter tout manichéisme. Dans l'histoire de la Création, c'est la liberté de Dieu qui a rendu possible l'expression du Mauvais. J'ai lu récemment "Introduction à la pensée de Teilhard de Chardin" de Claude Tresmontant, et voici ce que j'ai lu à ce sujet :

 

"Si (comme il est inévitable de l'admettre, je pense) il n'y a au regard de la raison qu'une seule façon possible pour Dieu de créer, - à savoir évolutivement, par voie d'unification -, le Mal est un sous-produit inévitable, il apparaît comme une peine inséparable de la Création (…). Le mérite de Teilhard, c'est de nous montrer, dans toute son oeuvre, que l'échec, la mort, le mal, sont physiquement inévitables, tout simplement parce que la Création est temporelle, évolutive, et qu'elle procède par tâtonnement, par grands nombres, par échecs successifs corrigés, par essais et erreurs rectifiées. Imaginer une Création sans échec, sans mal, sans péché, c'est donc pure utopie, pur verbalisme. La Création n'est pas INSTANTANEE. Dieu ne peut pas communiquer instantanément sa propre perfection à la créature qu'Il fait émerger progressivement du néant. Teilhard ne fait que retrouver, souvent dans les mêmes termes, la thèse de saint Irénée, exprimée dans le livre IV de l'Adversus Haereses.

 

"Nous nous représentons souvent Dieu comme pouvant tirer du néant un Monde sans douleurs, sans fautes, sans risques, sans "casse". C'est là une fantaisie conceptuelle, Dieu malgré sa puissance ne peut pas obtenir une créature unie à Lui sans entrer nécessairement en lutte avec du mal, car le Mal apparaît inévitablement avec le premier atome d'être que la Création "déchaîne" dans l'existence. Création et impeccabilité (absolue ou générale) sont des termes dont l'association répugne autant (physiquement ou métaphysiquement, peu importe ici) à la Puissance et à la Sagesse divines que l'accouplement de créature et unicité...

 

"Notons-le en passant : dans la Révélation, nous ne trouvons aucune trace d'une tentative d'"explication" du mal. Le livre de Job semble écrit exprès pour nous dire qu'il est impossible d'expliquer ni de justifier le mal. Job, c'est le refus de toute théodicée à la Leibnitz. Certains textes du Nouveau Testament sont également formels à cet égard : si tel homme est aveugle ou paralytique, ce n'est pas parce que lui ou ses pères ont péché.

 

"Sur ce point encore, Teilhard refuse justement une idée qui n'est pas, quoi qu'on pense, d'origine chrétienne. "Suivant les vues "classiques", la souffrance est avant tout une "punition" ; son efficacité est celle d'un sacrifice ; née d'un péché, elle le répare" (La vie cosmique, Teilhard) Selon l'idée chère à Teilhard au contraire, "la souffrance, avant tout, est la conséquence et le prix d'un travail de développement." 

 

"C'est la souffrance d'un Monde qui s'enfante laborieusement et qui gémit, comme l'écrit Saint Paul, d'une manière unanime, attendant que l'humanité soit parvenue à la taille parfaite du Christ.

 

"La Rédemption, dans ces conditions, n'apparaît pas comme la réparation d'un accident survenu dans le plan Créateur de Dieu : l'Incarnation et la Rédemption, font partie intégrante du dessein créateur de Dieu : le monde est créé dans le Verbe, et le Verbe s'incarne pour porter la Création à son terme. En s'incarnant, le Verbe assume "le péché du monde", et la Croix manifeste cette loi inévitable : la Création se fait à travers l'échec et la douleur. Le Christ, par la Croix, assume la loi de toute Création, de toute la Création. Création, Incarnation, Rédemption sont indissociables en fait."

 

En fait, Tresmontant nous dit que la Gnose confond la Création et la Chute. L'homme a d'abord été créé inachevé. La Création de l'homme n'était pas achevée à l'origine. L'homme devait croître et se développer, et faire l'apprentissage de la liberté (sublime remarque!), afin de devenir pour Dieu unique un authentique vis à vis.

 

Quand on voit une punition, il s'agit en fait une conséquence de l'acte. Seule la connaissance rend possible le crime, la destruction, l'auto-destruction, et il ne faut pas oublier que Genèse est un Maschâl au même titre qu'une fable de la Fontaine contient son secret. La connaissance du bien et du mal constitue une étape dans cette genèse de l'homme, elle n'est pas en soi mauvaise. C'est aussi un risque mortel. Mais il faut dire que le crime n'est possible que s'il y a connaissance. Le crime et la sainteté.

 

Autre chose que remarque très justement Tresmontant : L'homme, selon le récit biblique du paradis et de la chute, n'est pas créé immortel mais capable d'immortalité, ce qui est tout différent. Ce n'est pas un ange, "elohim" qui tournent autour de l'arbre de la vie.

 

Matthieu : Claude, il y a beaucoup de choses dans ton dernier message. Je vais essayer de te répondre.

 

Tu dis "Légitimer l'idée de chute nous invite à légitimer la Gnose avec tout ce que cela impose." C'est là à mon avis une première erreur de perspective qui explique le mauvais aiguillage de Tresmontant sur cette question là.

 

La gnose a été condamnée par l'Eglise – et la gnose condamne l'Eglise : les deux options sont objectivement incompatibles. Cela ne signifie pas que tout dans la gnose doive être rejeté! La doctrine catholique enseigne qu'il existe dans toutes les traditions religieuses et philosophiques ce qu'elle appelle des "semences du Verbe", c'est-à-dire des bribes de Vérité. L'intuition de la Chute que l'on retrouve chez Platon et chez nombre de penseurs gnostiques peut donc être régulièrement admise en dépit du fait qu’elle connaît chez ces auteurs des développements contraires à la pensée chrétienne.

 

Le propre d'une hérésie, c'est de choisir (la racine grecque du mot hérésie signifie : "choix") un élément de l'orthodoxie au détriment des autres qui le complètent et à la lumière desquels il doit être reçu et interprété. L'élément isolé n'est pas faux en lui-même, mais c'est son isolement du reste de la doctrine orthodoxe qui le rend faux et qui conduit à des conclusions erronées. C'est un peu, il me semble, ce que fait Tresmontant en choisissant la Création contre la Chute alors qu’il n’y a pas lieu d’opposer ces deux vérités, mais de les tenir ensemble conformément à la doctrine révélée.

 

Tresmontant écrit : "l'échec, la mort, le mal, sont physiquement inévitables, tout simplement parce que la Création est temporelle, évolutive, et qu'elle procède par tâtonnement, par grands nombres, par échecs successifs corrigés, par essais et erreurs rectifiées." C'est confondre la finitude de l'être créé avec le mal – un échec lié à notre incomplétude avec le péché lié à notre malice.

 

Une chose est de chercher et de ne pas trouver du premier coup ; une autre est de faire volontairement le mal, de désobéir à Dieu et de faire souffrir l'homme. La première est inhérente à notre condition de créature (et donc : inévitable) ; l'autre est la conséquence d'une liberté qui s'est dévoyée (elle était donc évitable). Car l'essence de la liberté, ce n'est pas le libre choix de faire le mal (car alors paradoxalement : Dieu serait moins libre que nous!) ; c'est la pleine capacité de choisir le bien et de l'accomplir conformément à notre vocation (j'avais écrit un article sur cette question de la liberté et du mal).

 

Autrement dit, il n'est pas juste d'affirmer que le mal était inévitable. Dire cela, c'est reconnaître quelque responsabilité à Dieu dans le mal qui nous ronge et qui défigure l'homme.

 

Tu as le droit par exemple de considérer que le génocide juif a permis de faire avancer la conscience de l'humanité sur la dignité de chaque être humain, et contribué à l'édification d'un avenir de paix fondé sur la justice et le droit (quelque soit par ailleurs les imperfections de la construction européenne). Mais cela n'autorise pas à penser que Dieu est à l'origine de la Shoah et qu'il l'a voulu de quelque manière. Non : Dieu intervient pour créer et restaurer ; jamais pour détruire. Si Dieu a permis à l'homme de surmonter ce drame humain absolu, c'est en vertu de sa Providence qui reçoit l'action de notre liberté (même lorsqu'elle est pécheresse et criminelle) pour la faire tourner en notre faveur pour Sa plus grande gloire,... et l'éternelle confusion des damnés.

 

Il y a un très beau livre sur le mal et la providence divine que je te recommande tout spécialement (clique sur le lien et la chevillette cherra ).

 

"Dieu ne peut pas communiquer instantanément sa propre perfection à la créature qu'Il fait émerger progressivement du néant. (...) Création et impeccabilité (absolue ou générale) sont des termes dont l'association répugne autant (physiquement ou métaphysiquement, peu importe ici) à la Puissance et à la Sagesse divines que l'accouplement de créature et unicité.." : Mais il ne faut pas confondre l'état de grâce et d'amitié avec Dieu avec la perfection. La Vierge Marie par exemple était immaculée – préservée des conséquences du péché originel ; elle n'a jamais commis le moindre péché. Elle n'était pas pour autant parfaite – ou plutôt : sa perfection, avant son Assomption-divinisation, était celle, limitée, d’une créature. Nous la voyons ainsi dans l'Evangile ne pas toujours comprendre le sens des paroles de son Fils, ni celui du cours des évènements. Elle n'a pas la science infuse : elle reçoit l'information (pour parler comme Tresmontant) dans son coeur, et c'est en la méditant longuement qu’elle parvient peu à peu à grandir dans la connaissance de Dieu et de son dessein d'amour. Le prototype de l'évolution créatrice telle que Dieu la désirait dans son projet originel, ce n'est pas Adam et Eve, ni l'humanité pécheresse ; c'est la Vierge Marie.

 

Il me vient une distinction que nous pourrions établir entre la faute et le péché. On pourrait dire qu'une Créature non achevée, en cours d'évolution, est sujet à la faute. Et qu'il est dans l'ordre de sa nature que de commettre des fautes. Dans un sens, peut-être, la faute est inévitable pour une créature en cours d'évolution – cela, je veux bien le concéder. Mais cela n'implique nullement ni nécessairement le péché ! Ce n'est pas un péché par exemple de faire des fautes d'orthographes ; ni de se tromper sur ce que le Seigneur attend de nous ("ce que nous serons ne paraît pas encore clairement" dit Saint Jean en 1 Jn 3. 2). C'en est un en revanche que de décider volontairement de faire le contraire de ce que Dieu attend de nous. Autant la faute paraît inévitable – puisque nous n'avons pas en nous la plénitude de la connaissance ; nous sommes sujets à l'erreur, aux tâtonnements. Autant le péché, lui, n'a rien d'inévitable. Il n'est pas nécessaire au mûrissement de notre liberté ; l'affirmation du contraire est très précisément l'objet du mensonge de Satan à nos premiers parents (pour être comme des dieux, suggère le perfide Serpent, il faut désobéir à Dieu ; donc : prendre sa place). Seul Dieu est nécessaire au mûrissement de notre liberté. Seule sa Parole (le Verbe) est nécessaire pour nous faire entrer dans la vie, et la vie en plénitude (cf. Jn 10. 10).

 

"le monde est créé dans le Verbe, et le Verbe s'incarne pour porter la création à son terme. En s'incarnant, le Verbe assume "le péché du monde", et la Croix manifeste cette loi inévitable : la Création se faire à travers l'échec et la douleur. Le Christ, par la Croix, assume la loi de toute création, de toute la Création".

 

C'est parfaitement exact. Mais c'est le scénario qui résulte du péché originel. Sans le péché originel, l'Incarnation aurait peut-être quand même eu lieu – de l'avis de certains théologiens. En la personne de Jésus-Christ, toute la Création aurait été assumée et transfigurée, divinisée dans son offrande eucharistique au Père. Et c'est ainsi que l'humanité – qui n'a pas été créée immortelle mais capable d'immortalité, ainsi que tu le dis très bien – aurait reçu la vie éternelle... qui est in fine de connaître Dieu et son Fils Jésus-Christ (cf. Jn 17. 3) : "connaître" étant pris ici au sens le plus fort de connaissance intime et de communion.

 

Ce qui me gène, vois-tu, dans la position de Tresmontant sur cette question du péché originel, c'est qu'elle est fondamentalement contradictoire avec tout le reste de son oeuvre philosophique. D'un côté, il démontre l'existence de Dieu ; il établi le fait de la Révélation ; il nous donne toutes les raisons de croire et de penser que la Révélation a été confiée au peuple Juif, puis, après Jésus-Christ, à l'Eglise de Rome ; que la pensée orthodoxe se trouve donc dans l'Eglise catholique. Et ceci posé, il développe toute une théorie du péché originel parfaitement hétérodoxe, sans prendre la peine de réfuter frontalement la pensée de l'Eglise sur ce point (et pour cause, cela l'enfoncerait dans des contradictions encore plus patentes...). Il se contente de dire au sujet de la Chute : c'est la pensée de la gnose – sans voir que c'est aussi la pensée de l'Eglise catholique depuis les origines (les écrits de St Paul en atteste).

 

Dès lors : je t'invite Claude à approfondir cette question non plus à partir de Tresmontant ni même de ton intime conviction, mais à partir de l'enseignement de l'Eglise catholique, dont Tresmontant lui-même affirme qu’il est le seul recevable – après l'avoir établit rationnellement.

 

Je te recommande pour cela la lecture du Catéchisme de l'Eglise catholique (ouvrage de base à avoir dans sa bibliothèque!) et celle du très beau livre de Mgr André Léonard : "Les raisons de croire". Au stade de ta réflexion, ce dernier ouvrage me paraît comme un chemin obligé. Tu m'en diras des nouvelles!

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